Violation du droit d’être entendu
base giuridica
Nome del giudice
Cour de Justice de Genève, Chambre des baux et loyers (ACJC/869/2022)
Data
27.06.2022
Sommario
Les premiers juges ont convenu d’attendre la décision de la Cour de justice sur la question de l’effet suspensif à l’appel interjeté par la recourante. Ils ont rendu le jugement après avoir eu connaissance de l’arrêt. Ce faisant, les premiers juges se sont basés sur une pièce nouvelle, à savoir l’arrêt précité, pour fonder leur décision. Ils n’ont donné à aucune des parties la faculté de se déterminer à ce propos. Une telle manière de procéder n’est pas conforme au droit d’être entendu des parties et à un procès équitable.
Esposizione dei fatti
Les parties sont liées par un contrat de bail du 12 mai 1998 portant sur la location d’un atelier de peinture sis au deuxième étage d’un immeuble situé à Genève.
Le 4 octobre 2017, la bailleresse a résilié le bail de la locataire pour le 31 mai 2018. La locataire a contesté le congé le 2 novembre 2017 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Non conciliée, l’affaire a été portée devant le Tribunal des baux et loyers le 9 février 2018.
Lors de l’audience du 23 mai 2018, les parties ont signé un accord transactionnel, selon lequel elle s’engageait à libérer le local litigieux d’ici le 31 octobre 2021. Le 18 octobre 2021, la locataire a déclaré invalider l’accord pris le 23 mai 2018, alléguant avoir été victime d’un dol, respectivement d’une erreur essentielle.
Le même jour, la locataire a déposé auprès du Tribunal des baux et loyers une demande de révision, assortie de mesures provisionnelles, concluant notamment à l’annulation de l’accord pris lors de l’audience du 23 mai 2018.
Par jugement du 21 décembre 2021, le Tribunal a rejeté la requête de mesures provisionnelles. La locataire a formé appel de ce jugement. Par arrêt du 13 janvier 2022, la requête d’effet suspensif a été rejetée.
Parallèlement à la procédure de révision, la bailleresse a déposé une requête en exécution devant le Tribunal le 19 novembre 2021. Lors de l’audience du 23 décembre 2021, la locataire a conclu au rejet de la requête en exécution au motif qu’une demande de révision du procès-verbal litigieux avait été déposée le 18 octobre 2021.
Par jugement du 23 décembre 2021, le Tribunal des baux et loyers a autorisé la bailleresse à faire exécuter par la force publique le procès-verbal du 23 mai 2018. Par acte du 9 février 2022, la locataire a formé recours contre ce jugement dont elle sollicite l’annulation.
Considerazioni
2.1.3 Compris comme l’un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l’art. 29 Cst., le droit d’être entendu garantit notamment le droit de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l’estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu’elle soit ou non concrètement susceptible d’influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1).
Il appartient aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 139 I 189 consid. 3.2).
2.1.4 Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3; 143 IV 380 consid. 1.4.1). Sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un pouvoir d’examen complet en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1).
2.2 S’agissant de la composition régulière du Tribunal, il ressort du dossier que celui-ci a délibéré dans la composition de trois juges le 23 décembre 2021, de sorte que le grief relatif à une composition irrégulière est infondé.
2.3 II ressort toutefois de la délibération que les premiers juges ont convenu d’attendre la décision de la Cour de justice relative à la procédure de révision (C/20143/2021), en particulier sur la question de l’effet suspensif à l’appel interjeté le 23 décembre 2021 par la recourante, pour trancher définitivement le cas. Après avoir eu connaissance de l’arrêt rendu le 13 janvier 2022 dans ladite procédure, les premiers juges ont rendu le jugement litigieux.
Ce faisant, les premiers juges se sont basés sur une pièce nouvelle, à savoir l’arrêt précité, pour fonder leur décision. Ils n’ont toutefois donné à aucune des parties la faculté de se déterminer à ce propos. Une telle manière de procéder n’est pas conforme au droit d’être entendu des parties et à un procès équitable. En effet, il n’est pas admissible que le Tribunal complète d’office l’instruction de la cause après les délibérations par l’ajout de nouvelles pièces ou de nouveaux faits pour fonder sa décision, ceci sans en informer les parties et leur donner l’occasion de se déterminer à ce propos.
La question de savoir si ce nouvel élément a été ou non décisif dans la solution choisie par le Tribunal est sans importance à ce propos.
Le grief de la recourante sur la violation de son droit d’être entendue est dès lors fondé.
Decisione
62/10 - Violation du droit d’être entendu