Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève
15.06.2009
Lorsque la prétendue sous-location s'apparente en fait à un transfert déguisé du bail, décidé sans le consentement du bailleur, elle constitue un inconvénient majeur et justifie une résiliation immédiate du bail. En effet, lorsqu'un preneur voit son bail résilié de manière anticipée en raison d'une sous-location non autorisée, il ne saurait contester le congé se prévalant d'un droit de sous-louer exercé en violation des règles de la bonne foi. La bailleresse étant ainsi en droit de s'opposer à la sous-location utilisée dans un but – illégitime – de substitution de locataire.
3.1 En vertu de l'article 262 al. 1 CO, le locataire ne peut \nsous-louer qu'avec le consentement du bailleur. Ce dernier ne peut \ncependant refuser son consentement que dans les hypothèses prévues à \nl'article 262 al. 2 CO (ATF 125 III 62 consid. 2a p. 63), à savoir si le\n locataire refuse de lui communiquer les conditions de sous-location \n(let. a), si les conditions de la sous-location, comparées à celles du \ncontrat de bail principal, sont abusives (let. b) et, enfin, si la \nsous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (let. \nc). Ces exceptions au principe doivent être tenues dans des limites \nétroites (TF in SJ 2001 I 117 consid. 2b p. 19, également CdB 2002 p. \n97; TF in CdB 1995 p. 19 consid. 4b in fine p. 21, également SJ 1995 p. \n227).
La Chambre d'appel en matière de baux et loyers considère \nqu'une sous-location conclue sans que ne soit requise l'autorisation du \nbailleur ne justifierait pas de ce seul fait la résiliation du bail \nprincipal selon l'art. 257f al. 3 CO ou l'art. 266 g CO. Selon la \nChambre d'appel, la sanction de la résiliation du bail en application de\n ces dispositions s'avère trop rigoureuse eu égard à la violation \ncontractuelle commise, laquelle peut, selon les cas, n'entraîner \nconcrètement aucune répercussion préjudiciable au bailleur. Il y a donc \nlieu de limiter la faculté de résilier le bail aux seules situations \ndans lesquelles un refus d'autorisation eut été justifié (art. 262 al. 2\n a, b, c CO), car le bailleur peut alors faire valoir un intérêt \npersonnel ou public (art. 262 al. 2 b CO) à la résiliation.
3.2 Pour la doctrine, la sous-location ne présente un avantage pour \nle locataire que si elle est conçue de manière temporaire (LACHAT, La \nsous-location, SJ 1992 470); la sous-location est à envisager lorsque le\n locataire n'entend renoncer que provisoirement à l'usage de la chose \nlouée (LACHAT, le nouveau droit du bail, 2éme éd., p. 267, ch. 1.1). A \ndéfaut de caractère provisoire, le locataire doit faire usage de l'art. \n264 CO, dans la mesure où son intention est alors de se libérer des \nobligations du contrat. La sous-location n'a pas été créée pour \npermettre au locataire de conserver à demeure et pour une durée \nindéterminée la titularité d'un bail (ROLLINI, Le caractère provisoire \nde la sous-location et les limites imposées en la matière au locataire, \nCdB 1995 p. 16). Le Tribunal fédéral a toutefois mis en doute l'idée que\n la sous-location ne serait admissible que si le sous-bailleur \nenvisageait de reprendre un jour la chose pour lui-même. Il n'a \ncependant pas tranché expressément la question, considérant qu'en tous \nles cas, il suffit que le sous-bailleur n'ait pas perdu toute idée de \nreprendre l'usage de l'appartement en cause, même si ses intentions ne \nsont que vagues; le fait que la sous-location soit conclue pour une \ndurée indéterminée ne constitue pas un inconvénient majeur pour le \nbailleur (ATF 4C. 155/2000 du 30 août 2000, consid. 2 b; CdB 1995 p. 19 \nconsid. 4c). La Cour considère également que le contrat de sous-location\n implique le désir du locataire principal de revenir vivre dans les \nlocaux (ACJ n° 1134 du 12.11.2001 D. c/ M. F.).
\n3.3 Le transfert de bail et la sous-location se distinguent notamment\n par une intention différente du locataire. Par la sous-location, le \nlocataire veut toujours revendiquer l'usage de la chose et disposer de \nson droit d'usage alors que, par le transfert, il veut au contraire \nremettre son droit d'usage à un tiers et se libérer en même temps du \nbail (ATF 4A_181/2008).
\n3.4 Il incombe à la bailleresse d'établir que la locataire peut se \nvoir imputer une violation de ses obligations, d'une gravité telle \nqu'elle justifie un congé avec effet immédiat.
\n4. En l'espèce, il ressort de la procédure que l'intimée a elle-même,\n dans un premier temps et sous la plume de son conseil, soutenu qu'elle \nn'avait jamais sous-loué son appartement et qu'elle s'acquittait de son \nloyer. Elle a aussi expliqué qu'elle avait hébergé temporairement sa \nsœur et sa nièce qui étaient dans une situation difficile et qui \ndisposaient de peu de moyens.
C'est seulement en cours de procédure \ndevant le Tribunal des baux et loyers que l'intimée a admis qu'elle \nn'habitait plus rue Z. et que c'était sa sœur qui occupait désormais \nl'appartement, ce qui a été confirmé par l'assistante sociale qui aide \ncette dernière.
L'intimée n'a en outre produit aucun contrat de \nsous-location, ni aucun autre élément probant concernant l'existence \nd'une telle sous-location.
Il ressort également de la procédure que \nl'appelante a découvert fortuitement, à l'occasion d'une demande \ntéléphonique de renseignement concernant une majoration du loyer, de la \nbouche de l'assistante sociale qui aide la sœur de l'intimée, que \nl'intimée n'occupait plus son logement depuis 2002, date de son mariage.\n C'est dans ce cadre que l'assistante sociale a sollicité par écrit le \ntransfert du bail à la sœur de l'intimée.
L'intimée a encore indiqué\n qu'elle se rendait régulièrement dans son appartement la journée. Elle a\n admis n'y avoir dormi que deux fois en cinq mois lorsque son mari était\n en voyage.
Alors même que l'intimée n'occupait plus son logement \ndepuis son mariage en 2002, les intimés ont continué de voir le loyer de\n l'appartement réduit de l'aide personnalisée de plus de 500 fr. par \nmois. En outre, le loyer était pris en charge intégralement par \nl'Hospice général dans le cadre de l'assistance apportée à sa sœur.
Dans\n ces circonstances, la prétendue sous-location s'apparente en \nl'occurrence en fait à un transfert déguisé du bail à la sœur de \nl'intimée, décidé sans le consentement du bailleur, constituant un \ninconvénient majeur au sens de l'art. 262 al. 2 lit. c CO justifiant une\n résiliation immédiate du bail.
En effet, lorsqu'un preneur voit son\n bail résilié de manière anticipée en raison d'une sous-location \nnon-autorisée, il ne saurait contester le congé se prévalant d'un droit \nde sous-louer exercé en violation des règles de la bonne foi. \nL'appelante était ainsi en droit de s'opposer à la sous-location \nutilisée dans un but - illégitime - de substitution de locataire.
Cette\n violation des devoirs contractuels pouvait ainsi être sanctionnée par \nl'appelante et le congé a donc été valablement notifié.