Restitution anticipée de la chose louée

base giuridica

Nome del giudice

Ile Cour d’appel civil de Fribourg

Data

31.08.2011

Sommario

Le fait qu’un candidat locataire ne soit pas objectivement solvable ne signifie toutefois pas encore que le refus du bailleur soit justifié. Lorsque le bailleur propose au candidat locataire refusé un autre appartement, la doctrine considère qu’un tel comportement, qualifié par certains de « détournement de candidat » représente un refus injustifié, qui doit être imputé au bailleur et qui libère donc valablement le locataire. Tel est également le cas lorsque la décision du bailleur est tardive.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer conclu le 17 mars 2008 et portant sur la location d’un appartement de 4 pièces, avec effet au 1er avril 2008. Le contrat était renouvelable tacitement d’année en année.
Les locataires ont appris le 2 juillet 2009 que l’office cantonal du logement leur avait retiré le bénéfice des abaissements de la Confédération et du canton avec effet au 1er septembre 2009, le loyer étant alors de fr. 1'715.-.
Ne pouvant prendre en charge cette hausse, les locataires ont annoncé à leur bailleur vouloir mettre un terme de manière anticipée à leur contrat au 30 septembre 2009, d’abord par téléphone, puis par une lettre du 31 août.
Une vingtaine de personnes sont venues visiter l’appartement des locataires, dont une candidate qui a déposé son dossier auprès du bailleur le 16 septembre. Cette candidature a été rejetée le 11 octobre 2009, au motif d’insolvabilité. Le 10 novembre 2009, le bailleur a estimé que les locataires restaient garants des conditions du contrat jusqu’à l’échéance du 1er avril 2010, ce que les locataires ont contesté.
Ensuite de l’échec de la requête adressée le 29 décembre à la commission de conciliation en matière de baux à loyer et de l’acte de non-conciliation délivré, les locataires ont déposé le 1er mars 2010 une demande en constatation de droit, selon laquelle le contrat de bail ait valablement pris fin le 30 septembre 2009.
Par jugement du 22 décembre 2010, le Tribunal des baux a accepté la demande des locataires. Le bailleur a interjeté appel de ce jugement en temps utile.

Considerazioni

2b
Au sens de l’art. 264 al. 1 CO, lorsque le locataire restitue la chose sans observer le délai ou terme de congé, il n’est libéré de ses obligations envers le bailleur que s’il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser ; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions. Cette institution instaure ainsi « un mode particulier de fin prématurée du contrat, découlant de l’obligation générale du créancier (le bailleur) de réduire son dommage » (CR CO I-LACHAT, no 1 ad art. 264). Le nouveau locataire doit remplir trois exigences, pour que l’ancien locataire puisse valablement être libéré de ses obligations et restituer la chose avant le terme contractuel ou légal. Le candidat doit en premier lieu être objectivement acceptable. Cette notion se confond avec celle de justes motifs, que pourrait opposer le bailleur à l’arrivée du nouveau locataire (ATF 119 II 36 consid. 3d, CR CO I-LACHAT, no 4 ad art. 264). Le candidat doit ensuite être disposé à reprendre le contrat de bail aux mêmes conditions (CR CO I-LACHAT, no 6 ad art. 264) et finalement ne pas être insolvable (CR CO I-LACHAT, no 5 ad art. 264).
Cette dernière condition s’apprécie de cas en cas, mais la jurisprudence fédérale a posé quelques règles et limites en la matière. Ainsi, la situation économique sur le marché du logement est telle que de nombreuses personnes, notamment les jeunes couples, de toute origine sociale doivent consacrer le tiers ou plus de leurs revenus au paiement du loyer et des charges, sans que l’on puisse douter pour autant de leur solvabilité (ATF 119 II 36 consid. 3d). Le critère essentiel est que le candidat soit « en mesure de payer ponctuellement le loyer et les frais accessoires, ainsi que d’éventuelles majorations découlant d’une clause d’indexation ou d’échelonnement » (D. LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 613). Il est par ailleurs « erroné de vouloir attacher une importance démesurée à la seule proportion existant entre le montant du loyer et les revenus du locataire de remplacement » (BISE/PLANAS in Commentaire pratique, Droit du bail à loyer, Bâle 2010, no 45 ad art. 264). D’une manière générale, les critères à prendre en compte pour pouvoir établir le caractère solvable du locataire entrant doivent inclure la totalité des sources de revenu (cas échéant les revenus cumulés s’il y a plusieurs signataires du bail), la situation financière en matière de poursuites (un acte de défauts de biens démontre par essence l’insolvabilité de la personne concernée ; les poursuites en sont un indice), la ponctualité dans le versement intégral du loyer (BISE/PLANAS, op. cit., no 47 à 50 ad art. 264), ainsi que « l’origine des revenus, la nature de l’activité professionnelle déployée par le candidat, l’apport financier du conjoint, d’un concubin ou d’un autre cotitulaire du bail, ainsi que d’éventuelles garanties offertes par des tiers » (F. CHAIX, L’article 264 CO : A la recherche du locataire de remplacement in SJ 1999 II 49, p. 59 s.). A titre d’exemples, un candidat qui s’engage à payer un loyer sensiblement plus bas que celui dont s’acquittait l’ancien locataire (ATF 117 II 56/JdT 1992 I 317), de même que le candidat qui a demandé sa mise en faillite et qui est au chômage (arrêt du TF du 22 mai 2001 4C.15/2001) ont été considérés comme étant insolvables. Le bailleur pouvait ainsi dans ces cas refuser valablement le nouveau locataire, l’ancien locataire restant débiteur du loyer jusqu’à l’échéance du terme. Au contraire, un couple qui doit consacrer un tiers de son revenu au paiement du loyer, même si le couple n’était pas encore marié et qu’il était possible que la femme arrête de travailler, a été considéré comme étant solvable (ATF 119 II 36).
Bien que le locataire ne soit pas tenu de respecter un quelconque délai pour restituer la chose louée de manière anticipée, « [i]l doit toutefois donner au bailleur le temps d’examiner la candidature proposée, en particulier de s’assurer la solvabilité du candidat » (D. LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 611). Un délai de 10 à 20 jours, davantage pour les locaux commerciaux ou pour les personnes qui ne sont pas des professionnels de la branche, peut être considéré comme suffisant. Dans ce délai, le bailleur est tenu de donner au locataire qui présente un candidat sa réponse quant à l’acceptation ou non de ce dernier, cas échéant les motifs qui l’ont amené à le refuser (F. CHAIX, op. cit., p. 70 s., CR CO I-LACHAT, no 7 ad art. 264, D. LACHAT, op. cit., p. 611 s.).
L’art. 264 CO « n’impose aucune Kontrahierungszwang. Le bailleur est libre de refuser le candidat. Toutefois, si celui-ci est objectivement acceptable, solvable et disposé à conclure aux mêmes conditions (preuves à la charge du locataire, art. 8 CC), le sortant est libéré de ses obligations, dès le jour où le candidat était prêt à reprendre le bail, pour autant qu’à cette date la chose ait été effectivement restituée. Sont notamment assimilés à un refus injustifié libérant le sortant : l’absence de réponse du bailleur à la candidature proposée, un refus non motivé, ainsi que le « détournement de candidat » (le bailleur lui propose d’autre locaux) » (CR CO I-LACHAT, no 9 et 10 ad art. 264).

2c
En l’espèce, les locataires ont clairement signifié au bailleur leur volonté de remettre la chose louée (pièce 8 du bordereau de demande, lettre du 31 août 2009). Ils ont en outre respecté le délai de préavis d’un mois pour le quinze ou la fin d’un mois (art. 9 du contrat-cadre romand, applicable en l’espèce en vertu du ch. 3 de ses dispositions générales).
La candidature de X. a été déposée le 16 septembre 2009, pour le 1er octobre 2009. Les locataires ont dû repousser la remise de l’objet loué et ont trouvé un arrangement avec leur nouveau bailleur pour que leur prochain bail débute un mois plus tard que prévu, soit le 1er novembre 2009. Cela a été dû au fait que le bailleur ne leur fournissait aucune réponse quant à l’acceptation ou non de la candidature de X.
Dans un premier temps, il sied de constater que la solvabilité de la candidate ne peut en l’espèce être retenue. En effet, X. réalise un salaire mensuel brut de 3'400 francs, soit 2'556 fr. 35 net, et perçoit au surplus, selon jugement étranger, 300 euros par mois à titre de pension alimentaire. Bien qu’il n’ait pas été prouvé en première instance que ce montant soit effectivement perçu, et même en le retenant pour les besoins du présent calcul, in n’en demeure pas moins que l’insolvabilité de la candidate peut être établie. En se fondant sur des revenus globaux d’un total approximatif de 2'900 francs nets par mois, la candidate aurait dû s’acquitter d’un loyer d’un montant de 1'505 francs, charges comprises. Cela représente un taux d’effort arrondi de 52% (rapport qu’il faut calculer en se fondant sur les revenus nets, et non bruts ; cf. notamment ATF 119 II 36 consid. 3d), soit plus de la moitié de ses revenus cumulés. Quand bien même X. avait obtenu une garantie de la part de son employeur, un tel ratio est trop élevé pour que la solvabilité de la candidate puisse être établie, ce d’autant plus qu’elle a à charge trois enfants, dont il n’est pas allégué qu’ils contribuent financièrement au ménage (TERRAPON, in 12e Séminaire sur le droit du bail 2002, La restitution des locaux loués et l’offre d’un locataire de remplacement, p. 13, estime à ce propos qu’un rapport de 50% permet à lui seul de fournir l’indication selon laquelle un candidat ne remplit pas la condition de solvabilité). La situation financière de la candidate n’était ainsi pas de la même nature que celle des anciens locataires, à savoir celle d’un couple sans enfants qui devait s’acquitter d’un loyer moins élevé, et le raisonnement des premiers juges n’est ainsi pas critiquable, ceux-ci arrivant quoi qu’il en soit au même résultat d’insolvabilité de la candidate.
Le fait que cette candidate ne soit pas objectivement solvable ne signifie toutefois pas encore que le refus du bailleur soit justifié. En effet, dans le cas d’espèce, deux éléments doivent être imputés au bailleur, avec pour conséquence de libérer les locataires sortants de leurs obligations de règlement du loyer dès le 30 septembre 2009.
Premièrement, malgré le refus du bailleur, respectivement de sa représentante, d’accepter X. comme nouvelle locataire, la Cour de céans constate qu’un autre appartement a été proposé par le bailleur à la candidate. Certes, celui-ci est plus petit (3 pièces au lieu de 4 pièces) et son loyer diffère quelque peu (il est inférieur de 319 francs). La doctrine considère qu’un tel comportement du bailleur, qualifié par certains de « détournement de candidat » (CR CO I-LACHAT, no 9 et 10 ad art. 264), représente un refus injustifié, qui doit être imputé au bailleur et qui libère donc valablement les locataires (F. CHAIX, op. cit., p. 70, CR CO I-LACHAT, no 9 et 10 ad art. 264, TERRAPON, op. cit. p. 19, LACHAT in Cahiers du bail 1998, La restitution anticipée de la chose louée (art. 264 CO) : Questions choisies, p. 144). Le montant du loyer du logement proposé n’est pas pris en considération par la doctrine, de sorte qu’il suffit qu’un bailleur propose un autre logement au candidat présenté par les locataires sortants, pour que l’on puisse retenir un refus injustifié. La question de savoir si le critère du loyer doit être pris en considération peut cependant rester en l’espèce indécise. En effet, même si une différence de 319 francs entre les deux appartements existe, il n’en demeure pas moins que l’insolvabilité de X., au sens de l’art. 264 CO, est établie. Malgré la baisse du loyer (de 1'505 francs à 1'186 francs), le taux d’effort représente toujours un pourcentage élevé, soit approximativement 41%. Le recourant ne peut ainsi pas refuser valablement la reprise de l’appartement des intimés de la part de X., en arguant de son insolvabilité, alors qu’il lui propose un autre appartement, pour lequel elle est également insolvable, même dans une mesure moindre. A cela s’ajoute le fait que les conditions de location on été les mêmes pour les deux appartements, soit que l’employeur de la candidate devait se porter garant. On ne voit dès lors pas en quoi le fait pour l’employeur de se porter garant n’était pas suffisant pour le premier appartement de 4 pièces, mais le deviendrait à lui seul pour l’appartement de 3 pièces. Pour ce premier motif déjà le recours doit être rejeté, les deux raisonnements des premiers juges étant indépendants (sur la notion : ATF 133 IV 119 consid. 6.3.).
Deuxièmement, le bailleur a reçu la candidature de X. le 16 septembre 2009 ; il avait d’ailleurs d’ores et déjà été averti oralement de cette éventuelle candidature le 14 septembre 2009 (pièce 114 du bordereau de réponse ; lettre du 14 septembre 2009). Même à admettre que la décision du bailleur prenne plus de temps du fait de l’octroi ou non du consentement du service du logement à l’égard de la candidate, il n’en demeure pas moins qu’il a rendu sa décision de manière tardive. Il a d’une part fourni au service du logement (compétent en matière de subventions) un dossier en partie incomplet (lettre du 22 novembre 2010 du service du logement adressée au Président du Tribunal des baux de la Glâne). Il a ainsi dû compléter le dossier, afin de permettre au service de pouvoir statuer et rendre sa décision : cela a eu pour conséquence de rallonger de manière indue la procédure. D’autre part, la décision du service était connue du bailleur en date du 7 octobre 2009 déjà (même lettre du 22 novembre 2010). Il s’est ainsi écoulé 15 jours entre le moment où le bailleur avait connaissance du montant des subventions et sa communication de refus aux locataires. Un tel délai est à lui seul déjà excessif. Le bailleur connaissait en effet déjà la situation financière de la candidate depuis le 16 septembre 2009. Il connaissait également la situation des locataires sortants : ceux-ci avaient d’ores et déjà trouvé un nouvel appartement et il était ainsi urgent pour eux d’être fixés sur la reprise de leur appartement. De l’avis de la Cour et au vu des circonstances du cas d’espèce, la date du 16 septembre 2009 déjà marque le point de départ du délai de réflexion du bailleur, l’insolvabilité de la candidate étant manifeste. Au surplus, ce n’est que suite à l’un des nombreux appels des locataires que le bailleur a finalement daigné leur communiquer sa décision de refus le 22 octobre 2009. Celui-ci est ainsi tardif, puisqu’il représente 36 jours depuis la connaissance des données financières de la candidate, ainsi que 15 jours depuis la connaissance des données du service du logement. Il est ainsi injustifié et pour ce motif également le recours doit être rejeté.
L’argumentation du recourant n’y change rien, lorsqu’il affirme que la régie n’a pas fait preuve d’un manque de diligence dans le traitement du dossier de relocation. Certes, si un locataire avait été trouvé, il n’y aurait eu aucun dommage, et aucun litige ne serait survenu. Toutefois, le reproche imputable au bailleur réside non dans le traitement du dossier dans son ensemble, mais bien du traitement du dossier de la candidate proposée par les locataires sortants. C’est ce manque de diligence qui lui est imputable et c’est en raison de ce retard que le bailleur n’a pas fourni au locataire un refus justifié.

2d
Partant et bien que la solvabilité de X. soit déniée, les griefs du recourant doivent être rejetés, son refus de la candidature proposée étant injustifié.

Decisione

51/6 - Restitution anticipée de la chose louée

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