Résiliation du bail avec effet immédiat

base giuridica

Nome del giudice

Cour de Justice de Genève, Chambre des baux et loyers (ACJC/929/2022)

Data

07.07.2022

Sommario

Une sommation, refusant une sous-location, prévoyant des contrôles d’occupation du logement et se réservant la possibilité de résilier avec effet immédiat le bail en cas de non-respect, ne peut être considérée comme une protestation écrite ayant pour objet de faire cesser une violation en cours et d’en empêcher une nouvelle. Elle n’indique pas précisément l’obligation violée par l’intimé – il est fait mention de diverses questions – et ne mentionne pas les mesures qu’il conviendrait de prendre pour corriger le tir.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail du 26 mai 2009 portant sur la location d’un appartement de deux pièces au 7ème étage d’un immeuble situé à Genève.
Le 8 janvier 2019, le locataire a informé les bailleurs que, devant s’absenter pour une durée indéterminée, il avait l’intention de mettre en sous-location son appartement meublé. Il a transmis le 9 mars une copie de la pièce d’identité du son futur sous-locataire, ainsi qu’une copie du contrat de sous-location.
Par pli du 15 mars 2019, les bailleurs ont refusé la sous-location, indiquant que le motif invoqué n’était pas selon eux valable et que les documents nécessaires n’avaient pas été transmis. Ils ont ajouté se réserver le droit de procéder à des contrôles réguliers de l’occupation de l’appartement et attiré l’attention du locataire sur le fait que cette lettre valait « sommation au sens de l’art. 257f al. 3 CO » et qu’à défaut de la respecter, ils seraient en droit de résilier le bail.
Par courrier du 3 mai 2019, suite à une demande de baisse de loyer du locataire, les bailleurs ont demandé à ce dernier de fournir toutes informations relatives aux sous-locations auxquelles il se serait livré, en particulier les preuves des loyers encaissés.
Par courrier du 27 mai 2019 le locataire a répondu que les bailleurs avaient sollicité des documents qu’ils n’avaient nullement le droit de demander et qu’il avait renoncé à sous-louer son logement en 2019.
Par avis du 1er juillet 2019, les bailleurs ont résilié le bail pour le 31 août 2019 en se référant à leur sommation du 15 mars 2019.
Par requête du 31 juillet 2019, déclarée non conciliée à l’audience de la Commission de conciliation du 31 octobre 2019 et portée devant le Tribunal le 28 novembre 2019, le locataire a conclu notamment à l’inefficacité du congé.
Par jugement du 15 juillet 2021, le Tribunal des baux et loyers a notamment déclaré inefficace le congé notifié le 1er juillet 2019. Les bailleurs ont fait appel de ce jugement en temps utile.

Considerazioni

4.1.5 Le locataire peut sous-louer tout ou partie de la chose avec le consentement du bailleur (art. 262 al. 1 CO). Le locataire qui sous-loue totalement ou partiellement le logement remis à bail sans requérir le consentement du bailleur viole son devoir de diligence et s’expose à une résiliation anticipée du contrat au sens de l’art. 257f al. 3 CO lorsque le bailleur aurait disposé d’un motif valable au sens de l’art. 262 al. 2 CO pour s’opposer à la sous-location (ATF 134 III 300 consid. 3.1). Les cas dans lesquels le bailleur peut refuser son consentement, énumérés de manière exhaustive à l’art. 262 al. 2 CO, sont les suivants : lorsque le locataire refuse de lui communiquer les conditions de la sous-location (a), lorsque les conditions de la sous-location, comparées à celle du contrat de bail, sont abusives (b), et lorsque la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (c).
A ces cas s’ajoute l’interdiction générale de l’abus de droit au sens de l’art. 2 al. 2 CC (ATF 134 III 446 consid. 2.4). Selon la jurisprudence, la sous-location est en soi conçue pour le locataire qui n’a temporairement plus l’usage de la chose louée - par exemple en raison d’un stage professionnel ou d’études dans un autre lieu - et qui le cède provisoirement à un tiers pour se décharger du fardeau économique que constitue le loyer; est aussi envisageable le cas d’un appartement devenu trop grand à la suite du décès ou du départ d’un membre de la famille, et qui est sous-loué à un tiers pour partie seulement. Il y a abus de droit si le locataire a perdu toute idée de reprendre dans un avenir prévisible l’usage de la chose louée et qu’il a procédé en réalité à une substitution de locataires, ce qui est un but étranger à l’institution même de la sous-location (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1; 134 III 446 consid. 2.4). Le juge doit se montrer relativement strict dans l’examen de l’intention, qui doit résulter d’un besoin légitime et clairement perceptible du locataire de réintégrer les locaux loués. La vague possibilité de réintégrer peut-être un jour soi-même l’objet loué ne suffit pas à justifier une sous-location (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2017 du 5 septembre 2017 consid. 4.2.1.1 et 4A_556/2015 du 3 mai 2016 consid. 3.2).

4.2

4.2.1 En l’espèce, l’autorité précédente ne s’est pas penchée sur la question de la validité formelle de la protestation écrite du 15 mars 2019 car elle a directement examiné les autres conditions d’application de l’art. 257f al. 3 CO, mais elle a tout de même relevé que l’on pouvait douter qu’elle constituait une sommation valable vu sa formulation peu précise (consid. 5d du jugement querellé). En effet, il ressort du courrier du 15 mars 2019 que la sous-location du logement litigieux n’était pas acceptée par les appelants, que le motif invoqué par l’intimé n’était pas valable, que ce dernier refusait de leur fournir les documents obligatoires à l’examen de ladite demande malgré les courriers du 23 janvier 2019 et 28 février 2019, et qu’ils se réservaient le droit de procéder à des contrôles réguliers de l’occupation du logement. Les appelants ont ensuite indiqué qu’à défaut de respecter la décision précitée, ils seraient en mesure de résilier le contrat de bail avec un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d’un mois. Ainsi, cette sommation ne peut être considérée comme une protestation écrite ayant pour objet de faire cesser une violation en cours et d’en empêcher une nouvelle; elle n’indique pas précisément l’obligation violée par l’intimé - il est fait mention de diverses questions - et ne mentionne pas les mesures qu’il conviendrait de prendre pour corriger le tir.

4.2.2 Quant à la condition de la violation du devoir de diligence incombant à l’intimé, il ne ressort nullement de la procédure que celui-ci aurait sous-loué le logement litigieux sans l’autorisation préalable des appelants.
En effet, l’intimé a au contraire indiqué qu’il attendrait la réponse des appelants avant de procéder à une sous-location, ainsi que cela ressort des courriers des 8 janvier 2019 et 9 mars 2019 de l’intimé.
Les appelants n’ont au demeurant pas démontré l’existence d’une sous-location, alors que le fardeau de la preuve leur incombait. Comme relevé par le Tribunal, il ressort des témoignages des voisines de l’intimé que, bien que ne connaissant pas ce dernier - étant rarement chez elles et ne rencontrant pas souvent leurs voisins - elles n’ont nullement aperçu des tiers entrer ou sortir du logement litigieux.
Le rapport de G.______ établi en date du 25 septembre 2019, est postérieur au congé litigieux. Ainsi, lors de la notification du congé, soit en date du 1er juillet 2019, les appelants ne possédaient pas les informations contenues dans ce rapport.
De plus, lors de son audition en date du 10 décembre 2020, l’enquêteur de G.______, soit H.______, n’a nullement relevé avoir observé lui-même de tierces personnes entrant ou sortant du logement litigieux. Il a notamment expliqué qu’il s’était rendu sur place une vingtaine de fois à des heures différentes, mais toujours en journée. Or, il ne ressort nullement du contrat de bail de l’intimé que celui-ci devrait obligatoirement se trouver à son domicile durant la journée.
Contrairement à ce que relèvent les appelants, le Tribunal a, à juste titre, considéré qu’il n’était pas ressorti de l’instruction de la présente cause l’existence d’une sous-location.
Les premiers juges ont à bon droit retenu que les appelants avaient échoué à prouver qu’ils étaient en droit de résilier le bail de manière anticipée sur la base de l’art. 257f al. 3 CO. Le congé a été déclaré inefficace à juste titre par l’autorité précédente. Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

5. En application de l’art. 22 al. 1 LaCC, il ne sera pas perçu de frais judiciaires et il ne sera pas alloué de dépens.

Decisione

62/4 - Résiliation du bail avec effet immédiat

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