Procédure en validation de hausse – Maxime d’office

base giuridica

Nome del giudice

Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève

Data

14.03.2005

Sommario

Si l’avis de hausse de loyer doit être motivé et le locataire en mesure d’obtenir, dès la procédure de conciliation, les éléments sur lesquels le bailleur fonde ses prétentions, cette règle ne dispense pas le juge d’exiger du bailleur qu’il complète ses allégués si ceux-ci se révèlent insuffisants. Retenir le contraire aurait pour conséquence de vider la maxime inquisitoire sociale de sa substance dans toute procédure en validation de hausse.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer signé le 31 octobre 1986 portant sur un appartement de 5 pièces à G.
Le 8 mars 2004, la bailleresse a fait notifier au locataire un avis de majoration de loyer le faisant passer de fr. 9'787.80 par an à fr. 11'352.- dès le 1er juillet 2004. La hausse de loyer était motivée par les loyers usuels du quartier.
Le locataire a contesté la hausse de loyer devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. La tentative de conciliation a échoué. Le 16 juillet 2004, la bailleresse a introduit sa demande en majoration de loyer devant le Tribunal des baux et loyers. Cet acte de procédure ne contient pas d'indication sur les objets compara¬tifs sur lesquels la bailleresse fonde ses prétentions. La bailleresse a sollicité un délai supplémentaire pour compléter son écriture sur le sujet. Lors de l'audience du 16 octobre 2004, la bailleresse a réitéré sa demande de délai pour fournir des exemples de comparaison. Le locataire s'y est opposé. Sur quoi, le Tribunal des baux et loyers a rendu, le 15 décembre 2004, un jugement, statuant sur incident, et rejetant la requête de la bailleresse. Le jugement précise notamment que le bailleur devait disposer des exemples de comparaison suffisants déjà au moment de la notification de la hausse pour pouvoir les produire au locataire sur sa demande et au plus tard devant l'instance de conciliation.

Considerazioni

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 274d al. 3 CO. Elle fait valoir que les premiers juges auraient dû lui permettre de compléter ses allégués, ce d'autant plus qu'elle affirmait être en mesure de produire des exemples de loyers comparatifs en suffisance, mais que la réunion des documents nécessitait un délai supplémentaire pour ce faire.

2.1 Les litiges en matière de droit du bail sont jugés selon la maxime inquisitoire sociale prescrite par l'article 274d al. 3 CO.
La maxime inquisitoire a été adoptée pour tenir compte du nombre important de cas dans lesquels les plaideurs sans connaissances juridiques comparaissent en personne. Ce principe ne doit toutefois pas être compris comme un commode oreiller de paresse autorisant les parties à rejeter sur les épaules du juge l'ensemble des devoirs procéduraux leur incombant (ACJC/878/2003).
En application de la maxime inquisitoire, le juge doit interroger les parties et les informer de leurs devoirs de collaboration et de production des preuves, enfin s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes, s'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. Son obligation ne va toutefois pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner les preuves et de les présenter (ATF 125 III 231).
La maxime inquisitoire ne dispense pas les parties du fardeau de l'allégation des faits pertinents à la solution du litige : le Tribunal des baux et loyers n'a pas l'obligation d'établir d'office des faits qui n'ont pas été articulés avec précision par celui qui entend les invoquer et auquel il ne saurait se substituer pour formuler son argumentation et la justifier (ACJC/284/2000); le juge doit en revanche interpeller la partie à laquelle incombe le fardeau de l'allégation en l'invitant à compléter ses allégués insuffisants ou imprécis (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/-SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, no 2 ad art. 435). En revanche, lorsque les allégués et moyens des parties sont suffisamment intelligibles, le Tribunal est tenu d'instruire et de faire administrer des preuves sur tous les éléments pertinents. S'il ne le fait pas, il viole le droit à la preuve (ATF 114 II 289).
L'assignation, acte essentiel de la procédure, a pour objet la présentation des allégués : à sa lecture, tant le juge que la partie citée doivent en effet saisir les circonstances de fait sur lesquelles la partie demanderesse fonde ses prétentions. En matière de baux et loyers, le législateur a toutefois prévu la forme simplifiée de la requête, qui se distingue de l'assignation par de moindres exigences d'ordre formel et consiste en un acte écrit contenant les éléments nécessaires pour déterminer au moins l'identité des parties, l'objet du litige et les conclusions (BERTOSSA/GAILLARD/ GUYET/ SCHMIDT, op. cit. no 7 ad 5 LPC et 3 ad art. 427 LPC).
La Chambre d'appel de céans a ainsi déjà récemment jugé (cf. en particulier ACJ/1289/2004 et autres rendus le même jour) qu'un bailleur qui produisait un nombre insuffisant d'exemples comparatifs devait être invité à compléter ses allégués, mais qu'il ne pouvait exiger de pouvoir formuler une seconde offre de preuves, lorsque la première - suffisante en soi - était accompagnée de pièces jugées non probantes (ACJ/1144/2003). L'ATF publié in SJ 2001 p. 278, sur lequel s'appuie le jugement attaqué, concerne d'ailleurs précisément une procédure lors de laquelle le bailleur avait fait état d'exemples comparatifs en nombre suffisant, lesquels avaient toutefois été écartés, mais ne traite pas du droit (éventuel) d'un plaideur à être autorisé, en début de procédure, à compléter les allégués jugés insuffisants d'une requête introductive d'instance.

2.2 In casu, la bailleresse, qui plaidait sans être assistée d'un mandataire rompu aux problèmes de bail à loyer, a présenté une requête de hausse de loyer, fondée sur les loyers comparatifs du quartier, en indiquant qu'elle s'appuyait sur des exemples de loyers comparatifs en suffisance. Un délai lui était toutefois nécessaire, pour réunir les documents justificatifs nécessaires. Lors de la comparution personnelle des parties ordonnée d'entrée de cause, elle a réitéré sa demande de délai et déclaré devoir collecter les documents pour pouvoir les produire.
Au vu de l'insuffisance des allégués de la bailleresse contenus dans la requête introductive d'instance, la maxime inquisitoire rappelée ci-dessus imposait aux premiers juges soit de lui impartir un délai pour les compléter et produire ses pièces justificatives, soit de la convoquer à l'audience de comparution personnelle en spécifiant expressément sur la convocation qu'elle était invitée, à cette occasion, à compléter ses allégués et à déposer tous documents dont elle entendait faire état; cette seconde solution aurait en particulier eu l'avantage de ne pas rallonger la procédure, qui en la matière doit revêtir un caractère simple et rapide, et qui peut se dérouler pour l'essentiel oralement sans contrevenir au droit fédéral.

2.3 L'intimé soutient par ailleurs à tort que la bailleresse devait en tout état être en mesure de fournir au locataire, dès la notification de la demande de hausse, les exemples comparatifs suffisants pour justifier la hausse de loyer requise.
Ainsi que la Chambre d'appel l'a déjà récemment retenu (ACJ/1289/2004 et autres rendus ce même jour), si l'avis de hausse doit être motivé et le locataire doit être en mesure d'obtenir, dès la procédure de conciliation, les éléments sur lesquels le bailleur fonde ses prétentions (art. 269d al. 1 et 2 CO et 19 al. 1 litt. a ch. 4 OBLF), cette règle ne dispense pas le juge d'exiger du bailleur qu'il complète ses allégués si ceux-ci se révèlent insuffisants. Retenir le contraire aurait pour conséquence de vider la maxime inquisitoire sociale de sa substance dans toute procédure en validation de hausse.
Enfin, rien ne laisse supposer que l'on soit in casu dans le cadre d'une hausse de loyer « prospective », comme le retiennent les premiers juges. La bailleresse allègue en effet dans sa requête introductive que la hausse résulte d'une enquête préalable, et sollicite un délai pour produire les documents en justifiant.

2.4 Le grief tiré de la violation de l'art. 274d al. 3 CO est dès lors fondé.

Decisione

40/8 - Procédure en validation de hausse – Maxime d’office

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