Motivation du congé

base giuridica

Nome del giudice

Cour Civile I du Valais

Data

06.02.2006

Sommario

Une résiliation qui demeure non motivée malgré la requête du destinataire n’est pas nécessairement abusive; en effet, s’il avait voulu qu’il en soit ainsi, le législateur aurait posé une présomption dans ce sens. A l’inverse, l’absence de motivation ne saurait rester sans conséquence, au risque de priver l’art. 271 al. 2 CO de toute portée. L’obligation de motivation doit être prise au sérieux.

Esposizione dei fatti

La propriétaire d’un immeuble à F. a proposé en location à son frère et sa belle-sœur un appartement de quatre pièces et demi. Le bail à loyer a été conclu par oral, prenant effet le ler juillet 2000.
Par la suite, le climat s’est détérioré entre les membres de la famille et il s’en est suivi le dépôt de plaintes pénales.
Le 6 février 2002, la propriétaire a adressé aux locataires deux lettres de résiliation pour le 31 mai 2002, sans utiliser la formule officielle. Par lettre du 2 avril 2002, le locataire a contesté la validité du congé.
Sous plis recommandés et séparés du 26 avril 2002 adressés aux locataires, la propriétaire, faisant cette fois usage de la formule officielle, a résilié le bail avec effet au 31 juillet 2002.
Invoquant l’accord du locataire de quitter les locaux pour la fin mai 2002, la propriétaire a, le 25 avril 2002, requis de la commission de conciliation en matière de bail la libération des locaux. Le 24 mai 2002, la mandataire des locataires a requis de la propriétaire la motivation du congé. Aucune suite n’a été donnée à cette demande.
Le 24 mai 2002, les locataires on saisi la commission de conciliation en matière de bail à loyer d’une demande d’annulation de la résiliation de bail. Par décision du 11 juin 2002, la commission a confirmé la résiliation du bail.
Par mémoire-demande du 12 juillet 2002, les locataires ont ouvert action devant le juge du district de Martigny en concluant notamment à l’annulation du congé notifié le 26 avril 2002.

Considerazioni

8.1 C’est au destinataire du congé de démontrer que celui-ci contrevient aux règles de la bonne foi, en particulier que le motif invoqué par le bailleur n’est qu’un prétexte (ATF 120 II 105 consid. 3c ; Lachat, Commentaire romand, Genève/Bâle 2003, n. 9 ad art. 271 CO). Néanmoins, la partie qui résilie a le devoir de contribuer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par elle. Lorsque ce motif consiste dans le désir de majorer le loyer, il est normal, et du reste conforme aux prescriptions de l’art. 274d al. 3 CO, que le bailleur produise toutes les pièces pertinentes et, s’il ne le fait pas, qu’il doive se laisser opposer l’absence de preuve du motif de congé allégué par lui (ATF 120 II 105 consid. 3c in fine ; ATF non publié du 27 mai 2005 dans la cause 4C.61/2005).
Aux termes de l’art. 271 al. 2 CO, le congé doit être motivé si l’autre partie le demande. Les motifs doivent être donnés de manière claire et facilement intelligible pour le destinataire. Ils doivent être vrais et donnés dans le respect des règles de la bonne foi. La partie qui résilie doit prouver la réalité des motifs s’ils sont contestés. Elle est en outre liée par les motifs qu’elle a donnés et peut les compléter et les expliciter en cours de procédure si elle a de bonnes raisons de la faire (Lachat, op. cit., p. 469/470). Une résiliation qui demeure non motivée malgré la requête du destinataire n’est pas nécessairement abusive ; en effet, s’il avait voulu qu’il en soit ainsi, le législateur aurait posé une présomption dans ce sens. A l’inverse, l’absence de motivation ne saurait rester sans conséquence, au risque de priver l’art. 271 al. 2 CO de toute portée. L’obligation de motivation doit être prise au sérieux. En particulier, celui qui donne un motif de congé doit, en cas de litige, en démontrer l’exactitude. De même, celui qui attend deux mois avant de motiver le congé court le risque que la résiliation soit considérée conne abusive. En effet, même si le fardeau de la preuve d’une résiliation contraire à la bonne foi incombe à celui qui s’en prévaut – généralement le locataire -, l’auteur du congé – généralement le bailleur – doit contribuer à la manifestation de la vérité, en donnant les raisons de cette mesure et en les rendant au moins vraisemblables (ATF non publié du 7 mai 2004 dans la cause 4C.55/2004 ; ATF non publié du 3 août 2004 dans la cause 4C.167/2004).
Selon l’art. 273 al. 1 CO, la partie qui veut contester le congé doit saisir l’autorité de conciliation dans les trente jours qui suivent la réception de celui-ci. La contestation du congé, prévue par cette disposition, vise le cas où la partie fait valoir que le congé est annulable au sens des art. 271 et 271a CO. Si la partie invoque la nullité ou l’inefficacité du congé, la jurisprudence a admis qu’elle n’était pas obligée de saisir l’autorité de conciliation dans le délai légal et que la nullité ou l’inefficacité pouvait en principe être constatée en tout temps par toute autorité valablement saisie, soit essentiellement l’autorité chargée de prononcer l’expulsion (cf. ATF 121 III 156 consid. 1c ; ATF non publié du 8 février 2005 dans la cause 4C.426/2004).

8.2 En l’espèce, la recourante n’a pas donné suite à la lettre du mandataire des appelés demandant la motivation du congé. Dans son mémoire-réponse, l’appelante a exposé que le contrat de bail avait été conclu pour une très courte durée, de manière à lui permettre d’occuper elle-même le logement pour le cas où elle se séparerait de son ami D. Elle a en outre expliqué qu’elle avait pris la décision de mettre fin au bail après que son frère avait accumulé jusqu’à trois mois d’arriérés de loyer et lui avait fait une demande de prêt. Lors de son audition, la recourante a affirmé que c’était principalement en raison du retard dans le paiement du loyer et de la demande de prêt de son frère qu’elle avait résilié le bail. Elle a ajouté que son frère et sa belle-sœur dénigraient sans cesse son appartement.
C’est à juste titre que le juge de première instance a considéré que la recourante n’avait pas l’intention ferme de s’installer dans l’appartement des appelés au moment de la résiliation. S’il est vraisemblable que, lors de la conclusion du bail, elle s’est réservé le droit de récupérer la jouissance des locaux pour le cas où elle en avait un besoin personnel, il n’est nullement établi qu’en 2002 elle avait pris la décision de réintégrer son appartement. En effet, son entente avec son compagnon était apparemment bonne. S’il est possible qu’elle ait envisagé de se rapprocher de son fils qui était en proie à des difficultés conjugales, celui-ci l’a dissuadée de mettre à exécution ses projets. La recourante n’a du reste pas profité de la libération d’un autre de ses appartements situé dans le même immeuble. Dans son écriture d’appel, elle a avancé comme raison principale le retard des locataires dans le paiement des loyers.
Le motif donné lors de son interrogatoire, selon lequel les locataires dénigraient l’appartement, n’est manifestement pas à l’origine de la décision de la bailleresse de résilier le contrat. La recourante ne l’a pas évoqué dans son mémoire-réponse, ce qui constitue déjà un indice de l’importance secondaire de ce grief. Si elle avait dûment allégué ce fait conformément aux règles de procédure, les demandeurs, qui avaient la charge de prouver le caractère abusif du congé, auraient pu tenter d’en établir la fausseté. La défenderesse doit dès lors se laisser opposer l’absence de preuve de ce prétendu motif de congé, conformément à la jurisprudence précitée.
Il est établi que les demandeurs avaient à la mi-novembre 2001 trois loyers de retard. Jusqu’à la fin du mois de janvier 2002, le recourante n’a pas tiré argument de ce retard pour mettre fin au bail. Depuis lors, les demandeurs se sont apparemment acquittés dans les temps des loyers échus. La défenderesse n’ignorait rien des difficultés financières rencontrées par son frère et sa belle-sœur. En 1991 déjà, elle a déboursé un montant de 70'000fr. après avoir garanti une dette bancaire de son frère, déclaré en faillite en 1993. C’est précisément en considération de sa situation financière précaire qu’elle a offert de lui louer son appartement pour un loyer modique. Il n’est dès lors guère concevable qu’elle ait pris ombrage d’un unique retard dans le paiement du loyer portant sur un montant de 2100 francs. […]

8.3 En principe, un élément extérieur au bail ne constitue pas un motif légitime de congé. Le cas d’espèce est toutefois particulier, puisque le contrat avait été conclu précisément en raison des liens de parenté étroits qui unissaient les parties. Le loyer a été fixé en tenant compte de la situation financière précaire des époux G. La recourante a volontairement renoncé à un profit pour rendre service à son frère. Si l’on ne saurait admettre qu’un bailleur mette à la porte un locataire pour louer sa propriété à un tiers au même prix, simplement parce qu’il n’a plus d’affinité avec le premier, in en va différemment en l’espèce. On ne saurait en effet exiger de la recourante qu’elle consente un sacrifice financier en faveur d’une personne avec laquelle elle est en froid, indépendamment des raisons de cette mésentente. Même si le contrat conclu, que l’on pourrait qualifier de mixte, présente un caractère prépondérant de bail qui justifie l’application des articles 271 ss CO ( Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997, p. 58 ; ATF 115 II 453-454), il convient, dans l’appréciation des circonstances motivant le congé, de tenir compte de la contre-prestation manifestement réduite due par les locataires pour l’usage des locaux. A cet égard, l’article 310 CO, régissant le prêt à usage d’une durée indéterminée, permet au prêteur de réclamer en tout temps la restitution de la chose. En définitive, la validité du congé notifié sur formule officielle du 26 avril 2002 est admise. Reçue par les destinataires les 29 avril et 2 mai 2002, la résiliation a déployé ses effets pour le prochain terme du 30 septembre 2002 (art. 266a et 266c CO), comme admis par la recourante.

Decisione

43/7 - Motivation du congé

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