Mesures provisionnelles – libération du paiement de loyer

base giuridica

Nome del giudice

Chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève

Data

05.02.2007

Sommario

Il est admis que l’exécution par provision d’une prestation pécuniaire est prohibée par le droit fédéral. Il semblerait logique d’adopter un même raisonnement dans l’hypothèse inverse, où un débiteur tenu de prêter en vertu du contrat voudrait échapper à cette obligation en sollicitant une décision provisionnelle. Toutefois, une exception peut être consentie notamment lorsque le bailleur a entrepris des travaux d’une importance telle qu’ils ne sont guère compatibles avec le maintien de l’exploitation du commerce du locataire.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail portant sur la location d’un local commercial sis à Genève, local affecté à l’exploitation d’une commerce de luxe.
Le 15 avril 2005, la bailleresse a informé la locataire qu’elle allait entreprendre des travaux de rénovation en deux phases. Le 14 octobre 2005, la bailleresse avisa la locataire que la première phase des travaux entraînerait le condamnation à l’accès de l’arcade par le hall intérieur , seul subsistant l’accès par l’extérieur. Estimant que 90% de sa clientèle entrait dans son magasin par l’intérieur, la locataire décida de fermer le
commerce pendant les travaux. Le 25 octobre 2005, elle consigna le loyer de novembre 2005. Par requête du 15 novembre 2005 adressée à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, la locataire a agi en validation de la consignation, en réduction de loyers et en paiement de dommages-intérêts.
Le 6 septembre 2006, la locataire reçut confirmation que la seconde phase des travaux allait commencer dès le ler octobre 2006 et durer jusqu’à la fin mai 2007. Pendant celle-ci, l’accès de l’arcade devait être fermé et l’arcade elle-même supprimée durant l’hiver 2007. Il demeurait toutefois possible d’accéder au magasin de la locataire pendant l’automne par le hall intérieur. Considérant que toute activité commerciale deviendrait à nouveau impossible, la locataire a adressé, le 22 septembre 2006, une requête de mesures provisionnelles au Tribunal des baux et loyers par laquelle elle demandait à être libérée du paiement de son loyer dès le ler octobre 2006.
Le 13 octobre 2006, le Tribunal des baux et loyers a débouté la locataire de ses conclusions sur mesures provisionnelles. La locataire a recouru contre cette décision.

Considerazioni

6.4 Si l’on peut déduire prima facie des faits allégués que la recourante se verrait reconnaître au fond le droit de consigner le loyer puis d’en obtenir la réduction, voire la suppression, il faut encore se demander si les conclusions prises sur mesures provisionnelles qui tendent à obtenir du juge, à titre provisoire, la libération de l’obligation de verser le loyer, obligation qui subsiste en cas de consignation, est compatible avec les règles de fond du droit fédéral. Avant de répondre à cette question, il convient de rappeler que les art. 259g à 259i CO constituent une lex specialis par rapport à l’art. 82 CO que le locataire, confronté à un défaut de la chose louée, ne peut pas invoquer pour se soustraire au paiement du loyer (LACHAT, Le bail à loyer, 1997, p. 182 ch. 7.4.8 et p. 171 ; GUINAND, WESSNER FJS no 358 p. 11 et 12 let. f.)
Permettre au locataire, par voie de mesure provisionnelle, d’obtenir la faculté de ne pas payer le loyer temporairement en cas de défaut allégué reviendrait à lui accorder une possibilité que la loi ne lui ménage pas. Il est vrai que pour consigner, le locataire n’a nul besoin de solliciter l’autorisation préalable du juge alors que dans le cas d’espèce, la
suspension temporaire du paiement du loyer serait décidée par le juge au terme d’une procédure sommaire mais néanmoins contradictoire, qui permet au bailleur de présenter ses arguments.
Il est admis que l’exécution par provision d’une prestation pécuniaire est prohibée par le droit fédéral. Un créancier qui réclame un paiement au fond ne peut donc pas obtenir l’exécution anticipée de ce paiement par une décision provisionnelle (BERTOSSA/ GAILLARD/ GUYET/ SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 6 ad 320). Il semblerait logique d’adopter un même raisonnement dans l’hypothèse inverse, réalisée ici, où un débiteur tenu de prester en vertu du contrat voudrait échapper à cette obligation en sollicitant à cet effet une décision provisionnelle.
Toutefois, des brèches ont déjà été pratiquées. Ainsi, il a été admis qu’un juge puisse, dans une contestation visant une baisse de loyer (art. 270, 270a CO), fixer provisionnellement un loyer d’un montant inférieur à celui stipulé dans le bail, s’il y a vraisemblance suffisante d’une prétention abusive du bailleur (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, op. cit. n. 8 ad 426).
Dans le cas d’espèce, il semble également justifié de faire droit à la requête. Le bailleur a en effet entrepris des travaux d’une importance telle qu’elle ne paraît prima facie guère compatible avec le maintien de l’exploitation du commerce de la recourante.
La procédure au fond, en suppression de loyer, pourrait aboutir à la constatation qu’aucun loyer n’était dû depuis le début des travaux ou lors de périodes particulièrement nuisibles du chantier. Obliger le locataire à consigner son loyer pendant plusieurs mois alors qu’il ne pourrait, par hypothèse, réaliser aucun chiffre d’affaires dans le commerce loué pourrait le conduire à des difficultés financières, voire l’acculer à une faillite.
Il est donc nécessaire de donner au locataire confronté à une pareille situation la faculté de suspendre temporairement le loyer jusqu’à droit jugé au fond sur sa prétention à tout le moins tant que les nuisances se poursuivent.
La Cour peut ainsi faire droit aux conclusions de la recourante qui sera dès lors libérée provisoirement dès le 1er octobre 2006 de l’obligation de payer son loyer pendant la durée da la 2éme phase des travaux de rénovation, qui doit s’achever en mai 2007.

Decisione

43/9 - Mesures provisionnelles – libération du paiement de loyer

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