Majoration de loyer

base giuridica

Nome del giudice

Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers

Data

22.10.2018

Sommario

Le fait que la bailleresse ait décidé de gérer indistinctement les trois immeubles qu’elle possède à la rue de Lausanne ne constitue pas un motif de déroger à la règle selon laquelle il convient, dans le cadre de l’application de l’article 269 CO, de déterminer le rendement admissible de l’appartement du locataire, ce qui implique notamment de savoir dans quelle mesure les travaux à plus-value allégués par la bailleresse profitent concrètement à l’appartement litigieux.

Esposizione dei fatti

La bailleresse est propriétaire de trois immeubles sis à rue de Lausanne à Genève. Les trois immeubles sont distincts et situés sur des parcelles différentes. Ils ont fait l’objet de travaux d’entretien et de rénovation distincts au cours des années.
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer du 21 janvier 1983 portant sur la location d’un appartement de 4 pièces au 2ème étage de l’un des immeubles précités, pour un loyer Fr. 397.- par mois. L’appartement n’est pas doté de salle de bains, les locaux ne sont pas chauffés et il n’y a pas d’eau chaude. Les fenêtres à doubles vitrages n’ont pas été installées dans cet appartement, contrairement à ce qui a été fait dans la plupart des autres appartements de l’immeuble.
Par avis de majoration du 30 avril 2014, la bailleresse a déclaré porter le loyer à Fr. 1247.- par mois, au motif que le loyer actuel ne lui procure pas un rendement suffisant. La hausse de loyer a été contestée en temps utile devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Non conciliée, la cause a été portée devant le Tribunal des baux et loyers le 5 mai 2017.
Par décision de la Chambre administrative de la Cour de justice du 28 juin 2016, un loyer LDTR annuel de 3363.- par pièce pendant la période de contrôle de trois ans dès le 1er janvier 2016 a été fixé pour l’appartement litigieux. Par cet arrêt la Chambre administrative a entériné des conclusions d’accord prises entre la bailleresse et le Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie qui s’opposaient dans le cadre de plusieurs litiges relatifs aux trois immeubles concernés.
Par jugement du 12 mars 2018, le Tribunal des baux et loyers a fixé le loyer annuel litigieux à Fr. 3460.- et a condamné la bailleresse à verser au locataire le loyer trop-perçu. La bailleresse a formé appel de ce jugement en temps utile.

Considerazioni

2.1.1 Selon l’art. 269 CO, les loyers sont abusifs lorsqu’ils permettent au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu’ils résultent d’un prix d’achat manifestement exagéré. Le rendement net de l’immeuble est le rapport entre les loyers encaissés moins les charges de l’immeuble et la valeur de cet immeuble. L’examen du caractère excessif ou non du rendement selon l’art. 269 CO s’opère uniquement sur le rendement net des fonds propres investis, lequel se détermine sur la base du coût de revient effectif de l’immeuble dont il convient de soustraire le montant des fonds étrangers (ATF 141 III 245 consid. 6.3 ; 123 III 171 consid. 6a ; 122 III 257 consid. 3a).
Le Tribunal fédéral admet un rendement des fonds propres investis n’excédant pas d’un demi pour cent le taux d’intérêt hypothécaire de référence fixé périodiquement en application de l’art. 12a OBLF (ATF 120 II 100 consid. 5a).
L’addition du rendement net des fonds propres investis aux charges immobilières permettra de déterminer le loyer admissible de la chose louée, lequel sera comparé au loyer litigieux pour déterminer si celui-ci est abusif ou non (ATF 125 III 421 consid. 2b ; 123 III 171 consid. 6a).
Les travaux à plus-value financés par les fonds propres sont pris en compte dans le calcul de rendement (ATF 123 III 171 consid. 6a ; 122 III 257 consid. 3a, JdT 1997 I 595).
Le rendement à prendre en considération pour déterminer si le loyer procure un rendement excessif est le rendement de la chose louée, soit le logement ou le local concerné et non celui de l’immeuble entier ou d’un ensemble d’immeubles. En matière de travaux à plus-value, la clé de répartition appliquée doit refléter la mesure dans laquelle chaque objet loué profite de la rénovation (ATF 139 III 209 consid. 2.1 ; 116 II 184 consid. 3a ; 103 II 41 consid. 5b).
L’application de ce principe impose, à moins que l’état locatif ne soit homogène, une ventilation des comptes, c’est-à-dire du revenu locatif, entre les divers appartements et locaux de l’immeuble ou du groupe d’immeubles dans lequel se trouve la chose louée selon les clés de répartition usuelles pour les immeubles constitués en propriété par étage, comme la surface, le volume, le nombre de pièces par logement et, en matière de travaux à plus-value, le pourcentage que représente l’investissement à plus-value par rapport à l’état locatif avant la hausse (ATF 139 III 209 consid. 2 ; 116 II 184 consid. 3a).

2.1.2 Un éventuel contrôle étatique prévu par la LDTR genevoise n’a pas à être pris en compte lorsque la cause doit être examinée au regard des art. 269ss CO. En effet, sous l’angle de la primauté du droit fédéral, la LDTR genevoise ne saurait empiéter sur un domaine régi par le droit fédéral et en entraver l’application (ATF 131 I 333 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2008 du 24 septembre 2008 consid. 2.3).

2.2 En l’espèce, le Tribunal a considéré à juste titre que le fait que l’appelante ait décidé de gérer indistinctement les trois immeubles qu’elle possède à la 1/2/3______ ne constitue pas un motif de déroger à la règle selon laquelle il convient, dans le cadre de l’application de l’art. 269 CO, de déterminer le rendement admissible de l’appartement de l’intimé et non celui des trois immeubles précités dans leur ensemble, ce qui implique notamment de savoir dans quelle mesure les travaux à plus-value allégués par l’appelante profitent concrètement à l’appartement litigieux.
En effet, les immeubles des 1/2/3______ ne constituent pas une unité. Ils ont été acquis à des moments différents, pour des sommes différentes et ont fait l’objet de travaux d’entretien et de rénovation distincts.
L’appelante critique de manière toute générale le raisonnement du Tribunal sans étayer son argumentation par des éléments concrets ou des pièces figurant au dossier. Elle se limite à reprendre son calcul effectué en première instance, à la différence que la totalité des coûts ne sont pas divisés par les 120 pièces des trois immeubles mais par trois, puis par le nombre de pièces que comporte l’immeuble du 1______, manière de procéder qui ne satisfait pas aux exigences susmentionnées.
L’appelante omet en particulier d’indiquer lesquelles des pièces qu’elle a produites permettraient de déterminer le montant des fonds propres investis pour l’acquisition de l’immeuble occupé par le locataire ainsi que les charges spécifiques s’y rapportant à prendre en compte.
Les documents produits ne permettent pas non plus d’établir de quels travaux a effectivement bénéficié l’appartement occupé par l’intimé et quel a été, cas échéant, leur coût. A cet égard, l’appelante, qui se prévaut de travaux à plus-value dans le cadre de la présente procédure, n’a pas contesté l’allégation de l’intimé selon laquelle aucune rénovation n’a été effectuée dans son appartement depuis qu’il y habitait. Le fait que les prêts hypothécaires aient été octroyés « sur un tout » n’est pas décisif, pas plus que la fixation de l’impôt immobilier complémentaire, qui serait « globale », à en croire l’appelante. C’est par conséquent à juste titre que le Tribunal a retenu que l’appelante n’a pas produit les pièces nécessaires pour un calcul de rendement et qu’elle a ainsi échoué à démontrer que le loyer de l’appartement litigieux lui procure, comme elle le soutient, un « rendement insuffisant ».
Par ailleurs, l’appelante, qui se prévaut du loyer maximum fixé dans l’arrêt de la Chambre administrative du 28 juin 2016, ne formule aucune critique contre le considérant du Tribunal selon lequel elle ne peut se prévaloir de ce motif de hausse puisqu’il ne figure pas dans l’avis de majoration.

En tout état de cause, le loyer LDTR ressortant de cet arrêt n’est qu’un loyer maximal. De plus, en vertu de la force dérogatoire du droit fédéral, les dispositions de droit public ne lient pas le juge chargé de trancher un litige de droit privé en application des art. 269ss CO.
Le grief de l’appelante sur ce point est dès lors infondé.

Decisione

60/4 - Majoration de loyer

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