Loyer – augmentation des coûts d’entretien

base giuridica

Nome del giudice

Cour de Justice de Genève, Chambre des baux et loyers (ACJC/976/2022)

Data

04.08.2022

Sommario

Le recours au forfait est contraire au principe d’un loyer fondé sur les coûts effectifs et contrevient à la règle selon laquelle le bailleur doit prouver l’évolution des coûts en fournissant des chiffres précis. Par ailleurs, même s’il recourt au forfait, le bailleur doit démontrer une hausse des coûts et expliquer les difficultés rencontrées en vue d’apporter les documents topiques. Or, l’appelante se contente d’indiquer qu’il lui serait impossible d’apporter la preuve de la hausse effective des coûts.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail du 11 août 1988 portant sur la location d’un appartement de cinq pièces et demie situé à Chêne-Bougeries. Le loyer annuel a été fixé en dernier lieu à fr. 21 204.- et les charges à fr. 2160.-.
Par avis de majoration du 10 juin 2016, la bailleresse a déclaré porter le loyer annuel, hors charges à fr. 22 260.- dès le 1er octobre 2016. Elle a produit un tableau intitulé « détail des coûts de rénovation et calcul de la hausse admissible par pièce ». Plusieurs locataires ont contesté les hausses de loyer notifiées. La bailleresse a ainsi introduit plusieurs procédures en validation des hausses.
Lors de l’audience du 13 mars 2020, les conseils des parties ont confirmé ne pas être d’accord s’agissant des charges d’entretien à appliquer sur le loyer, le conseil de la locataire précisant que certains avis mentionnaient la hausse des charges à titre forfaitaire.
Dans sa réponse et demande reconventionnelle en baisse de loyer du 17 août 2020, la locataire a conclu au rejet de la demande en validation de hausse de loyer. Elle a notamment relevé que la bailleresse n’avait produit aucune facture ni pièce justificative concernant le coût effectif des travaux, produisant uniquement un tableau récapitulatif des différents postes des travaux de rénovation.
Par jugement du 21 juin 2021, le Tribunal des baux et loyers a fixé à fr. 20 388.-, charges comprises, dès le 1er octobre 2016, le loyer annuel de l’appartement litigieux. Par acte déposé en temps utile, la bailleresse a formé appel de ce jugement.

Considerazioni

2. L’appelante fait grief aux premiers juges de ne pas avoir retenu l’augmentation des coûts d’entretiens depuis la dernière fixation du loyer et dont elle évaluait l’impact à un forfait de 0,5 % par année, soit un facteur de hausse de 12 %.
Les parties s’accordent sur le fait qu’il s’agit de la seule question litigieuse dans le cadre de la présente procédure d’appel.
L’appelante estime qu’il est notoire que les coûts d’entretien d’un immeuble ont augmenté en trente ans, notamment en raison du renchérissement des travaux et du besoin accru de travaux dû au vieillissement de l’immeuble. Elle allègue en outre que l’ampleur exceptionnelle des travaux réalisés et le fait qu’elle était dans l’impossibilité de fournir les documents concernant les frais d’entretien supportés avant la dernière augmentation de loyer justifient l’application d’un forfait, estimé en l’espèce à 0,5 % par année.
Par ailleurs, l’appelante justifie son calcul en exposant également qu’il serait quasiment identique si l’on se référait à la hausse des frais d’entretien calculés à hauteur de la moitié du coût total des travaux amorti sur 30 ans.

2.1 Pour déterminer de manière concrète l’évolution, à la hausse ou à la baisse, des charges courantes et d’entretien, on calcule en règle générale deux moyennes. Conformément à la méthode relative, le juge doit ainsi comparer la moyenne des charges antérieures à la dernière fixation de loyer avec celle des charges antérieures à la demande de baisse de loyer ou de majoration de loyer litigieuse (Bohnet/Broquet, Droit du bail à loyer, Commentaire pratique, Bâle, 2010, no 51 ad art. 269a CO; Lachat/Stastny, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 597-598).
Le nombre d’exercices n’étant pas précisé dans la loi, c’est la doctrine et la jurisprudence qui précisent que trois années sont suffisantes pour établir une moyenne fiable (ATF 111 II 380, consid. 2; 106 II 362, consid. 5b; Bohnet/Broquet, op. cit., no 51 ad art. 269a CO; Lachat/Stastny, op. cit., p. 598).
L’augmentation (ou la diminution) de la moyenne des charges doit être mise en rapport avec l’état locatif de l’immeuble au jour de la dernière fixation du loyer (ATF 106 II 356 consid. 5b; SJ 1981 p. 504 consid 3b; Bohnet/Broquet, op. cit., no 52 ad art. 269a CO; Lachat/Stastny, op. cit., p. 600). Le revenu à prendre en considération correspond à l’état locatif, soit la somme de tous les loyers nets de l’immeuble y compris les loyers impayés et ceux de logements vacants, le locataire ne devant pas pâtir du fait que d’autres locataires seraient en retard dans le paiement de leur loyer ou que les locaux ne seraient pas tous occupés (Bohnet/Broquet, op. cit., no 52 ad art. 269a CO).
Les charges courantes et d’entretien doivent être en principe comptabilisées en fonction de leur montant effectif et non pas sur la base de forfaits (Bohnet/Broquet, op. cit., no 54 ad art. 269a CO; Lachat, op. cit., p. 473).
En tout état, le recours à un forfait ne devrait pas être admis si l’absence de documents probants est dû à une faute du bailleur ou si ce dernier ne cherche qu’à se simplifier la tâche (Lachat/Stastny, op. cit., p. 595 et 596).
Une exception à cette règle forfaitaire implique qu’il ne soit pas possible d’établir des moyennes fiables, notamment lorsque certaines données ne sont plus accessibles ou lorsque les comptes d’un exercice comportent des chiffres anormalement bas ou élevés, qui faussent toute comparaison (ATF 122 III 257 consid. 3b/bb; 111 II 378 consid. 2).
Les charges courantes ou frais d’exploitation comprennent principalement les primes d’assurance, les abonnements d’entretien, le salaire du concierge, l’eau, l’électricité, les fournitures diverses, l’impôt immobilier complémentaire, les honoraires de gérance et diverses taxes. Sont en revanche exclus les frais de publicité pour la relocation des locaux et les frais d’avocat. Il doit s’agir de frais effectifs et non forfaitaires. Les travaux d’entretien ne sont pris en compte que s’ils ont été exécutés et payés (Lachat/Stastny, op. cit., p. 558).

2.2 En vertu des art. 8 CC et 20 al. 1 OBLF, lorsque le bailleur entend majorer le loyer en raison d’une augmentation de ses charges, il doit prouver respectivement l’augmentation et l’absence de baisse de charges au moyen de pièces comptables (Bohnet/Broquet, op. cit., no 56 ad art. 269a CO).

2.3 Selon l’art. 151 CPC, les faits notoires ou notoirement connus du Tribunal ne doivent pas être prouvés. Les faits notoires, qu’il n’est pas nécessaire d’alléguer ni de prouver, sont ceux dont l’existence est certaine au point d’emporter la conviction du juge, qu’il s’agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge. Pour être notoire, un renseignement ne doit pas être constamment présent à l’esprit; il suffit qu’il puisse être contrôlé par des publications accessibles à chacun (arrêt du Tribunal fédéral 4A_509/2014 du 4 février 2015 consid. 2.1 - 2.2, SJ 2015 I 385; ATF 135 III 88 consid. 4.1; 134 III 224 consid. 5.2).

2.4 En l’espèce, l’appelante soutient qu’il est justifié de déroger à la règle des frais effectifs et de faire appliquer l’exception du forfait.
La Cour retient toutefois, à l’instar des premiers juges, que le recours au forfait est contraire au principe d’un loyer fondé sur les coûts effectifs, qu’il ne trouve pas d’assise dans l’OBLF et qu’il contrevient à la règle selon laquelle le bailleur doit prouver l’évolution des coûts en fournissant des chiffres précis (art. 20 al. 1 OBLF). Par ailleurs, même s’il recourt au forfait, le bailleur doit démontrer une hausse des coûts et expliquer les difficultés rencontrées en vue d’apporter les documents topiques.
Or, l’appelante ne se prévaut pas de circonstances particulières ou de difficultés concrètes et effectives de preuve. Elle se contente d’indiquer, de manière générale, qu’il lui serait impossible d’apporter la preuve de la hausse effective des coûts ou encore que cela impliquerait des dépenses disproportionnées pour prouver celle-ci.
Il s’agit toutefois de considérations générales qui n’expliquent aucunement, dans le cas d’espèce, pourquoi l’appelante ne pourrait procéder au calcul de la hausse alléguée en comparant les deux moyennes. Cette dernière n’a pas non plus allégué en première instance qu’elle n’aurait plus accès à ces comptes ou que ces derniers présenteraient des chiffres anormalement élevés ou faibles et ses explications en appel sont en tout état tardives.
C’est donc à juste titre que le Tribunal a retenu que l’appelante n’avait pas expliqué pourquoi elle n’avait pas produit les comptes pour les trois années précédant la dernière fixation du loyer dans le cadre de la procédure de première instance et a écarté l’application d’un forfait pour calculer la hausse des charges. Quant à l’allégué selon lequel ce forfait serait plus ou moins égal à la hausse des frais d’entretien calculés à hauteur de la moitié du coût total des travaux amorti sur 30 ans, il n’est pas davantage établi. Ainsi que le Tribunal l’a rappelé à juste titre, on ne peut calculer la hausse éventuelle des frais d’entretien en ne prenant en compte que les frais relatifs aux lourds travaux effectués, sans effectuer une moyenne de l’évolution des charges. Par ailleurs, les premiers juges ont également considéré que l’appelante n’avait pas produit de documents suffisants pour déterminer la quotité de cette hausse.
C’est ainsi à bon droit que le Tribunal n’a pas tenu compte de l’évolution des charges d’entretien, faute de pouvoir vérifier les frais effectifs, de sorte que le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

Decisione

62/9 - Loyer – augmentation des coûts d’entretien

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