Evacuation pour non-paiement de loyer - procédure sommaire

base giuridica

Nome del giudice

Arrêt de la chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève

Data

20.02.2012

Sommario

Il est admis que la procédure d’évacuation postérieure à une résiliation de bail pour défaut de paiement du loyer appartient, en principe, à la procédure sommaire prévue pour les cas clairs. Tel n’est cependant pas le cas lorsque le congé est confus et ambigu, notamment lorsque la date d’échéance du bail était antérieure à la date de l’avis de résiliation. L’erreur de date doit être interprétée selon le principe de la confiance, de sorte que l’état de fait ne peut pas être établi sans peine.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail du 30 mai 1994 portant sur la location d’une arcade commerciale.
Par avis comminatoire du 16 mai 2011, la bailleresse a mis en demeure la locataire de lui régler dans les trente jours le montant de fr. 11'120.– et l’a informée de son intention de résilier le bail à défaut de paiement intégral de la somme réclamée.
Considérant que la somme n’avait pas été réglée dans le délai imparti, la bailleresse a, par avis officiel du 20 juin 2011 résilié le bail de la locataire pour le «16 mai 2011. Ce congé est motivé par le non-paiement du loyer, malgré notre mise en demeure par lettre recommandée du 31 juillet 2011. »
Par requête du 31 août 2011, la bailleresse a sollicité l’évacuation de la locataire. Le Tribunal des baux a déclaré irrecevable la demande de la bailleresse, relevant notamment que le formulaire officiel de congé était confus et ambigu, la date d’échéance du bail étant antérieure à la date de l’avis de résiliation, que cette résiliation ne pouvait en conséquence pas être comprise par la locataire, la bailleresse n’ayant pour le surplus pas corrigé son erreur et que les conditions de la procédure du cas clair n’étaient ainsi pas réalisées. La bailleresse a interjeté appel de ce jugement en temps utile.

Considerazioni

2. Il y a cas clair si l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et si la situation juridique est claire (art. 257 al. 1 CPC).
Il est admis que la procédure d’évacuation postérieure à une résiliation de bail pour défaut de paiement du loyer appartient, en principe, à cette catégorie (BOHNET, Code de procédure civile commenté, no 9 ad art. 257 CPC ; HOFMANN/LUSCHER, Le code de procédure civile, 2009, p. 165 ; LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2011, ch. 4.4.2.2, p. 167).
L’état de fait doit pouvoir être établi sans peine, c’est-à-dire que les faits doivent être incontestés et susceptibles d’être immédiatement prouvés. Dans le doute, l’affaire doit être traitée dans une procédure complète. La situation juridique peut être considérée comme claire si, sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvées, la norme s’applique au cas concret et y déploie ses effets de manière évidente (BOHNET, op. cit., no 13 ad art. 257 CPC ; HOHL, Procédure civile, Tome II, Berne, 2010, p. 304 ; Message du Conseil fédéral relatif au code de procédure civile, p. 6959).

2.1. Selon l’art. 257d CO, lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s’acquitter d’un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer, par écrit, un délai de paiement et lui signifier qu’à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail.
Ce délai sera de 10 jours au moins et, pour des baux d’habitation et de locaux commerciaux, de 30 jours au moins.
Faute de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat ; les baux d’habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés, moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d’un mois.
En matière d’évacuation pour défaut de paiement, le juge doit examiner si la créance invoquée par le bailleur existe, si elle est exigible, si le délai imparti est conforme à l’art. 257d al. 1 CO, si l’avis comminatoire du bail était assorti d’une menace de résiliation du bail en cas de non-paiement dans le délai imparti, si le versement réclamé n’a pas été payé, et si le congé satisfait aux exigences de forme prévues aux art. 2661 et 266n CO et respecte le délai et le terme prescrits par l’art. 257d al. 2 CO.
Le délai comminatoire de l’art. 257d al. 1 CO commence à courir le lendemain du jour où le locataire a reçu l’avis du bailleur (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 667).
Si les conditions légales sont remplies, le juge doit prononcer l’évacuation ; sinon, il doit rejeter la requête.

2.2. La résiliation doit mentionner le destinataire du congé, l’expéditeur, la désignation de l’objet loué, la manifestation claire et inconditionnelle de mettre fin au bail la date pour laquelle le bail est résilié et la signature de la personne qui résilie le contrat de bail (art. 9 OBLF ; BOHNET/MONTINI, Droit du bail à loyer, Bâle, 2010, nos16-18 ad art. 2661 CO ; LACHAT, op. cit., p. 629).
Le droit du bail est un domaine dans lequel il convient de se montrer strict en matière de respect des prescriptions de forme ; il ne faut en principe pas admettre d’exceptions aux règles édictées dans l’intérêt du locataire (ATF 121 III 6 consid. 3a et les arrêts cités ; 121 III 460 consid. 4a/cc).
La résiliation est un droit formateur qui s’exerce par un acte juridique unilatéral.
En prévoyant la faculté de donner congé, l’ordre juridique permet à un seul des cocontractants de modifier unilatéralement, par sa seule manifestation de volonté, la situation juridique de l’autre partie (ATF 133 III 360 consid. 8.1.1 ; 135 III 441 consid. 3.3 ; 128 III 129 consid. 2a).
Dès lors, en raison de ses effets pour le cocontractant, l’exercice du droit formateur doit reposer sur une manifestation de volonté claire et dépourvue d’incertitudes (ATF 135 III 441 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2011 du 4.7.2011 consid. 8.2 ) = ATF 137 III 389). Ainsi, il a été jugé que l’exercice d’un droit formateur doit être univoque, sans condition et revêtir un caractère irrévocable (ATF 135 III 441 consid. 3.3 ; TF, SJ 2002 I 394, 395, consid. 2a ; TF n.p. 4A.89/2009 du 1.5.2009, consid. 3.3).
Si les parties ne s’accordent pas sur le sens à donner à cette manifestation de volonté, il y a lieu de l’interpréter selon le principe de la confiance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_16/2000 du 24.1.2001 consid. 1a ; 4A_189/2011 du 4.7.2011 consid. 8.2).
Il s’ensuit que l’expéditeur d’un congé doit exprimer clairement son intention de mettre un terme au bail, à une date déterminée ou facilement déterminable. La résiliation doit pouvoir être aisément comprise par son destinataire. Le congé confus, contradictoire ou assorti de réserves est nul (ATF non publié du 10.11.2004 in MP 2005 p. 153 consid. 3 ; ATF 135 III 441 consid. 3.3 ; LACHAT, op. cit., p. 629 et les références citées; Commentaire SVIT, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, no 10 ad remarques préliminaires des art. 266-266o CO ; HIGI, Commentaire zurichois, no 35 ad art. 266-266o CO ; LACHAT, op. cit., p. 629 ; BOHNET/MONTINI, op. cit., no 27 ad art. 266a CO, ACJC/1297/2009 du 2.11.2009 G. c/ B.).

2.3. Lorsque le bail est de durée indéterminée, une partie peut le résilier en observant les délais de congé et les termes légaux, sauf si un délai plus long ou un autre terme ont été convenus (art. 266a al. 1 CO). Lorsque le délai ou le terme de congé n’est pas respecté, la résiliation produit effet pour le prochain terme pertinent (art. 266a al. 2 CO).
Dans la systématique de la loi, l’art. 266a CO concerne les congés ordinaires. Toutefois, le Tribunal fédéral et la doctrine l’appliquent par analogie aux congés extraordinaires. Notre Haute Cour a toutefois précisé que cette disposition légale ne pouvait être appliquée que pour corriger une erreur de date, et non pas à une résiliation viciée dans ses conditions de fond (ATF 135 III 441 consid. 3.3). Une partie de la doctrine va dans le même sens que le Tribunal fédéral (LACHAT, op. cit., p. 655 ; HIGI, op. cit., n 25 et 36 ad art. 266a CO, VENTURI-ZENRUFFINEN, La résiliation pour justes motifs des contrats de durée, 2004, no 1473ss). Cette disposition est inapplicable lorsque la manifestation de volonté revêt d’autres incertitudes que celle portant sur la date (HIGI, op. cit., no 44 ad art. 266a CO ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2011 du 4.7.2011, consid. 8.2).
Le Tribunal fédéral n’a pas tranché spécifiquement de l’application de l’art. 266a CO au congé fondé sur l’art. 257d CO.
Dans sa jurisprudence précitée, il a rappelé que celui qui, fondé sur un état de fait clairement délimité, signifie à l’autre partie une résiliation extraordinaire du contrat, n’a pas à pâtir de ce qu’il invoque, erronément en droit, une disposition légale inexacte comme fondement juridique à sa déclaration. Ainsi, si le bailleur invoque à tort l’art. 257f CO, alors qu’il était en droit de résilier le bail en se basant sur les art. 107 et 108 CO, le congé est néanmoins valable, puisqu’il s’agit uniquement d’une erreur de dénomination ou de référence légale (ATF 123 III 124 consid. 3).

2.4. Dans le cas d’espèce, l’appelante a, par avis officiel du 20 juin 2011, résilié le bail de l’intimée pour le 16 mai 2011 au motif qu’aucun paiement n’était intervenu dans le délai imparti par la mise en demeure du 31 juillet 2011. Comme l’a retenu à juste titre le Tribunal des baux et loyers, le congé ainsi libellé était confus et ambigu, puisque la date d’échéance du bail était antérieure à la date de l’avis de résiliation. La résiliation ne pouvait dès lors pas être aisément comprise.
L’erreur de date invoquée par l’appelante doit être interprétée selon le principe de la confiance, de sorte que l’état de fait ne peut pas être établi sans peine. Par ailleurs, la situation juridique n’est également pas claire.
C’est dès lors à bon droit que le Tribunal des baux et loyers a déclaré la requête irrecevable. L’appelante sera ainsi déboutée de ses conclusions et le jugement entrepris confirmé.

Decisione

52/9 - Evacuation pour non-paiement de loyer - procédure sommaire

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