Enrichissement illégitime – légitimation passive

base giuridica

Nome del giudice

Tribunal des baux du canton de Vaud du 29 avril 2022 (XA21.013716), confirmé par l’Arrêt du 8 juin 2023 de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (HC / 2023 / 343)

Data

09.04.2022

Sommario

Le contrat de bail se poursuivant, même en cas de gérance légale, c’est sur sa base que le déplacement de patrimoine a été effectué, peu importe en mains de qui le paiement du loyer a été fait. Ainsi, c’est bien le bailleur qui a été enrichi compte du fait que le versement des loyers a servi à payer ses dettes et donc à ne pas amoindrir son patrimoine. C’est dès lors le bailleur qui a la légitimation passive à l’action en enrichissement illégitime, que la gérance légale soit prouvée ou non.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail du 11 octobre 2013 portant sur la location d’un appartement de 3 ½ pièces au 1er étage d’un immeuble sis à A.
Le 8 août 2013, une assistante sociale du Centre social intercommunal de A a informé la gérance qu’elle réglerait le loyer de la locataire.
L’immeuble en cause a été vendu aux enchères publiques le 31 mars 2017.
Le 25 janvier 2021, la demanderesse a saisi la Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de la Rivera-Pays d’Enhaut en fixation du loyer initial. La cause étant non conciliée, elle a saisi le Tribunal des baux le 19 avril 2021.
Dans la procédure, la défenderesse a notamment invoqué qu’elle n’avait pas la légitimation passive, étant donné la gérance légale mise en place sur l’immeuble en novembre 2015.
Par jugement du 29 avril 2022, le Tribunal des baux a notamment prononcé que la défenderesse devait rembourser les parts de loyers payés en trop par celle-ci pour le période du 1er octobre 2013 au 11 mai 2017, soit la somme de fr. 34 250,50.

Considerazioni

III. La défenderesse fait enfin valoir qu’elle n’aurait pas la légitimation passive pour la période de gérance légale.

Que ce soit un fait dirimant ou extinctif, l’absence de légitimation passive est un moyen de défense dont le fardeau de la preuve revient à la défenderesse. En l’occurrence, la défenderesse a évoqué l’existence d’une gérance légale par la régie X.______SA une unique fois dans sa correspondance du 17 février 2022 adressée au tribunal de céans. Si les pièces au dossier démontrent que l’immeuble a été vendu aux enchères le 31 mars 2017 à Y.______ et que les loyers ont été versés à plusieurs tiers différents au fil du temps, dont notamment à X.______SA, on ignore pour quel motif. La seule affirmation de la défenderesse de l’existence d’une gérance légale, sans aucune autre preuve au dossier, ne suffit pas à en établir la réalité. Partant, elle ne démontre également pas son absence de légitimation passive pour la période invoquée.

L’on ne parviendrait pas à un résultat différent si l’on devait considérer que la défenderesse avait prouvé l’existence d’une gérance légale. En effet, la mainmise officielle sur l’immeuble et l’indisponibilité qui en découle ne mettent pas fin aux contrats portant sur l’immeuble. Dans l’exécution spéciale, le maintien du rapport de bail est exprimé par le fait qu’il appartient désormais au gérant légal d’en assurer l’exécution. Compte tenu du principe de la subsistance du contrat de bail et du transfert des pouvoirs aux fins de son exécution, jurisprudence et doctrine sont d’avis que, dans le cas d’un contrat de bail, l’administration de la faillite se voit privée du choix qui lui est confié par l’art. 211 al. 2 LP : elle est tenue de poursuivre l’exécution en nature du contrat. De manière générale, le contrat de bail se poursuit alors même que l’immeuble devient indisponible. Bien que le débiteur soit toujours le propriétaire de son immeuble et demeure formellement le partenaire contractuel du locataire, car titulaire des droits qui s’y rapportent, l’exécution du contrat revient au gérant légal, celui-ci est dès ce moment l’interlocuteur du locataire (Défago Gaudin, L’immeuble dans la LP : Indisponibilité et gérance légale, Thèse n° 768, Genève 2006, pp. 140-141). Par ailleurs, pour qu’il y ait un lien de connexité suffisant entre l’appauvri et l’enrichi, il n’y a pas besoin que le déplacement de patrimoine soit direct (Chappuis, CR CO I, n. 26 ad art. 62 CO). En l’espèce, le contrat de bail se poursuivant, même en cas de gérance légale, c’est sur sa base que le déplacement de patrimoine a été effectué, peu importe en mains de qui le paiement du loyer a été fait. Ainsi, c’est bien le bailleur qui a été enrichi compte tenu du fait que le versement des loyers a servi à payer ses dettes et donc à ne pas amoindrir son patrimoine. C’est dès lors bien le bailleur qui a la légitimation passive à l’action en enrichissement illégitime. En conclusion, que la gérance légale soit prouvée ou non, la défenderesse a de toute façon la légitimation passive. Partant, il convient ainsi d’entrer en matière sur l’action de la demanderesse.

Decisione

62/2 - Enrichissement illégitime – légitimation passive

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