Contestation du loyer initial - notification tardive de l’avis de fixation du loyer

base giuridica

Nome del giudice

Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers

Data

01.10.2018

Sommario

Le fait que la bailleresse soit de bonne foi ne saurait remettre en cause les prescriptions légales concernant la notification de l’avis de fixation du loyer, eu égard au formalisme dont est empreint le droit du bail. Admettre le contraire reviendrait à vider de sa substance le délai de 30 jours consacré par la loi et la jurisprudence. Une telle rigueur s’impose d’autant plus qu’il s’agit d’un délai de péremption pour le locataire, ce dernier devant agir à brève échéance sous peine de déchéance.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de 5 pièces situé dans un immeuble sis à Onex. Le bail a été conclu pour une durée d’un an, du 1.11.2015 au 15.12.2016, pour un loyer de Fr. 2700.- par mois, charges non comprises.
Le 21 avril 2016, les locataires ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d’une requête en fixation judiciaire du loyer. Non conciliée, l’affaire a été déposée devant le Tribunal des baux et loyers le 30 juin 2016.
Les locataires ont allégué n’avoir jamais reçu la formule officielle de fixation du loyer, lors de la conclusion du bail. Dans la procédure, la bailleresse a produit une copie de l’avis de fixation de loyer, sur lequel est indiqué le montant du précédent loyer annuel et la motivation du loyer actuel, sans que ce montant figure sur l’avis. Ce document a été signé par les deux locataires le 30 novembre 2016. La bailleresse a plaidé que l’avis de fixation du loyer initial devait être considéré comme remis au plus tard le 30 novembre 2016.
Par jugement du 25 octobre 2017, le Tribunal des baux et loyers a fixé le loyer de l’appartement litigieux à Fr. 1900.- par mois. En substance, les premiers juges ont retenu que la bailleresse n’avait pas démontré avoir envoyé la formule officielle de fixation du loyer aux locataires et que, même s’il fallait retenir la version de cette dernière, cette notification est intervenue plus de trente jours après l’entrée dans les locaux des locataires.
Par acte du 1er décembre 2017, la bailleresse forme appel de ce jugement, reprochant aux premiers juges une constatation inexacte de fait, ainsi qu’une mauvaise application du droit, pour avoir considéré que l’avis de fixation du loyer n’était pas valable.

Considerazioni

3. La bailleresse soutient que sa bonne foi doit être protégée et que la notification tardive de l’avis de fixation (entre le 3 et 4 décembre 2016 selon celle-ci) ne saurait lui être reprochée, au regard des circonstances du cas d’espèce. Il en serait de même de l’absence de mention du nouveau loyer dans l’avis de fixation, dont les locataires pouvaient en déduire le montant en se référant au contrat de bail.

3.1 La formule officielle doit être notifiée au locataire au moment de la conclusion du bail ou, au plus tard, le jour de la remise de la chose louée (ATF 121 III 56 consid. 2c). Elle a pour but d’informer le locataire de sa possibilité de saisir l’autorité de conciliation afin de contester le montant du loyer en lui fournissant toutes les indications utiles (ATF 137 III 547 consid. 2.3 p. 548). L’art. 19 OBLF précise les indications que doit contenir la formule officielle, soit notamment le montant de l’ancien et du nouveau loyer (cf. art. 19 al. 1 let. a ch. 1 et 2 OBLF). Un acte juridique qui ne respecte pas la forme exigée par la loi n’est pas valable (art. 11 al. 2 CO).
Même si le locataire a eu vent du loyer versé par l’ancien locataire au moyen d’une autre voie (notamment à la suite d’une information délivrée par ce dernier), l’absence de l’indication du loyer antérieur dans l’avis de fixation du loyer initial constitue un vice dirimant de la communication qui fait l’objet de l’art. 270 al. 2 CO et entraine sa nullité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_214/2007 du 12 novembre 2007 consid. 3).
Si la formule lui a été communiquée, le locataire peut saisir, dans les 30 jours, l’autorité de conciliation, puis le juge pour contester le loyer initial et en demander la diminution, pour autant que le montant convenu soit abusif et que les autres conditions de l’art. 270 al. 1 CO soient remplies. A défaut, il est réputé avoir accepté le loyer et il est déchu du droit de le contester.
Si la formule officielle lui est communiquée plus tard, mais dans les 30 jours après son entrée dans les locaux, le point de départ du délai pour agir est reporté à ce moment-là. En revanche, une communication intervenant au-delà de ce délai équivaut à une absence de notification (ATF 121 III 56 consid. 2c).
Le droit du bail est un domaine juridique empreint de formalisme, dans lequel il convient de se montrer strict en matière de respect des prescriptions de forme et de ne pas admettre en principe d’exceptions aux règles édictées dans l’intérêt du locataire (ACJC/790/2017 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, même en admettant l’allégué de la bailleresse, la notification de la formule officielle effectuée le 3 ou 4 décembre 2016 est tardive, car dépassant le délai de 30 jours qui a suivi l’emménagement des locataires dans l’appartement litigieux, soit le 1er novembre 2016.
Le fait que la bailleresse soit de bonne foi ne saurait remettre en cause les prescriptions légales précitées, eu égard au formalisme dont est empreint le droit du bail. Admettre le contraire reviendrait à vider de sa substance le délai de 30 jours consacré par la loi et la jurisprudence. Une telle rigueur s’impose d’autant plus qu’il s’agit d’un délai de péremption pour locataire, ce dernier devant agir à brève échéance sous peine de déchéance.

3.3 Il est de même d’une formule officielle viciée, qui ne contient pas toutes les indications exigées par la loi. Il importe peu que le locataire puisse ou aurait été en mesure de se renseigner sur les champs manquants dans la formule officielle par un autre moyen, de même qu’il aurait été en mesure de faire valoir leur droit.
Eu égard au formalisme dont est empreint le droit du bail, on ne saurait admettre que le locataire doive effectuer de lui-même un regroupement d’informations pour combler les indications manquantes dans la formule officielle. En tant qu’acte unilatéral du bailleur, ce dernier doit remplir la formule officielle avec exactitude et avec les données exigées par la loi, sans exception. L’indication du nouveau loyer étant obligatoire (art. 19 al. 1 let. a ch. 2 OBLF), son absence constitue un vice de forme et emporte, dès lors, la nullité du loyer (art. 11 al. 2 CO).
Les locataires pouvaient dès lors contester ladite formule viciée en tout temps, sous réserve des principes régissant la prescription des créances.

3.4 Au regard de ce qui précède, les griefs de la bailleresse doivent être rejetés et la nullité du loyer confirmée.
En définitive, l’appel de la bailleresse doit être rejeté et le jugement querellé confirmé, en tant qu’il porte sur la nullité du loyer.

Decisione

60/5 - Contestation du loyer initial - notification tardive de l’avis de fixation du loyer

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