Contestation du loyer initial

base giuridica

Nome del giudice

Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève

Data

17.05.2010

Sommario

Les bailleurs soutiennent que les premiers juges auraient dû fixer le loyer litigieux au montant que les locataires avaient accepté de payer lorsqu’ils étaient en sous-location dans le même logement. Ils ne sauraient être suivis. Ledit loyer, payé dans une relation de sous-location à laquelle ils n’étaient pas partie, qui était largement supérieur au loyer payé par le sous-bailleur lui-même et dont il n’est pas démontré qu’il ne procurait pas à ce dernier un rendement excessif, ne saurait en effet servir de base dans la fixation du loyer initial.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par contrat du 28 août 2008 portant sur un logement de 3.5 pièces au 4ème étage, construit entre 1947 et 1960. Le locataire sous-louait ce logement depuis 2006, pour un loyer annuel, charges comprises, de fr. 22'800.–.
Le loyer initial a été fixé avis officiel du 28 août 2008 à fr. 21'000.– l’an, charges non comprises. Le motif suivant était invoqué : «art 269a lettre a du CO : Adaptation aux loyers usuels du quartier». L’avis mentionne que l’ancienne locataire s’était acquittée d’un loyer annuel de fr. 12'672.–, charges non comprises.
Par requête en contestation du loyer initial du 26 septembre 2008, déclarée non conciliée le 30 janvier 2009 et portée le 27 février devant le Tribunal des baux et loyers, les locataires ont sollicité à titre préalable la production par les bailleurs de toutes les pièces utiles et nécessaires pour effectuer un calcul de rendement. Principalement ils ont conclu à la constatation du caractère abusif du loyer fixé initialement, à la fixation de celui-ci à fr. 10'200.– par an, charges non comprises, dès le 1er septembre 2008.
Par jugement du 13 octobre 2009, le Tribunal des baux et loyers a fixé le loyer annuel de l’appartement litigieux à fr. 15'600.– l’an, charges non comprises, dès le 1er septembre 2008. Les bailleurs ont interjeté appel de ce jugement.

Considerazioni

3 Les bailleurs reprochent aux premiers juges de n’avoir pas fixé le loyer initial en se fondant exclusivement sur les statistiques cantonales relatives aux nouveaux baux, qu’ils ont par ailleurs pondérées par des facteurs à la baisse, sans tenir compte de facteurs à la hausse. Parmi ceux-ci, figurait le fait que les locataires s’étaient précédemment acquittés, sans le contester, d’un loyer mensuel de 1'900 fr. pour le même appartement. D’autre part, contrairement à ce que le Tribunal avait retenu, l’immeuble se situait dans une rue calme avec peu de trafic…
Les locataires, dans leur appel incident, reprochent quant à eux aux premiers juges de n’avoir pas fixé le loyer initial au niveau de celui payé par le précédent locataire, faisant valoir que les bailleurs s’étaient refusés à produire tout document permettant d’établir le rendement admissible et que le précédent loyer avait été fixé peu de temps avant conclusion du bail.

3.1 Les critères matériels permettant de juger du bien-fondé d’une contestation du loyer initial sont exclusivement régis par les art. 269 et 269a CO, lesquels fournissent les critères matériels permettant de juger du bien-fondé d’une telle demande (ATF 120 II 240 consid. 2. p. 243).
Pour fixer le loyer initial, le bailleur doit ainsi privilégier les critères absolus, puisque la méthode relative, qui repose sur les relations préexistantes entre les partenaires au contrat, ne devrait pas s’appliquer lorsque c’est un bail entre de nouveaux partenaires qui est en jeu. (AFT 124 III 62 consid. 5. et 6 ; 121 II 341 ; 120 II 341).
Lorsque le juge traite un cas de nullité partielle du contrat, ce qui est le cas lorsque les conditions formelles de la notification prévue à l’art. 170 al 2 CO ne sont pas remplies (ATF 124 III 62 consid. 2 ; 121 III 56 consid. 2c ; 120 II 341 consid. 5b à 5d), il jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour la fixation du nouveau loyer, qui peut inclure la référence „à la hauteur du loyer payé par le locataire précédent » ; en revanche, en l’absence de nullité partielle du contrat, comme en l’espèce, le loyer payé par le précédent locataire ne joue aucun rôle et ne peut remplacer automatiquement le loyer convenu entre les parties par application analogique de l’art. 269d al. 2 CO (ATF 120 II 341 consid. 6c). Le but de la contestation du loyer initial n’est en effet pas de vérifier si une éventuelle augmentation par rapport au précédent loyer est abusive, mais d’examiner si le loyer en tant que tel excède la norme (arrêt du Tribunal fédéral 4A_353/2009, destiné à la publication).
Une telle solution peut en effet être contraire à l’objectif constitutionnel et légal de protection des locataires contre les abus, lorsque le loyer payé par l’ancien preneur était déjà abusif ou le deviendrait, à la suite d’une diminution des coûts par exemple ; elle méconnaît en outre la distinction essentielle entre l’augmentation de loyer en cours de bail et celle qui intervient lors de la conclusion du contrat, puisque les parties ne sont pas les mêmes et que la méthode relative, en tant qu’elle pose que le loyer précédant le loyer contesté est présumé procurer au bailleur un rendement à la fois admissible et suffisant, se fonde sur les règles de la bonne foi et n’a donc de sens qu’entre des parties déjà liées par un contrat de bail (ATF 117 II 452 consid. 4a p. 457 ; 120 II 100 consid. 5c ; 120 II 341 consid. 6).
Le critère absolu choisi par le bailleur fixe en principe le cadre du débat judiciaire, mais le locataire peut décider de faire porter l’examen sur d’autres motifs que ceux invoqués par le bailleur, en particulier, opposer au bailleur qui se prévaut du critère des loyers usuels, celui – prépondérant – du rendement exagéré des fonds propres investis, sans même avoir à démontrer la présence d’indices d’abus. Ainsi, quand bien même le loyer initial s’inscrirait-il dans les limites des loyers usuels, que le locataire doit être admis à prouver que le loyer est néanmoins abusif au sens de l’art. 269 CO (ATF 124 III 312 consid. 2b).
Si le fardeau de la preuve incombe au locataire, le bailleur doit contribuer loyalement à l’administration des preuves et, en application des principes généraux tirés des règles de la bonne foi (affirmé de manière expresse en droit du bail à l’art. 274d al. 3 CO), celui-ci doit fournir les éléments qu’il est seul à détenir (ATF 115 II 1 consid. 4). Ainsi, puisque le bailleur détient seul les documents permettant un calcul de rendement, on peut attendre de lui qu’il les produise (TF in SJ 2006 I p. 34 consid. 4.3.2). En conséquence, les premiers juges n’ont pas violé les règles sur le fardeau de la preuve (art. 8 CC) en ordonnant aux bailleurs de produire les pièces qu’ils étaient seuls à détenir et qui étaient nécessaires pour procéder au calcul de rendement exigé par les locataires.
Si les bailleurs se refusent à cette production, c’est une pure question d’appréciation des preuves de dire quelles conclusions on peut tirer d’une telle attitude (arrêts du Tribunal fédéral 4A_576/2008, consid. 2.4 ; 4A_345/2007 consid. 2.4.3 ; 4P.196/2005, consid. 5.2).
La Cour de justice déduit en principe d’un tel refus que le bailleur cache un rendement abusif (ACJ/1297/2008 et réf. citées) et qu’il appartient dès lors au juge de se fonder sur toutes le circonstances du cas d’espèce pour fixer le loyer admissible. Plus spécifiquement, lorsque comme en l’espèce, le recours à l’une des deux méthodes absolues s’avère impossible, faute de données utilisables, la Cour de céans admet que le juge puisse s’appuyer sur les statistiques cantonales, même si elles ne sont pas aussi complètes qu’il le faudrait (ATF 123 III 319 consid. 4a), à condition de procéder aux réajustements nécessaires pour tenir compte des particularités du logement loué (ACJ/1296/2009, consid. 6.2 ; 1314/2007, consid. 3.3 ; 254/2006, consid. 3.3; 1303/2007, consid. 3.5). Le juge qui ne dispose que des statistiques cantonales officielles pour fixer le loyer initial peut se fonder sur les données portant sur le loyer mensuel moyen des logements loués à de nouveaux locataires au cours des douze derniers mois, selon le nombre de pièces et la nature du logement : en effet, s’agissant d’un contrat de bail conclu récemment, il apparaît logique et raisonnable de tenir compte des statistiques relatives aux nouveaux baux et non des contrats en cours. Toutefois, comme ce tableau ne tient pas compte de la date de construction de l’immeuble, ni des caractéristiques de l’appartement, il convient de pondérer l’élément statistique résultant des baux les plus récents avec notamment les données fournies pour la statistique des baux en cours et en fonction des caractéristiques spécifiques des baux en cours et en fonction des caractéristiques spécifiques de l’appartement loué (ACJ/1296/2009 ; 186/2010 ; 1520/2007 ; 254/2006).
Le Tribunal fédéral a pour sa part jugé que dans de telles circonstances et en présence d’une nullité partielle du contrat (ce qui n’est pas le cas en l’espèce), il n’était ni arbitraire, ni contraire au droit fédéral, de fixer le loyer initial au montant du loyer précédent payé par l’ancien locataire, sans toutefois imposer aux cantons l’utilisation d’une telle méthode (arrêt du Tribunal fédéral 4A_576/2008).

3.2 En l’espèce, il n’y a pas de nullité partielle du contrat, les bailleurs s’étant conformés aux conditions formelles posées par l’art. 270 al. 2 CO.
Les bailleur ont motivé le loyer initial en se référant aux loyers usuels du quartier. Ils n’ont produit aucun exemple de loyer comparatif et admettent d’ailleurs qu’ils n’en disposent pas. Les locataires ont sollicité un calcul de rendement de l’immeuble et les bailleurs n’ont pas déféré à l’ordonnance du juge leur enjoignant de produire les documents utiles à cette fin. Dans ces conditions, le jugement attaqué retient avec raison que les bailleurs cherchaient à cacher un rendement excessif de la chose louée.
Pour le surplus, le droit fédéral n’oblige pas le juge, chargé d’examiner un cas en l’absence de nullité partielle du contrat, comme en l’espèce, à fixer automatiquement le loyer initial au montant du loyer payé par le précédent locataire, lorsque les éléments nécessaires à l’application de la méthode absolue font défaut, fût-ce à la suite d’une carence du bailleur. Les premiers juges n’ont ainsi commis aucune violation de la loi en se conformant à la jurisprudence de la Cour, à savoir en s’appuyant sur le montant moyen résultant de la statistique cantonale 2008 relative aux loyers des baux conclus récemment, qu’ils ont pondéré avec le montant moyen résultant de la statistique 2008 relative aux baux en cours et les caractéristiques du logement en cause.
Plus spécifiquement, les premiers juges ont tenu compte du fait que le logement en cause, au 4ème étage de l’immeuble, était situé à proximité des commerces et des transports publics, que la peinture des murs avait été refaite en 2001, et qu’il disposait d’un balcon et d’une cave (facteurs « à la hausse »). Ils ont également tenu compte du fait que l’immeuble était sis dans un quartier bruyant et dépourvu de verdure, que l’appartement était assez usagé, en particulier les parquets et la salle de bains, enfin qu’il ne disposait pas de double-vitrages (facteurs « à la baisse »).
Il s’agit-là de constatations de fait, que la Cour ne revoit que sous l’angle de l’arbitraire. Or, les bailleurs se contentent sur le sujet d’affirmer que l’immeuble concerné est situé sur une artère calme avec peu de trafic… Ce faisant, ils ne font qu’opposer leurs allégués aux constatations des premiers juges, sans en démontrer l’arbitraire. Il est au demeurant notoire que l’artère sur laquelle est situé le logement en cause, …, ne saurait être qualifiée de « calme et avec peu de trafic », contrairement à ce qu’affirment les bailleurs. …, il est soumis à un environnement bruyant, comprenant, outre le trafic passant dans la rue, relativement dense, le passage fréquent des ambulances à proximité ; en cela, sa situation n’est en rien comparable avec les artères mentionnées par les bailleurs et situées à 300 m de là, dans un tissu urbain différent et comportant en particulier des zones de verdure.
Les bailleurs soutiennent en outre que les premiers juges auraient dû fixer le loyer litigieux au montant que les locataires avaient accepté de payer lorsqu’ils étaient en sous-location dans le même logement. Ils ne sauraient être suivis. Ledit loyer, payé dans une relation de sous-location à laquelle ils n’étaient pas partie, qui était largement supérieur au loyer payé par le sous-bailleur lui-même et dont il n’est pas démontré qu’il ne procurait pas à ce dernier un rendement excessif, ne saurait en effet servir de référence dans la fixation du présent loyer initial.
En fixant le loyer admissible à 1‘300 fr. par mois, charges non comprises, soit 15'600 fr. l’an au vu des éléments rappelés supra pour un appartement de 3 pièces sis au 4ème étage d’un immeuble, vétuste à l’exception des murs, lesquels ont été repeints en 2001 …, les premiers juges n’ont pas excédé le pouvoir d’appréciation qui est le leur en la matière.
Les griefs invoqués tant par les bailleurs que par les locataires sont ainsi infondés, ce qui conduit au rejet tant de l’appel principal que de l’appel incident sur ce point.

Decisione

49/6 - Contestation du loyer initial

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