Contestation du loyer initial

base giuridica

Nome del giudice

Tribunal des Baux du canton de Vaud

Data

09.10.2009

Sommario

Rien ne s'oppose à ce que le locataire requiert, pour examiner le loyer initial, l'application du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier alors qu'il s'agit d'un immeuble acquis récemment, notamment, lorsque c'est le motif invoqué par le bailleur sur la formule officielle. Le juge ne saurait dans pareille hypothèse intervenir d'office et appliquer le critère prédominant du rendement net.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer du 11 septembre 2008 portant sur un immeuble de trois pièces et demie pour un loyer mensuel net de fr. 1'440.–. Le locataire précédent payait un loyer mensuel net de fr. 1'300.–.
Le 7 octobre 2008, les demandeurs ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête en contestation du loyer initial. La conciliation a échoué, et les demandeurs ont ouvert action devant le Tribunal des baux, le 10 décembre 2008, requérant notamment que leur loyer mensuel soit fixé à fr. 1'000.–.
Le 23 janvier 2009, le conseil des demandeurs a adressé au Président du Tribunal des baux les lignes suivantes : ''Je précise que mes mandants contestent l'augmentation de loyer initial selon les loyers usuels de la localité ou du quartier étant donné que le bailleur n'a pas fourni les preuves nécessaires à prouver son motif''.
Par courrier du 27 mai 2009, le nouveau conseil des locataires a adressé au président du Tribunal des baux le courrier suivant : ''Je découvre aujourd'hui que l'immeuble a, sauf erreur, été acheté le 14 octobre 2003. Dès lors, il se justifie de privilégier un calcul de rendement pour fixer le loyer, plutôt qu'appliquer la méthode des loyers du quartier''.
Lors de l'audience du 15 juin 2009, le conseil de la défenderesse a observé que la question du rendement soulevée par les demandeurs l'était à tard, compte tenu du fait qu'ils avaient un délai au 26 janvier 2009 pour fixer le cadre du débat judiciaire et que, dans ce délai, ils n'ont invoqué que les loyers du quartier.
Par jugement du 9 octobre 2009, le Tribunal des baux a rejeté les conclusions des demandeurs.

Considerazioni

1. Les demandeurs font valoir le caractère abusif du loyer de l'appartement pris à bail à la défenderesse et concluent à ce qu'il soit ramené à 800 fr. par mois. Après avoir requis le contrôle du loyer sur la base du critère des loyers comparatifs du quartier ou de la localité, ils ont abandonné ce critère au profit de celui du rendement net.
La défenderesse soutient, quant à elle, que le seul critère déterminant est celui des loyers comparatifs du quartier ou de la localité. Elle indique que ce critère a été invoqué en premier par les demandeurs dans le délai imparti à eux et qu'il délimite en conséquence le cadre des débats judiciaires. Elle relève que le critère du rendement net a été invoqué dans un deuxième temps, alors que le cadre des débats judiciaires avait été fixé, qui plus est, hors de tout délai légal ou judiciaire. Enfin, ils font valoir qu'en cas de contestation du loyer initial par le locataire, le fardeau de la preuve du caractère abusif du loyer incombe au locataire, y compris lorsque celui-ci invoque le critère des loyers comparatifs du quartier ou de la localité. Il s'ensuit que l'éventuel échec de la preuve doit être supporté par les demandeurs.
2a. Dès lors que la défenderesse ne conteste pas, à juste titre, la validité formelle et la recevabilité de la présente requête au regard notamment de l'article 270 CO, il convient d'examiner en premier lieu le grief de la défenderesse relatif à la tardiveté des réquisitions de production de pièces des demandeurs du 27 mai 2009 en relation avec la modification du critère d'examen du loyer initial.
ba) En vertu de la nature sommaire de la procédure applicable devant le Tribunal des baux, le juge, respectivement le tribunal, administre les preuves autant que possible séance tenante (art. 11 al. 3 LTB) et règle sommairement les difficultés qui peuvent s'élever à leur sujet, pouvant ordonner d'office toute preuve utile (art. 11 al. 4 LTB). En outre, le juge respectivement le tribunal, statue par un seul jugement sur les faits et sur tous les moyens exceptionnels et de fond (art. 12 al. 1er LTB). Ainsi, il découle implicitement des articles 11 et 12, mais également 8 et 9 LTB, que le juge, respectivement le tribunal, tient en principe une seule audience d'instruction et de jugement (Ducret et cts, Procédures spéciales vaudoises, Lausanne 2008, n. 1 ad art. 12 LTB, p. 130). Les parties sont assignées par lettre recommandée énonçant le but de la citation et l'invitation à produire toutes pièces utiles, à requérir au besoin une inspection locale, à amener à l'audience les témoins dont l'audition apparaît utile ou à en requérir l'assignation dans le délai que le juge fixe (art. 9 al. 1er LTB).
L'invitation faite par le juge aux parties à présenter dans la mesure du possible leurs moyens et offres de preuves dans un délai déterminé n'est pas contraire à la maxime inquisitoriale sociale (sur la maxime inquisitoriale sociale, cf. Ducret et cts, op. cit., nos 3 ss ad art. 11 LTB, pp. 118 ss), applicable en vertu de l'article 274d alinéa 3 CO (Ducret et cts, op. cit., n. 6 ad art. 9 LTB, p. 110). En outre, le juge n'a pas à donner suite à une réquisition de mesure d'instruction formulée après l'échéance du délai imparti en application de l'article 9 alinéa 1er chiffre 2 LTB (art. 35 CPC, applicable par renvoi des art. 15 LTB et 347 CPC). Les actes déposés hors délai doivent être écartés du dossier (JT 1981 III 40). De même, la maxime inquisitoriale sociale ne lui impose pas de se substituer à la partie et d'entreprendre d'office, malgré la tardiveté de la réquisition, une instruction complémentaire (Ducret et cts, op. cit., n. 7 ad art. 9 LTB, p. 110). Si des réquisitions formées après l'échéance du délai fixé par le juge pour procéder doivent être considérées comme tardives, la production de pièce hors délai, et même à l'audience, demeure admissible (Ducret et cts, op. cit., n. 8 ad art. 9 LTB, p. 110). Toutefois, le juge doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production de pièces ; il n'est pas tenu de s'assurer que leurs allégations et offres de preuves sont complètes, sauf s'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point (Ducret et cts, op. cit., n. 6a ad art. 11 LTB, p. 120).
bb) En l'espèce, le président de céans a imparti aux demandeurs par courrier du 22 décembre 2008 un délai au 26 janvier 2009 pour préciser le critère de détermination de loyer dont ils se prévalent, afin de fixer le cadre des débats judiciaires. Ceux-ci ont indiqué par courrier du 23 janvier 2009 qu'ils invoquaient le critère des loyers de la localité ou du quartier. Puis, par citation à comparaître du 23 mars 2009, un délai au 20 avril 2009 a été fixé aux demandeurs pour formuler toutes réquisitions utiles, notamment requérir la production de pièces. Or, ce n'est que le 27 mai 2009, soit après l'échéance du délai précité, que le nouveau conseil des demandeurs a modifié le critère de détermination de loyer précédemment invoqué au profit de celui du rendement net et requis en conséquence la production de nouvelles pièces nécessaires.
Dans le cas présent, il ne faut pas perdre de vue que la modification du critère de détermination du loyer initial par les demandeurs a fait naître de nouvelles questions complexes traitées dans les considérants qui suivent, telles notamment le principe de l'immutabilité des motifs invoqués par les parties et de ses conséquences, ainsi que la hiérarchie des critères d'examen du loyer initial (notamment la question de savoir si le critère des loyers de la localité ou du quartier peut néanmoins être appliqué compte tenu de la date d'acquisition de l'immeuble en cause).
Or, le juge instructeur, soit le Président du Tribunal des baux, doit veiller, notamment lorsque les parties n'ont pas renoncé à la présence des assesseurs dans la composition de l'instance de jugement, à ne pas entraver la marge d'appréciation et le pouvoir de décision de celle-ci, par les mesures d'instruction. Ainsi, si la référence par les demandeurs au nouveau critère de détermination de loyer, selon leur courrier du 27 mai 2009, avait été écartée au cours de l'instruction préliminaire, au motif qu'elle était tardive, la cour de céans aurait été privée de son pouvoir de statuer sur le principe de l'immutabilité des motifs invoqués par les parties et de ses conséquences, ainsi que sur la hiérarchie des critères d'examen du loyer. En outre, les exploits de production des 2 et 17 juin 2009 étaient objectivement nécessaires pour écarter tout doute sur le caractère incomplet des offres de preuves des demandeurs, le dossier étant manifestement insuffisant pour prendre en compte le critère du rendement net. Enfin, le principe de célérité et le fait que le Tribunal des baux tient en principe une seule audience d'instruction et de jugement commande que celui-ci dispose rapidement de tous les éléments nécessaires pour statuer et que la multiplication des audiences d'instruction soit évitée.
Cela étant, cette question, comme le démontrent les considérants qui suivent, n'a pas d'incidence sur l'issue du procès.

3a. S'agissant de la délimitation du cadre des débats judiciaires, il convient de rappeler préalablement que les motifs de majoration invoqués par le bailleur dans le cadre de l'article 270 CO le lient lui-même, mais ne limitent pas les moyens de contestation du locataire (Ch. rec., S. c. C. M. S. et M. S., 1er octobre 2008, n°439/l, consid. 4 bb), p. 11; Fetter, La contestation du loyer initial, thèse Berne, 2005, n°467, p. 215; Weber, Basler Kommentar, 4ème ed., 2007, n. 8 ad art. 270 CO, p. 1537; Lachat, Le bail à loyer, 2ème éd., 2008, p. 394, Higi, Zürcher Kommentar, 1998, n. 80 ad art. 270 CO, p. 489).
Il s'ensuit qu'il appartient au seul locataire de délimiter le cadre judiciaire de l'action en contestation du loyer initial sans pour autant que celui-ci soit lié par les motifs indiqués sur la formule officielle ou que ceux-ci soient seuls déterminants (Ch. rec., S. c. C. M. S. et M. S., 1er octobre 2008, n°439/l, consid. 5 p. 15 ;Fetter, op. cit., n° 472, p. 216; Lachat, op. cit., p. 394). Toutefois, en vertu du principe de l'immutabilité des motifs invoqués par les parties, le locataire ne peut faire valoir de nouveaux motifs une fois qu'il a délimité le cadre de sa contestation devant l'autorité judiciaire et reste lié par les motifs invoqués en début de procédure (Ch. rec., S. c. C. M. S. et M. S., 1er octobre 2008, n°439/l, consid. 5 p. 15; Fetter, op. cit., n° 473, p. 217 et n° 489 p. 224). La maxime inquisitoire sociale de l'article 274d alinéa 3 CO (sur cette maxime, cf. Ducret et cts, op. cit., nos 3 ss ad art. 11 LTB, pp. 118 ss) ne permet pas au juge de s'écarter du cadre des débats judiciaires définis par le locataire (Ch. rec., S. c. C. M. S. et M. S., 1er octobre 2008, n° 439/l, consid. 5 p. 15).
b) En l'espèce, interpellés par le président de céans le 22 décembre 2008 afin de fixer le cadre des débats judiciaires, les demandeurs ont clairement précisé, par courrier de leur conseil du 23 janvier 2009, qu'ils contestaient l'augmentation du loyer initial en cause selon les loyers usuels de la localité ou du quartier. Dès lors, les demandeurs n'étaient pas fondés à modifier, par courrier du 27 mai 2009, les motifs de la contestation du loyer initial et à faire examiner le loyer en cause selon le critère du rendement net. Certes, comme le relèvent les demandeurs, ce dernier critère est de manière générale prédominant et les conditions jurisprudentielles d'un renversement de la hiérarchie des critères d'examen du loyer en ce sens que le critère des loyers usuels du quartier soit préféré au critère du rendement net ne sont pas remplies en l'espèce. En effet, l'immeuble en cause a été acquis récemment, soit le 31 janvier 2007, par le défenderesse dans un cadre successoral (cf. sur ces questions : Fetter, op. cit., n. 458 p. 210 et les références citées). Toutefois, ces considérations ne sont d'aucun secours aux demandeurs. En effet, la hiérarchie des critères a seulement pour conséquence que le bailleur ne peut pas s'opposer à l'examen du loyer initial selon le critère du rendement net requis par le locataire, lorsque l'immeuble a été acquis récemment, et ce, quand bien même le bailleur a mentionné le critère des loyers usuels du quartier sur la formule officielle. De même, le locataire ne pourra pas s'opposer à un examen du loyer initial selon le critère des loyers usuels du quartier invoqué par le bailleur sur la formule officielle lorsque l'immeuble a été acquis il y a plusieurs décennies. En revanche, rien ne s'oppose à ce que le locataire requiert, pour examiner le loyer initial, l'application du critère des loyers usuels de la localité ou du quartier alors qu'il s'agit d'un immeuble acquis récemment, notamment, lorsque, comme en l'espèce, c'est le motif invoqué par le bailleur sur la formule officielle. Le juge ne saurait dans pareille hypothèse intervenir d'office et appliquer le critère prédominant du rendement net. Il doit s'en tenir au critère invoqué par le locataire en début de procédure et par lequel il est tenu pour toute la durée de la procédure (cf. sur ces questions : Fetter, op. cit., nos 484 pp. 222 ss et les références citées; Lachat, op. cit., p. 535 et p. 537).

Decisione

48/6 - Contestation du loyer initial

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