Contestation de loyer initial par des époux

base giuridica

Nome del giudice

Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève

Data

11.10.2010

Sommario

Devant l’opposition de son épouse à contester le loyer initial, l’appelant aurait dû l’assigner en sa qualité de consort nécessaire. Cette exigence est en effet opportune pour opposer au conjoint colocataire la décision rendue par l’autorité judiciaire, laquelle n’a d’effet qu’entre les parties à la procédure. On ne peut concevoir deux loyers, l’un fixé judiciairement dans le cadre de l’instance et l’autre découlant des stipulations contractuelles liant l’autre colocataire; celui-ci doit également être assigné et mis en cause dans la procédure, ne serait-ce que pour respecter son droit d’être entendu.

Esposizione dei fatti

Par contrat du 21 août 2006, les époux, engagés conjointement et solidairement entre eux, ont loué un appartement de 6 pièces pour une durée d’une année à compter du 1er septembre 2006. Le loyer a été fixé à la somme mensuelle de fr. 2'700.-.
L’avis de fixation du loyer du 21 août 2006 relate que le loyer de l’ancien locataire s’élevait à la somme de fr. 2'600.- par mois. Il était motivé comme suit : "Le nouveau loyer se situe dans les limites du loyer usuel du quartier, conformément à l’art. 269a let.a CO, ISPC 112 points - taux hypothécaire 3.00%".
La date de prise d’effet du bail a été reportée au 16 octobre. Un mandataire, se déclarant chargé des intérêts des locataires, a contesté le loyer initial par demande envoyée à la Commission de conciliation le 10 novembre 2006. Le 2 juin 2007, l’épouse a écrit à ce mandataire qu’elle ne voulait pas être représentée dans le conflit qui ne concernait que son mari. N’ayant jamais habité dans l’appartement, elle ne voulait pas s’impliquer dans l’affaire.
La demande a été déclarée non conciliée à l’audience du 1er novembre 2007. Elle a été introduite devant le Tribunal des baux et loyers le 26 novembre 2007 par le même mandataire prétendant agir pour les époux locataires.
Par acte du 13 juillet 2009, le locataire a interjeté appel du jugement rendu le 26 mai 2009 par le Tribunal des baux et loyers, jugement déclarant irrecevable la requête en contestation du loyer initial formée par l’appelant le 10 novembre 2006.

Considerazioni

2.2 Le Tribunal a considéré que l’épouse du locataire n’a jamais donné son accord au dépôt de la requête en contestation du loyer initial, ni devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyer, ni devant le Tribunal des baux ; elle n’a ainsi pas ratifié les conclusions prises par son époux et s’est même opposée à de telles conclusions ; il a donc déclaré la requête irrecevable car elle n’émanait que d’un seul des deux colocataires.

2.3 L’appelant estime que les deux colocataires étaient représentés par un mandataire, l’ayant constitué le 9 novembre 2006 et ayant agi à cette occasion comme représentant de l’union conjugale.
 Il est établi que les époux vivaient séparés depuis le 16 octobre 2006, date à laquelle les mesures protectrices de l’union conjugale ont pris effet, selon la décision versée à la procédure.
 Dans ces conditions, l’appelant ne peut être suivi quand il prétend avoir agi en représentation de l’union conjugale dont au demeurant il n’est pas acquis que l’établissement d’une contestation judiciaire entre dans la définition de ladite représentation, dévolue aux besoins courants de la famille durant la vie commune (art. 166 al. 1 CC). Au-delà des besoins courants de la famille et toujours durant l’union, un époux ne représente l’union conjugale que :
1. lorsqu’il y a été autorisé par son conjoint ou par le juge;
2. lorsque l’affaire ne souffre aucun retard et que le conjoint est empêché par la maladie, l’absence ou d’autres causes semblables de donner son consentement (art. 166 al. 2 CC).
L’appelant ne peut prétendre qu’il se serait cru en droit d’agir comme il l’a fait en représentation de l’union conjugale puisque, comme dit ci-dessus, les époux vivaient séparés et qu’a défaut d’union conjugale, il n’y a point de représentation de cette dernière. L’appelant n’a donc pas agi au nom de son épouse et son argumentation ne peut être admise sur ce point.

2.4 Au demeurant, l’art. 166 al. 3 CC dispose que chaque époux s’oblige personnellement par ses actes et il oblige solidairement son conjoint en tant qu’il n’excède pas ses pouvoirs d’une manière reconnaissable pour les tiers. Cette disposition ne permettait pas au mandataire, professionnellement qualifié pour représenter une partie devant l’autorité judiciaire des baux et loyers, de penser que le locataire représentait son conjoint dont il était, au demeurant, séparé. La lettre que l’épouse du locataire a adressée à ce mandataire le 2 juin 2007, dont le mandataire a pris note à regret une dizaine de jours plus tard, ne permettait pas à ce dernier de saisir le Tribunal des baux et loyers au nom de l’épouse du locataire également. Cette grave entorse au principe de la représentation du mandataire en procédure civile confirme le bien-fondé de l’analyse des premiers juges qui ont, à juste titre, retenu que la requête en contestation du loyer initial n’émanait que de son épouse étant restée clairement hors de la procédure.

2.5 Encore faut-il examiner si du fait de son statut de colocataire solidaire, l’absence de celui-ci à la procédure rendait irrecevable la demande formulée par le seul époux.
La doctrine est divisée quant à savoir si les locataires doivent agir en commun pour contester le loyer, ce qu’admet LACHAT (Le bail à loyer, éd. 2008, p. 72) en se référant à une décision de la Cour de céans publiée au DB 1993, n° 31.
En matière de résiliation de bail, le Tribunal fédéral a statué qu’il n’y a pas consorité matérielle nécessaire pour un époux colocataire qui conteste individuellement la résiliation (ATF 118 II 168), en raison de l’art. 273a al. 1 CO qui permet au conjoint du locataire de contester également la résiliation, c’est-à-dire individuellement, lorsque la chose louée sert de logement à la famille, alors qu’il n’est pas lui-même signataire du bail.
En matière de contestation de hausse de loyer, les colocataires doivent décider entre eux, selon les règles qui régissent leur communauté, s’ils acceptent la hausse (unanimité ou majorité). Est controversée la question de savoir si un seul des colocataires peut valablement saisir la Commission de conciliation des baux et loyers d’une contestation de hausse de loyer ; en tout état, si une contestation individuelle doit être admise pour les mêmes motifs que ceux développés à propos de la contestation de la résiliation, le locataire contestant la hausse doit assigner tous les autres en leur qualité de consorts nécessaires (JACQEMOUD-ROSSARI, CdB n° 4/1999, p. 107).
Cependant, l’appelant voudrait se prévaloir de l’arrêt rendu par la Cour de céans en son audience du 3 septembre 2007 (ACJ/985/2007 en la cause C/29119/2005). Dans cette espèce, la Cour de céans, statuant en violation de la loi, a retenu que le Tribunal des baux et loyers n’avait pas commis violation en admettant la recevabilité d’une contestation de loyer émanant de la seule épouse, dans le cas où l’introduction de la cause avait été faite au Tribunal au nom des deux époux colocataires et que ces derniers avaient produit une procuration émanant du mari en faveur de son épouse de le représenter pour ce qui concernait le contrat de bail. Cette espèce n’est d’aucun secours à l’appelant puisqu’il est établi, contrairement au dire de celui-ci, que c’est en violation des règles de la représentation que le mandataire a établi la demande à destination du Tribunal des baux au nom de l’épouse, alors que l’appelant savait qu’elle était opposée à la contestation et n’entendait pas être mêlée à la procédure, à tout le moins, suite à la lettre que Z. a écrite le 7 juin 2007 au mandataire et à la réponse de celui-ci du 12 juin 2007. Le présent cas diffère de l’arrêt cité par l’appelant. Devant l’opposition de son épouse à contester le loyer initial, l’appelant aurait dû l’assigner en sa qualité de consort nécessaire, selon la doctrine susmentionnée (JAQUEMOUD-ROSSARI, CdB n° 4/1999, p. 107). Cette exigence est en effet opportune pour opposer au conjoint colocataire la décision rendue par l’autorité judiciaire, laquelle n’a d’effet qu’entre les parties à la procédure ; on ne peut concevoir deux loyers, l’un fixé judiciairement dans le cadre de l’instance et l’autre découlant des stipulations contractuelles liant l’autre colocataire ; celui-ci doit également être assigné et mis en cause dans la procédure, ne serait-ce que pour respecter son droit d’être entendu.

Decisione

50/8 - Contestation de loyer initial par des époux

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