Congé ordinaire et congé extraordinaire

base giuridica

Nome del giudice

Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers

Data

24.04.2017

Sommario

La résiliation intervenue pour l’échéance contractuelle du bail doit être considérée comme une résiliation ordinaire (art. 266a CO) et non une résiliation extraordinaire (art. 257f CO), même si elle intervient dix jours après une mise en demeure. En effet, tant dans la mise en demeure que dans l’avis de résiliation il n’a pas été fait mention de l’art. 257f CO et le fait qu’il ait été demandé à la locataire de cesser « immédiatement » ses agissements n’est pas suffisant à considérer que la mise en demeure s’inscrivait dans le cadre de la disposition précitée.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées depuis le 26 mars 2002 par deux contrats de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de 4 pièces au 2ème étage d’un immeuble sis au Petit-Lancy, ainsi que d’un box. Ils étaient conclus du 16 avril 2002 au 31 octobre 2002, renouvelables de mois en mois, sauf résiliation moyennant un préavis de trois mois.
Par courrier du 11 mai 2016, la régie, faisant suite à de nombreuses plaintes de locataires concernant des cris et des bruits émanant de l’appartement de la locataire, a rappelé à celle-ci l’art. 43 b des règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève, selon lequel il est interdit d’incommoder les voisins d’une manière quelconque. Elle l’a en conséquence mise en demeure de cesser immédiatement ses agissements, à défaut de quoi elle se verrait contrainte « de prendre les mesures qui s’imposent ». Une locataire a également fait intervenir la gendarmerie pour des nuisances importantes (cris, injures, déplacement de meubles), qui a dressé un constat.
Par avis officiels du 20 mai 2016, la bailleresse a résilié les baux pour le 31 août 2016. La bailleresse soutient qu’il s’agit de congés ordinaires, notifiés trois mois à l’avance pour la fin d’un mois, s’estimant en droit de notifier une mise en demeure aux locataires pour leur laisser la chance de rectifier leur comportement. Les locataires affirment qu’il s’agit de congés extraordinaires au sens de l’art. 257f CO, puisqu’il y eu mise en demeure.
Par requête du 29 juin 2016, déclarée non conciliée le 15 septembre 2016 et portée devant le Tribunal des baux et loyers le 28 septembre 2016, les locataires ont conclu à l’inefficacité des congés, subsidiairement à leur annulation, et plus subsidiairement encore à une prolongation de bail de quatre ans.
Par jugement du 13 décembre 2016, le Tribunal des baux et loyers a déclaré irrecevable la requête en contestation de congé des locataires. Les locataires ont formé appel de ce jugement en temps utile.

Considerazioni

2.1.1 Le droit du bail distingue le congé ordinaire des congés extraordinaires.
Le congé ordinaire est celui prévu par l’art. 266a CO, aux termes duquel, lorsque le bail est de durée indéterminée, une partie peut le résilier en observant les délais de congé et les termes légaux, sauf si un délai plus long ou un autre terme ont été convenus (al. 1). Sa validité dépend en principe – outre les conditions de forme – de la simple observation du délai et du terme de résiliation convenus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_464/2014 du 21 novembre 2014, consid. 4).
Le congé extraordinaire est celui qui est donné de manière anticipée, en particulier en application de l’art. 257f al. 3 CO, qui permet au bailleur de résilier de façon anticipée, moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d’un mois, le bail portant sur un logement ou un local commercial, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour lui ou pour les voisins et que le locataire persiste, en dépit d’une protestation écrite, à enfreindre son devoir de diligence ou manque d’égards envers ses voisins.
Le congé ordinaire peut se fonder sur des motifs qui pourraient justifier un congé extraordinaire, par exemple la violation de la diligence et des égards envers les voisins au sens de l’art 257f al. 3 CO (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_351/2015 du 5 août 2015 consid. 3.2).

2.1.2 La question de savoir si l’on se trouve en présence d’un congé ordinaire ou extraordinaire s’examine à la lumière du principe de la confiance (arrêt du Tribunal fédéral 4A_196/2016 du 24 octobre 2016 consid. 3.1.2 ; ATF 135 III 441 consid. 3.3). Cette interprétation objective conduit le juge à dégager le sens que le destinataire d’une déclaration peut et doit lui attribuer selon les règles de la bonne foi, d’après le texte et le contexte, ainsi que les circonstances qui l’ont précédé ou accompagné (arrêt de la Cour de justice ACJC/247/2009 du 9 mars 2009 et références citées).

2.1.3 Dans un arrêt isolé 4A_464/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4, critiqué par la doctrine et cité par les premiers juges, le Tribunal fédéral a retenu qu’un congé ordinaire était moins favorable à la locataire qu’un congé extraordinaire, dans la mesure où il ne permettait pas à celle-ci de rétablir une situation conforme au droit après mise en demeure. Dès lors, le congé ordinaire dénotait d’une disproportion grossière des intérêts en présence et d’un usage inutilement rigoureux du droit à la résiliation du bailleur.

2.2 Dans le cas d’espèce, les résiliations ont été notifiées pour l’échéance contractuelle des deux baux. Il n’est aucunement fait mention de l’art. 257f CO, ni de la mise en demeure du 11 mai 2016 sur les avis de résiliations. Cette mise en demeure ne fait pas non plus référence à l’art. 257f CO, étant uniquement indiqué que « les mesures qui s’imposent » seraient prises en cas de persistance. Les appelants, qui ne prétendent pas avoir de connaissances juridiques particulières, ne peuvent, de bonne foi, soutenir qu’ils ont compris la citation in extenso dans ce courrier de l’art. 43b des règles et usages locatifs relatif aux égards que se doivent les voisins comme une référence implicite à l’art. 257f CO, soit une mise en demeure sous menace de résiliation immédiate. Le fait qu’il était demandé à l’appelante de cesser « immédiatement » ses agissements n’est pas non plus suffisant à considérer que la mise en demeure s’inscrivait dans le cadre de la disposition précitée.
Il est vrai que la résiliation est intervenue seulement dix jours après la mise en demeure. Cependant l’échéance du congé y est clairement indiquée, soit le 31 août 2016. Les appelants ne pouvaient ainsi de bonne foi considérer qu’il s’agissait d’une résiliation immédiate, fondée sur l’art. 257f CO.
Au vu de ce qui précède, c’est justement que les premiers juges ont retenu que les appelants ne pouvaient comprendre le congé donné que comme un congé ordinaire.
Les courriers et autres attestations postérieures à la résiliation ne permettent pas de parvenir à une autre conclusion. Tout au plus, démontrent-ils qu’une mise en demeure sous menace de résiliation aurait été vaine, et qu’ainsi la voie du congé ordinaire s’avère moins rigoureuse que celle du congé extraordinaire, dont les conditions auraient été réalisées, et qui aurait contraint les locataires à libérer l’appartement dans un délai de trente jours sans possibilité de prolongation. Comme le soutient en outre l’intimée, la mise en demeure du 11 mai 2016 permettait à l’appelante de modifier son comportement pour éviter une résiliation ordinaire. La présente espèce se distingue en cela du cas très particulier de l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_464/2014 cité ci-dessus.
Il n’est plus contesté que ce congé n’a pas fait l’objet d’une contestation dans le délai de trente jours de l’art. 273 al. 1 CO.
Au vu des considérations qui précèdent, le jugement querellé sera confirmé.


Decisione

59/6 - Congé ordinaire et congé extraordinaire

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