Congé annulable

base giuridica

Nome del giudice

Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers

Data

15.10.2018

Sommario

La résiliation du bail est valable, les locataires ne s’étant pas pliés aux injonctions de la bailleresse de respecter l’article 9 RPUS, règlement reconnu d’intérêt public, fixant les règles concernant les activités accessibles au public en rez-de-chaussée de certains bâtiments. Les allégations des locataires selon lesquelles l’arcade serait ouverte au public dans la mesure où ils reçoivent sur rendez-vous et que leurs coordonnées sont indiquées sur les portes des locaux, voire qu’ils sont atteignables 24 h sur 24 ne sont pas recevables.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées depuis le 1er juillet 2011 par un contrat de bail à loyer portant sur la location d’une arcade située au rez-de-chaussée d’un immeuble sis à la rue des Grottes à Genève. Les locaux étaient destinés à l’usage de bureau de télévision d’information locale.
Le 12 janvier 2016, la bailleresse a relevé que les vitrines de l’arcade étaient en très mauvais état. Elle a rappelé aux locataires que l’arcade devait être destinée à une activité accessible au public, étant située dans les secteurs 1 à 3 soumis à l’art. 9 du Règlement relatif aux plans d’utilisation du sol de la Ville de Genève (RPUS). Par pli recommandé du 20 octobre 2016, la bailleresse a constaté que les vitrines étaient toujours borgnes et mis en demeure les locataires d’y remédier d’ici au 4 novembre, faute de quoi leur bail serait résilié.
Par courrier du 27 février 2017, les locataires ont informé la bailleresse que leur arcade serait visible de l’extérieur à partir du 10 mars 2017. Un ultime délai à fin avril 2017 a été octroyé aux locataires.
Le 24 avril 2017, les locataires ont contesté le fait que leur arcade devait être accessible au public, celle-ci correspondant aux deux exceptions prévues par le RPUS, à savoir des locaux où les visiteurs étaient tenus à une certaine confidentialité.
Le 4 mai 2017, la bailleresse a résilié le bail pour le
30 juin 2018. Le congé a été contesté en temps utile devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Non conciliée, la cause a été portée devant le Tribunal des baux et loyers le 23 octobre 2017.
Par jugement du 6 février 2018, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé litigieux. Les locataires ont formé appel de ce jugement en temps utile.

Considerazioni

3. Pour justifier l’annulation de la résiliation du bail du 4 mai 2017, les appelants soutiennent que pendant cinq ans, ils n’ont reçu aucune demande de l’intimée en vue de rendre accessible au public leur arcade, de sorte que cela signifie tacitement que leur statut de « locaux fermés » avait été accepté par celle-ci. De plus, chacune des demandes de l’intimée était différente, de sorte qu’elles n’étaient pas claires.

Selon les appelants, leur activité est confidentielle, de sorte qu’il ne leur est pas possible d’être ouverts au public, à l’instar des autres ______ à Genève. Les locaux comportant une pièce, ils fonctionnent sur rendez-vous, étant précisé que leurs coordonnées sont indiquées sur les portes des locaux.
Enfin, les appelants font grief aux premiers juges d’avoir violé le principe de l’égalité de traitement. Ils ont relevé, dans la rue 1______, neuf arcades sur moins de 400 mètres qui ne correspondent pas aux critères du E______ et deux arcades borgnes et non ouvertes au public qui ont été inaugurées durant les trois dernières années par le Conseil administratif.

3.1 Lorsque le bail est de durée indéterminée, chaque partie est en principe libre de résilier le contrat pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu. Le bail est en effet un contrat qui n’oblige les parties que jusqu’à l’expiration de la période convenue ; au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant. La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l’existence d’un motif de résiliation particulier et ce même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1 ; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62).
En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment dans le but d’adapter la manière d’exploiter son bien selon ce qu’il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation ou de rénovation (ATF 142 III 91 consid. 3.2.2 et 3.2.3 ; 140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (arrêts du Tribunal fédéral 4A_293/2016 du
13 décembre 2016 consid. 5.2.1 et 5.2.3 ; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3 ; ATF 120 II 105 consid. 3b/bb), ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou en faveur de ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5 ; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).
La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu’il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 et 271a CO).
La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC).
Les cas typiques d’abus de droit, à savoir l’absence d’intérêt à l’exercice d’un droit, l’utilisation d’une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l’exercice d’un droit sans ménagement et l’attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l’art. 271 al. 1 CO. Il n’est toutefois pas nécessaire que l’attitude de la partie donnant congé à l’autre constitue un abus de droit « manifeste » au sens de l’art. 2 al. 2 CC. Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu’il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection. Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu’il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu’un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).
Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n’est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire ou que l’intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu’il prenne fin. Pour statuer sur la validité d’un congé, il faut examiner l’intérêt qu’a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l’intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux ; cette pesée des intérêts n’intervient que dans l’examen de la prolongation du bail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).
Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi, il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

3.2 A teneur de l’art. 9 du Règlement relatif aux plans d’utilisation du sol de [la commune] C______ (E______), afin de développer l’animation et l’attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l’implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu’elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public (al. 1.1).
Cette règle ne s’applique pas lorsqu’une construction nouvelle ne se situe pas en continuité avec des bâtiments dont les rez-de-chaussée sont affectés à des locaux ouverts au public (art. 9 al. 1.2 E______).
Par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l’artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l’exclusion des locaux fermés au public (art. 9 al. 2.1 E______).
Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l’entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d’avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc. (art. 9 al. 2.2 E______).

3.3 Le but de l’art. 9 E______ est l’interdiction d’affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les « vitrines mortes » dans les zones fréquentées et animées, ce qui constitue manifestement un but d’intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 8.1 ; ATA/830/2004 du 26 octobre 2004).
Par jugement du 29 mai 2015 (JTAPI/642/2015), le Tribunal administratif de première instance, qui avait à examiner si une agence immobilière présentait les caractéristiques d’une arcade ouverte au public, a retenu que l’absence d’indication en vitrine concernant l’offre commerciale, le fait que l’intérieur de l’arcade soit dissimulé aux yeux des passants, ou qu’un conseil ne soit offert que sur rendez-vous, étaient, entre autres, des critères permettant de considérer que l’activité d’une agence immobilière se tenait dans des conditions de confidentialité contraires aux buts de l’art. 9 E.
Cela étant, la réaffectation de locaux commerciaux sis au rez-de-chaussée d’un bâtiment à une activité administrative dans des bureaux fermés au public a été admise lorsque ceux-ci se trouvaient dans un périmètre où il n’y avait pratiquement pas d’activité ni d’animation piétonne. Ainsi, dans un cas concernant la transformation d’arcades, originairement destinées à une affectation commerciale accessible au public, en des salons privés à un usage personnel et familial, le propriétaire a été autorisé à les garder fermées au public. Cette approche était justifiée au regard du principe de l’égalité de traitement, compte tenu de la présence de deux banques en rez-de-chaussée dans le même périmètre, et de l’inaction des autorités pour faire respecter le PUS et le [règlement] E______ (ATA/282/2006 du 23 mai 2006 et les références citées).

3.4 En l’espèce, les premiers juges ont retenu à raison que la résiliation de bail était valable, du fait qu’en ne se pliant pas aux injonctions de l’intimée, les appelants avaient violé l’art. 9 E______, règlement reconnu d’intérêt public.

A l’instar du Tribunal, la Cour retient que les appelants ne contestent pas que les vitrines des locaux litigieux étaient borgnes au moment de la résiliation du bail, des rideaux ayant été installés et laissés malgré les demandes claires et répétées de l’intimée de les enlever pour se conformer au E______, lequel oblige de rendre l’arcade accessible au public. Ils admettent également que les locaux en question doivent être considérés comme un lieu fermé au public.
En effet, à teneur de la jurisprudence, le fait que l’intérieur de l’arcade soit dissimulé aux yeux des passants ou qu’un conseil ne soit offert que sur rendez-vous sont, entre autres, des critères permettant de considérer que l’activité exercée par les locataires est contraire aux buts de l’art. 9 E______. Les allégations des appelants selon lesquelles l’arcade serait ouverte au public dans la mesure où ils reçoivent sur rendez-vous et que leurs coordonnées sont indiquées sur les portes des locaux, voire qu’ils sont atteignables 24h sur 24 comme indiqué devant le Tribunal, n’y changent rien.
En louant cette arcade dans un but d’usage de ______, la bailleresse estimait qu’il s’agissait d’une activité accessible au public, faute de quoi elle n’aurait pas pu la louer aux locataires. Les appelants ont échoué à établir que l’intimée aurait accepté tacitement leur statut de « locaux fermés », contrairement à ce que prévoit le E______. Une telle affectation aurait été contraire au droit, les locaux litigieux ne bénéficiant d’aucune dérogation en la matière.
S’agissant d’une éventuelle violation du principe de l’égalité de traitement, les appelants ont échoué à prouver que neuf arcades sur moins de 400 mètres ne correspondent pas aux critères du E______ et que deux arcades sont borgnes et non ouvertes au public, comme ils l’allèguent. Les photographies d’arcades qu’ils ont produites devant le Tribunal n’indiquent notamment pas les lieux et le moment (heure, jour) où elles ont été prises, ne permettant pas de déterminer si ces arcades respectent ou non le E__, comme expressément indiqué dans le jugement querellé. Le grief des appelants faisant valoir la violation du principe de l’égalité de traitement sera donc rejeté.

Decisione

60/6 - Congé annulable

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