Congé annulable
base giuridica
Nome del giudice
Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève
Data
07.12.2009
Sommario
Il n'est en aucun cas question d'accorder une protection particulière à un bailleur qui acquière un bien sachant qu'il est habité par une famille et qui, très peu de temps après, notifie un congé au locataire en manifestant son intention de revendre ce logement à un prix majoré de 69%, libre de tout occupant. Dans un tel cas en effet, ce bailleur n'a acquis le bien en question et ne fait son droit à la notification du congé qu'à titre purement spéculatif.
Esposizione dei fatti
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer du 11 mars 2002
portant sur un appartement de 5,5 pièces. En date du 1er novembre 2006,
l'appartement a changé de propriétaire, lors d'une vente aux enchères à
l'Office des poursuites.
Par avis officiels et courriers
d'accompagnement, adressés séparément et par plis recommandés aux
locataires, le 18 décembre 2006, la nouvelle propriétaire a déclaré
vouloir mettre un terme au contrat pour le 31 mars 2008 ou toute
échéance valable utile. Aucun motif de congé n'est indiqué dans les avis
de résiliation, ni dans les courriers d'accompagnement.
Les
locataires ont contesté le congé le 22 décembre 2006 auprès de la
Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Suite à l'échec
des tentatives de conciliation, une audience de décision eut lieu le 11
avril 2008, à l'issue de laquelle la Commission de conciliation en
matière de baux et loyers rendit une décision par laquelle elle annula
le congé.
Par courrier du 16 avril 2007, la régie porta à la
connaissance des locataires que la propriétaire avait mis en vente
l'appartement qu'ils occupaient, leur proposant de se porter acquéreurs,
s'ils le souhaitaient. Le propriétaire a précisé que le prix ne pouvait
pas se négocier en-dessous de fr. 410'000.–. Le mandataire des
locataires a refusé cette offre, faute de moyens, et précisant que cet
appartement avait été estimé par l'Office des faillites à fr. 310'000.–.
Par
requête valant recours contre la décision rendue par la Commission de
conciliation en matière de baux et loyers, la bailleresse a ouvert
action devant le Tribunal des baux et loyers demandant à ce qu'il soit
constaté que le congé notifié le 18 décembre 2006 soit valable.
Par
jugement du 20 janvier 2009, le Tribunal des baux et loyers a annulé le
congé notifié le 18 décembre aux locataires. La bailleresse a interjeté
appel de ce jugement.
Considerazioni
2.2 Conformément à l'art. 271 al. 1 CO, un congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi.
Selon\n la jurisprudence, la protection accordée par l'art. 271 al. 1 CO \nprocède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de \nl'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), tant il est vrai \nqu'une distinction rigoureuse ne se justifie pas en cette matière (cf. \nATF 120 II p. 32 consid. 4a, 105 consid. 3, p. 108). Le congé doit être \nconsidéré comme abusif s'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux \net digne de protection (arrêt 4C_65/2003 du 23 septembre 2003, consid. \n4.2.1; arrêt 4C_267/2002 du 18 novembre 2002, consid. 2.2, reproduit in \nSJ 2003 I, p. 261 et ss).
Toute résiliation qui ne repose sur aucun \nintérêt digne de protection, qui consacre une attitude déloyale, qui \nrésulte d'une disproportion manifeste entre les intérêts en présence ou \ndont le motif est manifestement un prétexte, tombe sous le coup de \nl'art. 271 al. 1 CO (LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne 2008, N° 4.3, p. \n733)
Le but poursuivi par la réglementation des art. 271 et 271a CO \nest uniquement de protéger les locataires contre des résiliations \nabusives et n'exclut en outre pas un congé même si l'intérêt du \nlocataire au maintien du bail paraît plus important que celui du \nbailleur à ce qu'il prenne fin. Seule une disproportion manifeste des \nintérêts en jeu, due au défaut d'intérêt digne de protection du \nbailleur, peut rendre une résiliation abusive (arrêt du Tribunal fédéral\n 4A_322/2007 du 12 novembre 2007, consid. 6).
La partie qui demande \nl'annulation du congé doit rapporter la preuve des faits lui permettant \nde soutenir qu'il est contraire à la bonne foi (LACHAT, op. cit., N° \n4.8, p. 738). La partie qui demande l'annulation du congé doit rendre à \ntout le moins vraisemblable la mauvaise foi de la partie adverse. Il \nn'appartient en effet pas au bailleur de démontrer sa bonne foi car cela\n reviendrait à renverser le fardeau de la preuve (ACJ N° 334 du 18 mars \n2002, cause M c/ R.) et ne serait pas compatible avec la règle de l'art.\n 3 al. 1 CC.
Le caractère abusif ou non de la résiliation doit \ns'apprécier au moment où l'auteur du congé manifeste sa volonté de \nmettre un terme au contrat (arrêt 4C.333/1997 du 8 mai 1998, consid. 3b,\n reproduit in CdB 1998, p. 104 et ss; LACHAT, Commentaire romand, N° 12 \nad art. 271 CO; HIGI, Commentaire zürichois, N°153 ad art. 271 CO).
2.3 C'est\n à l'aune des principes rappelés ci-dessus par la doctrine et à la \njurisprudence qu'il convient d'examiner la possibilité pour le bailleur \nde faire valoir son intention de vendre pour justifier un congé. On ne \nsaurait en effet partir du principe qu'ayant validé l'intention de \nvendre en tant que motivation d'un congé, le Tribunal fédéral puisse \nconsidérer protéger de manière générale un bailleur qui a cette \nintention, dans toutes les circonstances.
D'ailleurs, la \njurisprudence du Tribunal fédéral citée par la bailleresse ne correspond\n pas, au niveau des faits, au cas d'espèce.
Le Tribunal fédéral a en \neffet validé un congé donné par un bailleur qui avait l'intention de \nvendre son bien libre de tout occupant, dans la mesure où ce dernier \nfaisait valoir un intérêt digne de protection à une telle vente. Le \nbailleur s'était d'ailleurs réservé cette possibilité de vendre, de \nmanière expresse dans le contrat.
Il en est ainsi d'un bailleur qui a\n disposé d'un bien durant de nombreuses années, voire qui l'a hérité, \nqui peut avoir des nécessités financières de faire un bénéfice en \nvendant libre de tout occupant en comparaison avec le produit de la \nvente de son bien occupé.
Il n'est en aucun cas question d'accorder \nune protection particulière à un bailleur qui acquière un bien sachant \nqu'il est habité par une famille et qui, très peu de temps après, \nnotifie un congé au locataire en manifestant son intention de revendre \nce logement à un pris majoré de 69%, libre de tout occupant. Dans un tel\n cas en effet, ce bailleur n'a acquis le bien en question et ne fait \nvaloir son droit à la notification du congé qu'à titre purement \nspéculatif.
Un tel comportement ne saurait être protégé par la loi.
Or, dans le cas d'espèce, on se trouve typiquement dans une telle situation.
En effet, X. a acquis le bien litigieux au pris de 345'000 fr., lors d'une vente aux enchères du 1er novembre 2006.
Elle n'a pas demandé la double mise à prix lors de cette vente, ne pouvant pourtant pas ignorer que l'appartement était loué.
Par\n avis officiels et courriers d'accompagnement, adressés aux locataires \nle 18 décembre 2006, elle a manifesté son intention de résilier le \ncontrat de bail pour la plus prochaine échéance, à savoir le 31 mars \n2008.
Les locataires ont contesté le congé par formulaire déposé au \ngreffe de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le \n22 décembre 2006, complété par la suite par requête du 12 janvier 2007.
La\n bailleresse a mis en vente l'appartement au prix de 585'000 fr. et ce, à\n compter du mois de février 2007 en indiquant qu'il serait vacant dès le\n 1er avril 2008. Par la suite, elle a mis en vente le même objet pour un\n prix de 490'000 fr., avec reprise du bail en cours.
X. a confirmé en\n audience de comparution personnelle des parties que son intention était\n de vendre rapidement le bien litigieux et qu'elle avait elle-même \nmanifesté l'intention de le vendre avec reprise du bail en cours, même à\n un prix inférieur, auprès de la régie, de manière spontanée.
X. n'a \nfourni aucune motivation quant à la justification du prix de vente de \n585'000 fr., pas plus que de celui de 490'000 fr., étant souligné que \nces deux prix de vente lui auraient fait réaliser respectivement un \nbénéfice de 240'000 fr. et de 150'000 fr ou de 69% et 42%.
Il n'est \nen outre pas contesté que des appartements identiques à l'objet \nlitigieux, situés au 1er étage et au 3ème étage, aient été vendus, \nlibres de tout occupant, respectivement au prix de 495'000 fr. et de \n535'000 fr. Il n'a pas été contesté non plus qu'un appartement identique\n au 7ème étage ait été vendu, au locataire en place, au prix de 370'000 \nfr.
Un autre appartement identique, situé au 4ème étage de \nl'immeuble, a été proposé à la vente dans un premier temps pour un prix \nde 590'000 fr., puis finalement, pour un montant de 400'000 fr., avec \nreprise du bail en cours.
Au vu de ce qui précède, il ne fait pas de \ndoute que la bailleresse aurait pu vendre son bien, avec reprise du bail\n en cours, en réalisant encore un important bénéfice en comparaison du \nprix payé peu de temps auparavant, lors de l'acquisition.
Elle ne l'a d'ailleurs pas contesté.
Pas\n plus qu'elle n'a fait valoir un quelconque motif permettant de tenir \ncompte d'un intérêt prépondérant de sa part de réaliser un bénéfice \nfinancier plus important en vendant l'appartement libre de tout occupant\n en comparaison avec celui des locataires de continuer à occuper l'objet\n litigieux, avec leurs enfants.
Dans le cas d'espèce, force est par \nconséquent de constater que la résiliation notifiée le 18 décembre 2006 \nconsacre une disproportion manifeste des intérêts en présence, due au \ndéfaut d'intérêt digne de protection de la bailleresse, de telle sorte \nqu'elle doit être considérée comme abusive.