Bonus à la rénovation

base giuridica

Nome del giudice

Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève

Data

15.06.2009

Sommario

L’éventuel bonus à la rénovation réduit d’autant le montant des investissements qui entrent dans le calcul des loyers après travaux. Certes, le contrôle des loyers par les pouvoirs publics en cas de travaux de transformation et de rénovation n’est-il pas subordonné dans la LDTR à l’octroi d’un éventuel bonus à la rénovation. Il n’en reste pas moins qu’un tel bonus constitue clairement une mesure d’encouragement des pouvoirs publics et, lorsqu’il est accordé, se trouve couplé à un contrôle des loyers. Dans cette mesure, on doit retenir que les conditions cumulatives de l’art. 253b al. 3 CO sont réunies.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de trois pièces. Le loyer a été fixé à fr. 750.- par mois, charges non comprises dès le ler avril 1993.
Le 10 décembre 2003, la propriétaire a informé les locataires de sa décision de rénover l’immeuble. A l’appui de la demande d’autorisation de construire, la propriétaire a produit un plan financier et un tableau établi par la régie récapitulant les loyers de l’immeuble au 1er janvier 2004, leur réadaptation en fonction des paramètres de l’art. 269a CO et les loyers futurs, consécutifs aux travaux. La propriétaire a présenté une demande de subvention.
Le 12 février 2004, le Conseiller d’Etat en charge du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement a informé la propriétaire qu’une subvention, au titre de bonus conjoncturel à la rénovation de
fr. 107'000.- lui était allouée pour la rénovation de l’immeuble. L’octroi de la subvention était soumis à la condition que les loyers des vingt appartements, n’excéderaient pas, après travaux, ceux annoncés dans le tableau intitulé nouveaux loyers, les loyers devaient être appliqués pour une durée de trois ans à dater de la fin des travaux.
Par avis officiel du 9 décembre 2005, la propriétaire a notifié au locataire une augmentation de loyer de fr. 204.-, soit fr. 17.- par mois, dès le ler avril 2006. Le 23 décembre 2005, le locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d’une requête en opposition à la hausse et en baisse de loyer. Le locataire a déposé la demande de baisse auprès du Tribunal des baux et loyers le 21 septembre 2006. La propriétaire a agi, pour sa part, le 13 octobre, en validation de la hausse de loyer.
Par jugement du 30 mai 2008, le Tribunal des baux et loyers a donné suite à la demande de baisse de loyer. Par acte du 19 août 2008, la propriétaire appelle de ce jugement.

Considerazioni

2. Selon l’appelante le Tribunal n’avait pas à entrer en matière sur la demande de réduction d’un loyer, dont la quotité maximum avait été fixée par l’autorité administrative durant une période de trois ans.
Aux termes de l’art 253b al. 3 CO, les dispositions relatives à la contestation des loyers abusifs ne s’appliquent pas aux locaux d’habitation en faveur desquels des mesures d’encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d’une autorité. Cette disposition vise à empêcher un double contrôle des loyers et à eviter des décisions contradictoires (ATF 134 III 159 consid. 5.2.5 p. 165 ; 124 III 463 consid. 4b/dd p. 466). D’après la jurisprudence, les deux conditions sont cumulatives (TF, SJ 1997 p. 495 consid. 3a ; arrêt 4C.12/1998 du 27 octobre 1998, consid. 3c ; sous l’ancien droit, ATF 116 II 184 consid. 1 p. 186; cf. également ATF 129 III 272 consid. 2.2 p. 274, non traduit in SJ 2003 I 369; 124 III cité consid. 4a p. 565). Cette position est approuvée très largement en doctrine (TF, 4C.73/2004 du 1er juin 2004 consid. 2.1 et les références ; entre autres, WEBER, Commentaire bâlois, 3ème éd., no 9 ad art. 253a/253b CO).
2.1 Selon le Tribunal féderal, un loyer qui fait l’objet d’un contrôle prévu par la loi genevoise du 25 janvier 1996 sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation [RS L 5 20] est un loyer soumis à un contrôle étatique au sens de l’art 253b al. 3 CO (SJ 1997 cité, consid. 3b/aa p. 495 ; pour la loi générale du 4 décembre 1977 sur le logement et la protection des locataires [RS I 4 05], ACJC/484/2006 du 8 mai 2006). La doctrine va dans le même sens (SIEGRIST, Les loyers et les frais accessoires des logements subventionnés, 10ème séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1998, p. 14).
Reste à déterminer si le bonus conjoncturel à la rénovation constitue une mesure d’encouragement de la collectivité, condition cumulative de l’art. 253d al. 3 CO.
Le Tribunal a nié que tel soit le cas. En cela, il a rejoint le point de vue de LACHAT (Le bail à loyer, 2008, n. 4.4.2.8 p. 120 note 66) pour lequel le bonus à la rénovation de la LDTR ne constitue pas une subvention liée au contrôle des loyers, qui intervient de manière indépendante de toute subvention.
Selon la jurisprudence, il y a mesure d’encouragement lorsque l’immeuble bénéficie d’une aide de la collectivité (SJ 1997 cité). Il peut s’agir de paiements directs, de cautionnements, d’exonérations fiscales, de prêts sans intérêts ou à taux avantageux, ou d’autres prestations ayant le caractère de subventions, que les logements soient neufs ou rénovés (CONOD, L’art. 253b al. 3 CO et la protection des locataires contre les loyers abusifs dans les logements subventionnés, CdB 1998 p. 33 ss, not. p. 38 no 4.1, qui cite BARBEY, Pratique en matière d’AMSL, Séminaire sur le bail à loyer, Neuchâtel 1988, p. 3 ; HIGI, Commentaire zurichois, note 84 ad art. 253 et 253b CO). LACHAT précise encore qu’il peut s’agir également de mise à disposition de terrains (droit de superficie avantageux), de prêts sans intérêts ou à des taux privilégiés, voire de déclassement de zones (eod. loc., p. 120 ; cf. ACJC 459/2001 du 23 avril 2001, consid. 2a, relatif à la loi générale du 29 juin 1957 sur les zones de développement [LGDZ ; RS L 1 35]).

2.2 A Genève, la LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants (art. 1 al 1). A cet effet, tout en assurant la protection des locataires et des propiétaires d’appartements, elle prévoit notamment l’encouragement à des travaux d’entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés des maisons d’habitation (al. 2 let. b).
En cas de rénovation d’un immeuble, comprise comme la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, qui est assimilée par la loi à une transformation de l’immeuble (art. 3 let. d LDTR), le département fixe, comme condition de l’autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux (art. 10 al. 1 LDTR). Il prend en considération l’ensemble des travaux à effectuer, sous déduction des subventions éventuellement octroyées, en tenant compte (art. 11 al. 1 let. a à c LDTR) :
• du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle générale, sur les 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5% point au-dessus de l’intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par le Banque cantonale de Genève ; le taux de rendement est fonction de l’incidence dégressive des amortissements ;
• de l’amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en règle générale dans une fourchette de dix-huit à vingt ans, soit de 5,55% à 5% ;
• des frais d’entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération ;
• des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 ss CO.
Pendant la période du contrôle (de trois ans pour les immeubles transformés ou rénovés – art. 12 LDTR), les loyers fixés ne peuvent pas être dépassés. Toutefois, lorsque l’évolution des critères de fixation des loyers au sens des art. 269 ss CO le justifie, une demande de modification des loyers peut être présentée au département, qui statue alors selon les art. 269 ss CO. Dans ce cas, toute hausse de loyer admise par le département reste soumise aux dispositions du droit fédéral sur le bail à loyer (art. 14 LDTR).
L’Etat encourage parallèlement l’entretien régulier des immeubles d’habitation et les rénovations (art. 15 LDTR), notamment par des subventions à fonds perdus (subventions au propriétaire au sens de l’art. 16 ou subvention personnalisée au locataire pour les immeubles d’habitation mixte selon l’art. 30A LGL) ou des bonus à la rénovation (16 à 24 LDTR).
Les buts des bonus à la rénovation sont entre autres d’inciter les propriétaires à réaliser les travaux d’entretien et de rénovation raisonnables et proportionnés de leurs immeubles et des logements, de maintenir et de développer un parc de logement dont le confort et les loyers répondent aux besoins prépondérants de la population, de contribuer à la sauvegarde d’un patrimoine architectural de qualité à Genève (art. 16 let. a, b et c LDTR). Des subventions sont accordées à ces fins aux propriétaires des immeubles d’habitation (art. 18 LDTR).
Les bonus à la rénovation alloués aux propriétaires doivent viser principalement à permettre la rénovation d’immeubles vétustes et bon marché en maintenant, après travaux, des loyers se situant largement en dessous de ceux correspondant aux besoins prépondérants de la population, ainsi que la réalisation de travaux de rénovation dans des immeubles où les loyers après travaux dépasseraient dans des proportions raisonnables les besoins prépondérants de la population (art. 21 let. a et b LDTR).

2.3 L’autorité administrative, lorsqu’elle applique la LDTR, fixe ainsi des loyers maximaux en tenant compte, en plus des facteurs relatifs prévus par le code des obligations, du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, cas échéant après déduction des subventions, et de l’amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations. L’éventuel bonus à la rénovation réduit en conséquence d’autant le montant des investissements qui entrent dans le calcul des loyers après travaux, conformément au but légal de mettre à disposition des logements correspondant aux besoins prépondérants de la population (art. 21 LTDR).
Certes, le contrôle des loyers par les pouvoirs publics en cas de travaux de transformation et de rénovation n’est-t-il pas subordonné dans la LDTR à l’octroi d’un éventuel bonus à la rénovation. Il n’en reste pas moins qu’un tel bonus constitue clairement une mesure d’encouragement des pouvoirs publics et, lorsqu’il est accordé, se trouve couplé à un contrôle des loyers.
Dans cette mesure, on doit retenir que les conditions cumulatives de l’art. 253b al. 3 CO sont réunies.
L’intimé met en évidence que la LDTR n’a pas réservé la voie de la réclamation au locataire sur le modèle de l’art. 44 LGL. Cet élément n’est toutefois pas déterminant sous l’angle de la primauté du droit fédéral et ne saurait entraver l’application de la norme de compétence instituée par l’art. 253b al. 3 CO (ATF 124 III 463 consid. b/dd p. 467).
L’art. 253b al. 3 CO ferme ainsi la procédure prévue dans le droit des obligations (ATF 124 III 463 consid. 4b/dd p. 466). Les dispositions du droit du bail relatives à la contestation des loyers abusifs ne s’appliquent donc pas à la hausse/baisse litigieuse, ce qui doit être constaté, avec la conséquence que la juridiction des baux et loyers est incompétente pour statuer sur la demande de baisse de loyer.
Dans cette mesure, le Tribunal des baux et loyers a violé la loi, ce qui conduit à l’annulation du jugement déféré.
 
L’affaire est transmise d’office (art. 448 LPC) au Département des constructions et technologies de l’information, Office des autorisations de construire (art. 11 al. 3 et 17 al. 5 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [RS 5 10] pour qu’il statue sur la contestation.

Decisione

47/2 - Bonus à la rénovation

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