Augmentation de loyer – actes simulés

base giuridica

Nome del giudice

Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève

Data

18.01.2010

Sommario

L'acte apparent, constitué par la résiliation de bail, suivie de la conclusion immédiate d’un nouveau contrat était destiné à cacher la nature véritable de l'accord réellement conclu, lequel consistait à maintenir le locataire dans les lieux, moyennant une hausse de loyer. Les actes simulés sont frappés de nullité absolue, ce que le juge peut constater d'office et en tout état de cause, même si la résiliation de bail n’a pas été contestée par le locataire dans le délai prévu de l'art 273 al. 1 CO.

Esposizione dei fatti

Depuis 1982, les parties sont liées par un contrat de bail à loyer d'un atelier et d'un appartement de 3 pièces à G. Un changement de propriétaire a eu lieu en septembre 1992.
Le 19 octobre 1993, le nouveau propriétaire et le locataire ont conclu un nouveau contrat de bail à loyer pour une durée de 5 ans, du 1er novembre 1993 au 31 octobre 1998. Le loyer a été fixé à fr. 2'900.– par mois, avec clause d'indexation. Il a été fixé en dernier lieu à fr. 3'312.– par avis de majoration de loyer du 29 mars 1995.
Lors d'un entretien du 12 avril 2007, la régie a informé la locataire que le bailleur entendait résilier le bail et mettre à jour le calcul des surfaces et le montant du loyer. Par courrier et avis non motivés du 13 avril 1997, le bailleur a résilié le bail pour le 31 octobre 2007. Le 30 septembre 2007, la régie a proposé à la locataire un nouveau bail, conclu pour une durée de cinq ans du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2012, avec un loyer mensuel de fr. 9'000.–, indexé à l'ISPC. Le 22 octobre 2007, la locataire a refusé une telle augmentation de loyer, proposant de fixer le loyer mensuel à fr. 4'846.–. D'autres pourparlers ont eu lieu, la dernière proposition du bailleur étant de fixer le loyer mensuel échelonné partant de fr. 6'500.– le 1er novembre 2007 pour aboutir à un montant de fr. 8'900.– dès le 1er novembre 2011.
Le 11 janvier 2008, le bailleur a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête tendant à l'évacuation de la locataire. La locataire a retourné à la régie le bail signé. Le 13 février 2008, le bailleur a retiré sa requête en évacuation.
Par requête reçue le 26 février 2008 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, non conciliée le 3 septembre 2008 et introduite devant le Tribunal des baux et loyers le 8 septembre 2008, la locataire a agi en constatation de la nullité de la résiliation et de la hausse de loyer, subsidiairement en contestation du loyer initial.
Par jugement du 18 mai 2009, le Tribunal des baux et loyers a constaté que les parties sont liées par le bail du 19 octobre 1993, que la majoration de loyer figurant dans le contrat du 14 décembre 2007 est nulle. Le bailleur a interjeté appel de ce jugement.

Considerazioni

2. Les parties ne contestent pas que la locataire ne soit plus en droit, à ce stade de la procédure, d'invoquer un motif d'annulation du congé notifié le 13 avril 2007, au sens de l'art. 271 al. 1 CO, faute de l'avoir contesté en temps utile.
Reste à déterminer si, comme le soutient la locataire, le congé du 13 avril 2007 est nul de plein droit, en particulier parce qu'il aurait été notifié à la locataire dans le seul but de la contraindre à accepter une augmentation du loyer.
2.1 Sur le sujet, il n'est pas contesté que les parties se sont rencontrées la veille de la notification du congé litigieux. Le représentant du bailleur à cette réunion a admis devant les premiers juges avoir, à cette occasion, informé le directeur de la locataire que le bail allait être résilié, le bailleur souhaitant obtenir un meilleur rendement de la chose louée. Le locataire a indiqué à ses collaborateurs qu'il n'était pas inquiet, ayant reçu lors de cette réunion des assurances, selon lesquelles son bail serait renouvelé, motif pour lequel il n'a pas contesté la résiliation une fois celle-ci officiellement notifiée.
Le bailleur conteste certes avoir donné de telles assurances. Il n'en demeure pas moins que la thèse de la locataire est très hautement vraisemblable. En effet, le directeur de celle-ci en a informé des tiers immédiatement après ladite réunion et la résiliation survenue le lendemain. D'autre part, dans le passé, la signature d'un nouveau bail lui avait déjà été proposée pour entériner une hausse du loyer, ce qui lui permettait de penser, comme l'a indiqué un des témoins entendus, qu'il s'agissait d'une «procédure normale». Enfin, le bailleur (qui allègue avoir résilié le bail pour relouer les locaux à un tiers, mais n'avoir pas voulu exclure la locataire du cercle des prétendants) n'a ni allégué, ni établi être entré en négociation avec quelque tiers que ce soit en vue de la conclusion d'un bail relatif auxdits locaux, ni même avoir offert ceux-ci à la location.
Certes, les dispositions légales n'empêchent pas un bailleur et un locataire, en vertu de la liberté contractuelle, de convenir en tout temps de modifier le contenu de leur contrat et de convenir valablement d'une augmentation de loyer pour l'échéance du bail, a fortiori de conclure un nouveau contrat de bail après l'expiration d’un premier bail résilié. Les dispositions impératives de la loi ne doivent cependant pas être éludées et il faut, comme le rappellent les premiers juges, qu'il résulte des circonstances que le locataire était suffisamment informé de ses droits et qu'il n'a pas consenti sous la menace d'une résiliation (ATF 123 III 74 consid. 3b); a fortiori en est-il de même lorsque le locataire fait d'ores et déjà l'objet d'une procédure d'expulsion.
A cela s'ajoute qu'immédiatement après la résiliation, les parties sont entrées en négociation au sujet de la conclusion d'un nouveau contrat. Le loyer proposé par le bailleur en premier lieu a été refusé par le locataire, lequel n'a finalement signé le bail proposé en second lieu que sous la pression de la procédure d'évacuation alors pendante, dont il faut rappeler qu'elle a été introduite par le bailleur lorsque le locataire a refusé les conditions proposées en second lieu et réclamé un entretien, pour être ensuite retirée dès la signature du nouveau contrat.
Enfin, dans la présente procédure, le bailleur soutient une thèse qui conduit à priver en définitive le locataire de toute possibilité de contester le loyer prévu dans le contrat signé en février 2007, que ce soit sous l'angle de l'art 271 CO précité ou sous l'angle de l'art 270 CO, ce qui n'est à l'évidence pas acceptable.
Dans ces conditions, il doit être admis que la résiliation litigieuse, suivie de la proposition de conclure un nouveau bail à un loyer beaucoup plus élevé, est intervenue à seule fin de priver la locataire de son droit de contester la hausse de son loyer, résultant de la conclusion du nouveau bail.
Un congé qui tombe sous le coup des art. 325 bis et 326 bis CP n'est pas nul de plein droit, mais seulement annulable (LACHAT David, le bail à loyer, Lausanne 2008, chapitre 29, no 2.5 p. 728 et réf. citées). De même, la résiliation de bail qui consacre un abus manifeste de droit est également annulable et non nulle, les art. 271 et 271a CO constituant, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et la doctrine dominante, des cas particuliers d'application de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 133 III 175; nuancé : ATF 120 III 105 consid. 3; autres références citées par LACHAT, - lequel défend, de manière minoritaire, l'avis contraire, cf. op. cit., chapitre 29, 2.5, p. 728 et notes marginales note marginale no 22, même page).
2.2 La discussion ne s'arrête toutefois pas là.
Il apparaît en effet qu'in casu, les deux parties avaient, dès le départ, la réelle et commune intention de poursuivre leur relation de bail, intention qu'elles ont dissimulée sous l'apparence d'une résiliation de bail suivie de la conclusion immédiate d'un nouveau contrat de bail pour le même objet, prévoyant toutefois un loyer plus élevé que celui versé précédemment.
L'acte apparent, constitué par la résiliation de bail, suivie de la conclusion immédiate d'un nouveau contrat de bail était ainsi clairement destiné à cacher la nature véritable de l'accord réellement conclu, lequel consistait à maintenir le locataire dans les lieux, moyennant une augmentation de loyer.
Les actes simulés (art. 18 al. 1 in fine CO, ATF 123 IV 61, JdT 1999 IV 3) sont frappés de nullité absolue (ATF 72 II 154, JdT 1946 I 610), ce que le juge peut constater d'office et en tout état de cause, même si la résiliation de bail n'a pas été contestée par la locataire dans le délai prévu par l'art. 273 al. 1 CO.
En l'espèce, l'acte simulé est constitué de la résiliation du bail du 13 avril 2007, suivie de la conclusion du bail proposé à la signature le 31 octobre 2007 et finalement signé par la locataire le 7 février 2008 pour le même objet, dont la nullité a ainsi été constatée à juste titre par les premiers juges.
Il découle de ce qui précède que les parties sont toujours liées, comme l'ont retenu les premiers juges, par le contrat de bail signé le 19 octobre 1993.
2.3 Toute majoration du loyer d'un bail d'habitation ou de local commercial doit, à peine de nullité, être notifiée au moyen d'une formule agréée par le canton du lieu de situation de l'immeuble (art. 269d CO); les motifs précis de la hausse, le cas échéant les montants correspondant à chaque motif invoqué, doivent figurer sur cette formule officielle (art. 19 al. 1 lit. a ch. 4 OBLF), ou sur une lettre annexe à la condition que la formule officielle s'y réfère expressément (art. 19 al. 1 bis OBLF). Le bailleur est lié par les motifs qu'il invoque (ATF 117 II 452 consid. 5); ils lui sont opposables en cas de contestation (ATF 121 III 364 consid. 4b p. 367/8).
En l'espèce, en l'absence de notification de la hausse de loyer au moyen d’une formule officielle, l’augmentation de loyer devant entrer en vigueur le 1er novembre 2007 est frappée de nullité absolue, ainsi que l'ont, à juste titre, retenu les premiers juges.

Decisione

48/1 - Augmentation de loyer – actes simulés

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