Augmentation de loyer

base giuridica

Nome del giudice

Tribunal des baux du canton de Vaud

Data

21.03.2018

Sommario

Face à une formule officielle d’augmentation de loyer comportant des contradictions, les locataires ne sont pas en mesure de comprendre quel est le motif précis de l’augmentation qui leur est signifiée, ni quel est le montant de la hausse qu’il est possible de contester dans les trente jours (augmentation de Fr. 20.- pour une année ou trois échelons annuels de Fr. 20.-, soit Fr. 60.-). Il est de plus fait mention « pour information seulement » d’un TIH de 2 % et d’un IPC de 159.7 qui ne peut qu’achever de troubler le locataire, qui n’est pas en mesure de saisir la portée réelle de l’augmentation de loyer.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un contrat de bail du 21 juillet 1981 portant sur la location d’un appartement de trois pièces au deuxième étage d’un immeuble à Lausanne. Le loyer mensuel net a varié au fil du temps et a été fixé, par avis de notification de hausse de loyer du 12 juin 2001 à valoir pour le 1er octobre 2001, à Fr. 773.-.
Le 5 décembre 2013, la bailleresse a adressé aux locataires une formule officielle de notification de hausse de loyer à valeur pour le 1er avril 2014, par laquelle elle fixait le nouveau loyer mensuel net à Fr. 793.-.
Par courrier du 12 novembre 2014, la bailleresse a signifié aux locataires qu’elle leur notifiait « le 2ème échelon de hausse fixant le loyer à Fr. 813.- à partir du 1er avril 2015 ». Le 4 novembre 2015, elle a procédé à une notification similaire relative au « 3ème échelon de hausse fixant le loyer à Fr. 833.- » .
Le 27 mai 2017, les locataires ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyer d’une requête tendant notamment à la constatation de la nullité de la hausse de loyer du 5 décembre 2013. Une autorisation de procéder a été délivrée à chacune des parties le 6 octobre 2017.
Par jugement du 21 mars 2018, le Tribunal des baux a notamment déclaré nulle la hausse de loyer litigieuse.

Considerazioni

a) aa) Conformément à l’art. 269d al. 1 CO, le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L’avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d’une formule agréée par le canton. En vertu de l’art. 269d al. 2 let. b CO, les majorations de loyer sont nulles lorsque les motifs ne sont pas indiqués. L’art. 19 OBLF (ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 ; RS 221.213.11) exige que la formule destinée à communiquer au locataire les hausses de loyer contienne les motifs précis de la hausse (al. 1 let. a ch. 4). Ceux-ci doivent être suffisamment précis pour permettre au locataire de prendre une décision sur son éventuelle contestation. Une référence claire à une disposition légale est suffisante, si l’on peut déduire de celle-ci le motif invoqué. Lorsque l’indication des motifs est incompréhensible ou insuffisante, l’avis de majoration est nul (Marchand, Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2e éd., Bâle 2017, [ci-après : CPra Bail], n. 23 ad art. 269d CO et les références citées). Dès lors que la motivation indiquée dans l’avis de majoration constitue une manifestation de volonté du bailleur, son sens et sa portée doivent être déterminés conformément au principe de la confiance, ce qui vaut également pour l’exigence de clarté. On examinera donc d’après les facultés de compréhension du locataire et au vu de toutes les circonstances du cas particulier si les motifs donnés sont suffisamment clairs et précis pour que l’intéressé puisse décider en toute connaissance de cause s’il veut s’opposer ou non aux nouvelles clauses contractuelles (ATF 121 III 6 consid. 3c, JdT 1995 I 583). Les motivations peu claires doivent être interprétées en défaveur du bailleur (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 403). Le locataire peut invoquer la nullité d’une majoration de loyer en tout temps (Lachat, op. cit., p. 407).
Selon l’art. 19 al. 2 OBLF, l’augmentation de loyer selon un indice ou un échelonnement convenu est également soumise aux conditions formelles de l’art. 269d CO, bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une modification du bail (Marchand, CPra Bail, n. 10 ad art. 269d CO).

bb) Aux termes de l’art. 269c CO, les conventions prévoyant que le loyer sera majoré périodiquement d’un montant déterminé ne sont valables que si le bail est conclu pour une durée minimale de trois ans (let. a), si le loyer n’est pas augmenté plus d’une fois par an (let. b) et si le montant de l’augmentation est fixé en francs (let. c). S’agissant de la durée, les parties peuvent convenir d’un bail d’une durée inférieure à trois ans mais comportant une clause d’option permettant au locataire de prolonger la relation contractuelle pour autant que les deux périodes cumulées soient égales ou supérieures à trois ans. La durée de trois ans doit être calculée depuis le jour où débute le bail – et non par exemple dès celui de la conclusion du contrat ou de la remise effective de la chose louée – ou, en cas de convention ultérieure prévoyant l’échelonnement, dès l’entrée en vigueur de celle-ci (Dietschy-Martenet, CPra Bail, n. 9 et 10 ad art. 269c CO).
L’échelonnement peut résulter d’un avis de majoration (ATF 121 III 397 c. 2b/aa, DB 1996 n°17). La validité de la clause d’échelonnement est limitée par les trois conditions matérielles, cumulatives, posées à l’art. 269c CO. Si l’une ou l’autre de ces conditions n’est pas respectée, la clause est nulle et le contrat frappé de nullité partielle au sens de l’art. 20 al. 2 CO (Dietschy-Martenet, CPra Bail, n. 8 ad art. 269c CO).
b) aa) En l’espèce, l’avis de hausse de loyer litigieux, notifié au moyen d’une formule officielle agréée par le canton, est valable en la forme et respecte les délais de notification de l’art. 269d CO.
S’agissant en revanche des motifs indiqués sur la formule, force est de considérer qu’ils ne satisfont pas aux exigences de clarté et de précision imposées par la loi. En effet, la formule en cause comporte plusieurs indications contradictoires. Ainsi, elle prévoit en premier lieu, sous la rubrique intitulée « nouveau loyer », une hausse de Fr. 20.- du loyer mensuel net précédemment appliqué, alors même que le motif invoqué à l’appui de la hausse est l’« adaptation aux loyers usuels du quartier et de la localité, soit une hausse de 0.-/mois. ». Cette première incohérence, dont on ne saurait soutenir qu’elle ne constituait qu’une erreur de plume manifestement reconnaissable par un locataire lambda, est en soi déjà de nature à entretenir la confusion dans l’esprit de celui-ci. Ensuite, cette même motivation, toujours supposée expliquer la hausse de Fr. 20.- annoncée sous la rubrique « nouveau loyer » selon la logique de la formule officielle, évoque plusieurs « hausses échelonnées », soit trois échelons annuels de Fr. 20.-, autrement dit une hausse totale de Fr. 60.-. Cette nouvelle incongruité rend plus insaisissable encore la volonté du bailleur. Enfin, il est fait mention, toujours sous la rubrique consacrée au motif de la hausse, « pour information seulement », d’un TIH de 2 % et d’un IPC de 159.7, qui correspondent aux indices connus au moment de la hausse. Une telle indication, même supposée n’intervenir qu’à titre informatif, ne peut qu’achever de troubler le locataire, qui n’est pas en mesure d’en saisir la portée réelle.
Face à une telle formule officielle, les défendeurs n’étaient manifestement pas en mesure de comprendre quel était le motif précis de l’augmentation qui leur était signifiée, ni quel était le montant de la hausse qu’il leur était possible de contester dans les trente jours (Fr. 20.- ou Fr. 60.- ?), ni encore s’ils se devaient de réagir à la réactualisation des critères relatifs depuis la précédente fixation du loyer.

bb) Par surabondance, le contrat de bail liant les parties a débuté le 1er août 1981 pour se terminer le 1er avril 1982, puis s’est reconduit de 6 mois en 6 mois depuis lors. L’avis litigieux ne contient pas de modification de la durée du contrat, la fixant à trois ans dès l’entrée en vigueur de la première hausse ou de clause d’option permettant aux défendeurs de le prolonger dans cette mesure. Ainsi, la condition de la durée minimale de trois ans prévue par l’art. 269c let. a CO n’est en l’occurrence pas réalisée.
Au vu de ce qui précède, l’avis de hausse du 5 décembre 2013 est nul, ce que le tribunal de céans doit constater d’office.

Decisione

59/8 - Augmentation de loyer

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