Action en libération de dette – audience de conciliation

base giuridica

Nome del giudice

Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève

Data

10.02.2014

Sommario

La question de savoir si, dans le cas où elle est incompétente, l’autorité de conciliation, hors l’exercice d’une compétence juridictionnelle, soit dans le cadre d’une procédure de conciliation au sens étroit, doit refuser d’entrer en matière sur une requête n’est pas régie par la loi. Cette question est controversée en doctrine. En revanche, il est mis en exergue l’obligation de ladite autorité de rendre les parties attentives à son éventuelle incompétence.

Esposizione dei fatti

Les parties sont liées par un bail à loyer portant sur la location d’un appartement de sept pièces à Genève. Le locataire a conclu oralement un contrat de sous-location.
Le 28 août 2007, le locataire et le sous-locataire ont signé un document par lequel le sous-locataire déclarait reprendre la dette du locataire vis-à-vis du bailleur, moyennant un paiement mensuel de Fr. 7750.–. Le sous-locataire s’est acquitté régulièrement de ce montant jusqu’au mois de juin 2010, au motif qu’il avait découvert que le sous-loyer était supérieur à celui du bail principal.
Le 16 novembre 2010, le locataire a mis en demeure le sous-locataire de régler dans les trente jours un arriéré de Fr. 46 500.–, correspondant aux sous-loyers dus pour la période du 1er juin au 30 novembre 2010. Le sous-locataire s’est opposé à cette mise en demeure, se prévalant de la nullité du loyer initial. Le 21 décembre 2010, le locataire a résilié le sous-bail au 31 janvier 2011 pour défaut de paiement du loyer.
Par la suite, le locataire a introduit deux poursuites contre le sous-locataire, poursuites qui ont été frappées d’opposition; le locataire a requis et obtenu la mainlevée de ces oppositions. Le sous-locataire a introduit des actions en libération de dette en saisissant la Commission de conciliation en matière de baux à loyer.
Par jugement du 26 juin 2013, le Tribunal des baux et loyers a constaté la recevabilité des actions en libération de dette formées par le sous-locataire « par le dépôt devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers » en date des 21 décembre 2011 et 16 avril 2012. Le 13 août 2013, le locataire a interjeté appel de ce jugement, concluant à ce que les actions en libération de dette soient déclarées irrecevables et à ce qu’il soit dit que les poursuites concernées suivent leur cours.

Considerazioni

3.1.1 Lorsque la mainlevée provisoire a été accordée, le débiteur peut, dans les 20 jours à compter de cette dernière, intenter au for de la poursuite une action en libération de dette, laquelle sera instruite en la forme ordinaire (art. 83 al. 2 LP).
Le for de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP).
Le Tribunal des baux et loyers connaît notamment des litiges relatifs au contrat de bail à loyer (art. 89 al. 1 let. A LOJ). La Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après: «la Commission de conciliation ») est l’autorité de conciliation pour les litiges relevant de la compétence de ce Tribunal (art. 90 al. 1 LOJ).

3.1.2 L’instance est introduite par le dépôt de la requête de conciliation, de la demande ou de la requête en justice, ou de la requête commune en divorce (art. 62 al. 1 CPC).
Si l’acte introductif d’instance retiré ou déclaré irrecevable pour cause d’incompétence est réintroduit dans le mois qui suit le retrait ou la déclaration d’irrecevabilité devant le tribunal ou l’autorité de conciliation compétent, l’instance est réputée introduite à la date du premier dépôt de l’acte (art. 63 al. 1 CPC). Il en va de même lorsque la demande n’a pas été introduite selon la procédure prescrite (art. 63 al. 2 CPC). Les délais d’action légaux de la LP sont réservés (art. 63 al. 3 CPC).
La procédure au fond est en principe précédée d’une tentative de conciliation (art. 197 CPC), sauf exceptions comme dans les cas relevant de la LP, lesquels comprennent, notamment, les actions en libération de dette (art. 198 let. e ch. 1 CPC).
Dans le cas où l’autorité de conciliation constate qu’elle est incompétente à raison du lieu ou de la matière sans toutefois exercer une compétence juridictionnelle, soit dans le cas où elle conduit une procédure limitée à la conciliation, la question de savoir si elle doit ou peut ne pas entrer en matière sur la requête qui lui est soumise est controversée en doctrine. Certains auteurs pensent que l’autorité doit de toute manière mener une procédure de conciliation, tandis que les autres sont d’avis qu’elle ne doit pas entrer en matière, soit dans tous les cas où elle est incompétente, soit dans l’hypothèse où l’incompétence est manifeste, soit encore dans les cas où l’incompétence est d’ordre matériel (HONNEGGER, Kommentar zur schweizerischen Zivilprozessordnung, 2013, 2ème éd., N. 18 ad art. 202 CPC et les références citées). D’autres pensent qu’elle ne peut dans ce cas refuser d’entrer en matière que si sont concernées les règles de compétence matérielles propres à la procédure de conciliation prévues aux art. 198 et 199 CPC (PETER, Berner Kommentar 2012, N. 10 ad art. 197 CPC). Dans les cas où elle exclut un refus d’entrer en matière, la doctrine est d’avis que l’autorité de conciliation doit néanmoins attirer l’attention des parties sur la question de son incompétence, afin notamment de donner la possibilité au demandeur de retirer sa requête (HONNEGGER, op. cit., N 19 ad art. 203 CPC; PETER, op. cit., N. 9 ad art. 197 CPC; EGLI, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2011, N. 12 ad. art. 202 CPC; INFANGER, Basler Kommentar ZPO, 2013 2ème éd, N. 15 ad art. 202 CPC).
Une autorisation de procéder délivrée par une autorité de conciliation manifestement incompétente n’est en principe pas valable. Aussi, en procédure ordinaire, dans les causes soumises à un essai préalable de conciliation, la demande en justice introduite sur la base d’une telle autorisation de procéder est irrecevable (ATF 139 II 273 consid. 2.1).

3.1.3 Découlant directement de l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le droit à la protection de la bonne foi préserve la confiance légitime que le citoyen met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et 128 II 112 consid. 10b/aa). En application de ce principe, on admet généralement qu’une partie ne doit pas être lésée par une indication erronée des voies de droit (ATF 115 Ia 12 consid. 4a p. 19 et 112 Ia 305 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 8C_184/2010 du 27 avril 2010 consid. 3.4).

3.2 En l’espèce, l’autorité compétente à raison du lieu et de la matière pour connaître des présentes actions en libération de dette est la juridiction des baux et loyers genevoise, compte tenu du domicile de l’intimé et du for de la poursuite qui en découle d’une part, ainsi que de l’objet du litige relatif aux baux et loyers d’autre part. La compétence à raison du lieu et de la matière du premier juge n’est par ailleurs pas litigieuse.
Les actions en libération de dette ont été déposées auprès de la Commission de conciliation respectivement les 21 décembre 2011 et 16 avril 2012, à la suite de la notification à l’intimé des deux jugements de mainlevée provisoire concernant les poursuites en cause (nos 11 191562 H et 11 256042 W) respectivement les 5 décembre 2011 et 26 mars 2012, soit dans le délai de 20 jours de l’art 83 al. 2 LP.
Compte tenu de l’échec de la tentative de conciliation intervenue le 25 avril 2012, l’intimé a saisi le Tribunal le 24 mai suivant, dans le délai de 30 jours indiqué dans l’autorisation de procéder délivrée par la Commission de conciliation.
La présente cause n’était cependant pas soumise à la tentative préalable de conciliation (art. 198 let. e ch. 1 LP), ce qui exclut la compétence à raison de la matière de la Commission de conciliation sur la base de normes propres à la procédure de conciliation. Cette incompétence, résultant d’une exception légale univoque, était manifeste.
La question de savoir si, dans le cas où elle est incompétente, l’autorité de conciliation, hors l’exercice d’une compétence juridictionnelle, soit dans le cadre d’une procédure de conciliation au sens étroit, doit refuser d’entrer en matière sur une requête n’est pas régie par la loi. Cette question est controversée en doctrine. Les auteurs précités préconisant un examen et une décision par l’autorité de conciliation ne s’accordent pas non plus sur les cas d’incompétence entrant en ligne de compte (tout type d’incompétence, incompétence à raison de la matière, incompétence manifeste,…). Ils mettent en revanche tous en exergue l’obligation de ladite autorité de rendre les parties attentives à son éventuelle incompétence.
En l’espèce, l’incompétence de la Commission de conciliation était manifeste puisqu’elle découlait de la loi. Elle relevait en outre de ses propres règles de compétence matérielle. Aussi l’autorité aurait-elle dû, si ce n’est rendre une décision d’irrecevabilité, à tout le moins attirer l’attention de l’intimé sur ce problème. De la sorte, ce dernier aurait pu retirer ses actions en libération de dette et les introduire par-devant le Tribunal dans le délai de grâce supplémentaire de 20 jours résultant des art. 63 al. 1 et 3 et 83 al. 2 LP. Celles-ci auraient dès lors été réputées avoir été introduites à la date de la saisine de la Commission de conciliation respectivement les 21 décembre 2011 et 16 avril 2012, en conséquence de quoi le délai de 20 jours pour introduire l’action en libération de dette aurait été sauvegardé.
Considérer, au stade où en était la procédure avant que le Tribunal ne tranche, que la saisine de la Commission de conciliation n’était pas valable et que les actions en libération de dette devaient être déclarées irrecevables puisque tardives serait revenu ainsi à priver l’intimé du délai de grâce suscité. L’intimé n’aurait en effet plus pu se prévaloir, sur la base de l’art. 63 CPC, de la litispendance créée par la saisine de la Commission de conciliation respectivement les 21 décembre 2011 et 16 avril 2012.
Or, dans la mesure où l’autorité de conciliation a délivré une autorisation de procéder sans émettre une quelconque réserve relative à sa compétence, et que l’intimé s’y est fié et a poursuivi la procédure sur le fond, le priver de la protection offerte par l’art. 63 CPC n’aurait pas été comptable avec la protection de la bonne foi, comme l’a justement retenu le Tribunal.

3.3 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de retenir que l’instance a été introduite respectivement les 21 décembre 2011 et 16 avril 2012, soit dans le délai prévu par la LP.
Au surplus, le fait que l’autorisation de procéder ne soit pas valable en soi compte tenu de l’incompétence de la Commission de conciliation n’est pas pertinent, dans la mesure où la recevabilité des actions en libération de dette du 24 mai 2012 n’est pas subordonnée à un essai préalable de conciliation.

Decisione

55/10 - Action en libération de dette – audience de conciliation

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