Sous-location – résiliation immédiate du bail

Base légale

Nom du tribunal

Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève

Date

15.06.2009

Résumé

Lorsque la prétendue sous-location s'apparente en fait à un transfert déguisé du bail, décidé sans le consentement du bailleur, elle constitue un inconvénient majeur et justifie une résiliation immédiate du bail. En effet, lorsqu'un preneur voit son bail résilié de manière anticipée en raison d'une sous-location non autorisée, il ne saurait contester le congé se prévalant d'un droit de sous-louer exercé en violation des règles de la bonne foi. La bailleresse étant ainsi en droit de s'opposer à la sous-location utilisée dans un but – illégitime – de substitution de locataire.

Exposé des faits

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de quatre pièces. Le contrat a été conclu du 1er février 1984 au 31 janvier 1987, renouvelable ensuite tacitement d'année en année, le préavis de résiliation étant de trois mois.
En 2002, la locataire s'est remariée et est allée vivre à X., ce qu'elle n'a pas signalé à la bailleresse. A cette même époque, elle a accueilli dans son appartement sa sœur et sa nièce, lesquelles étaient dans l'urgence de trouver un logement.
Au début du mois de juin 2005, la bailleresse a été informée de ces faits par un courrier du Centre d'action sociale et de la santé (CASS) qui intervenait en vue d'obtenir le transfert du bail de la locataire en faveur de sa sœur.
Le 17 juin 2005, la bailleresse a sommé la locataire de réintégrer son logement d'ici au 15 juillet 2005. A défaut, elle la menaçait de résilier son contrat de bail à loyer, conformément à l'art. 257f CO.
Le 17 juillet 2005, la bailleresse a écrit au CASS qu'elle refusait d'effectuer le transfert du bail au nom de la sœur de la locataire, laquelle ne remplissait pas les conditions exigées pour l'obtention dudit appartement. Par lettre du 18 juillet, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 août 2005 sur la base de l'art. 257f al. 3 CO. Par requête du 16 août 2005, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation des baux et loyers et portée devant le Tribunal des baux et loyers, la locataire a conclu à l'inefficacité du congé. Par jugement du 20 août 2007, ledit tribunal a alloué les conclusions de la locataire. La bailleresse a interjeté appel de ce jugement.

Considérations

3.1 En vertu de l'article 262 al. 1 CO, le locataire ne peut sous-louer qu'avec le consentement du bailleur. Ce dernier ne peut cependant refuser son consentement que dans les hypothèses prévues à l'article 262 al. 2 CO (ATF 125 III 62 consid. 2a p. 63), à savoir si le locataire refuse de lui communiquer les conditions de sous-location (let. a), si les conditions de la sous-location, comparées à celles du contrat de bail principal, sont abusives (let. b) et, enfin, si la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (let. c). Ces exceptions au principe doivent être tenues dans des limites étroites (TF in SJ 2001 I 117 consid. 2b p. 19, également CdB 2002 p. 97; TF in CdB 1995 p. 19 consid. 4b in fine p. 21, également SJ 1995 p. 227).
La Chambre d'appel en matière de baux et loyers considère qu'une sous-location conclue sans que ne soit requise l'autorisation du bailleur ne justifierait pas de ce seul fait la résiliation du bail principal selon l'art. 257f al. 3 CO ou l'art. 266 g CO. Selon la Chambre d'appel, la sanction de la résiliation du bail en application de ces dispositions s'avère trop rigoureuse eu égard à la violation contractuelle commise, laquelle peut, selon les cas, n'entraîner concrètement aucune répercussion préjudiciable au bailleur. Il y a donc lieu de limiter la faculté de résilier le bail aux seules situations dans lesquelles un refus d'autorisation eut été justifié (art. 262 al. 2 a, b, c CO), car le bailleur peut alors faire valoir un intérêt personnel ou public (art. 262 al. 2 b CO) à la résiliation.

3.2 Pour la doctrine, la sous-location ne présente un avantage pour le locataire que si elle est conçue de manière temporaire (LACHAT, La sous-location, SJ 1992 470); la sous-location est à envisager lorsque le locataire n'entend renoncer que provisoirement à l'usage de la chose louée (LACHAT, le nouveau droit du bail, 2éme éd., p. 267, ch. 1.1). A défaut de caractère provisoire, le locataire doit faire usage de l'art. 264 CO, dans la mesure où son intention est alors de se libérer des obligations du contrat. La sous-location n'a pas été créée pour permettre au locataire de conserver à demeure et pour une durée indéterminée la titularité d'un bail (ROLLINI, Le caractère provisoire de la sous-location et les limites imposées en la matière au locataire, CdB 1995 p. 16). Le Tribunal fédéral a toutefois mis en doute l'idée que la sous-location ne serait admissible que si le sous-bailleur envisageait de reprendre un jour la chose pour lui-même. Il n'a cependant pas tranché expressément la question, considérant qu'en tous les cas, il suffit que le sous-bailleur n'ait pas perdu toute idée de reprendre l'usage de l'appartement en cause, même si ses intentions ne sont que vagues; le fait que la sous-location soit conclue pour une durée indéterminée ne constitue pas un inconvénient majeur pour le bailleur (ATF 4C. 155/2000 du 30 août 2000, consid. 2 b; CdB 1995 p. 19 consid. 4c). La Cour considère également que le contrat de sous-location implique le désir du locataire principal de revenir vivre dans les locaux (ACJ n° 1134 du 12.11.2001 D. c/ M. F.).

3.3 Le transfert de bail et la sous-location se distinguent notamment par une intention différente du locataire. Par la sous-location, le locataire veut toujours revendiquer l'usage de la chose et disposer de son droit d'usage alors que, par le transfert, il veut au contraire remettre son droit d'usage à un tiers et se libérer en même temps du bail (ATF 4A_181/2008).

3.4 Il incombe à la bailleresse d'établir que la locataire peut se voir imputer une violation de ses obligations, d'une gravité telle qu'elle justifie un congé avec effet immédiat.

4. En l'espèce, il ressort de la procédure que l'intimée a elle-même, dans un premier temps et sous la plume de son conseil, soutenu qu'elle n'avait jamais sous-loué son appartement et qu'elle s'acquittait de son loyer. Elle a aussi expliqué qu'elle avait hébergé temporairement sa sœur et sa nièce qui étaient dans une situation difficile et qui disposaient de peu de moyens.
C'est seulement en cours de procédure devant le Tribunal des baux et loyers que l'intimée a admis qu'elle n'habitait plus rue Z. et que c'était sa sœur qui occupait désormais l'appartement, ce qui a été confirmé par l'assistante sociale qui aide cette dernière.
L'intimée n'a en outre produit aucun contrat de sous-location, ni aucun autre élément probant concernant l'existence d'une telle sous-location.
Il ressort également de la procédure que l'appelante a découvert fortuitement, à l'occasion d'une demande téléphonique de renseignement concernant une majoration du loyer, de la bouche de l'assistante sociale qui aide la sœur de l'intimée, que l'intimée n'occupait plus son logement depuis 2002, date de son mariage. C'est dans ce cadre que l'assistante sociale a sollicité par écrit le transfert du bail à la sœur de l'intimée.
L'intimée a encore indiqué qu'elle se rendait régulièrement dans son appartement la journée. Elle a admis n'y avoir dormi que deux fois en cinq mois lorsque son mari était en voyage.
Alors même que l'intimée n'occupait plus son logement depuis son mariage en 2002, les intimés ont continué de voir le loyer de l'appartement réduit de l'aide personnalisée de plus de 500 fr. par mois. En outre, le loyer était pris en charge intégralement par l'Hospice général dans le cadre de l'assistance apportée à sa sœur.
Dans ces circonstances, la prétendue sous-location s'apparente en l'occurrence en fait à un transfert déguisé du bail à la sœur de l'intimée, décidé sans le consentement du bailleur, constituant un inconvénient majeur au sens de l'art. 262 al. 2 lit. c CO justifiant une résiliation immédiate du bail.
En effet, lorsqu'un preneur voit son bail résilié de manière anticipée en raison d'une sous-location non-autorisée, il ne saurait contester le congé se prévalant d'un droit de sous-louer exercé en violation des règles de la bonne foi. L'appelante était ainsi en droit de s'opposer à la sous-location utilisée dans un but - illégitime - de substitution de locataire.
Cette violation des devoirs contractuels pouvait ainsi être sanctionnée par l'appelante et le congé a donc été valablement notifié.

Décision

47/6 - Sous-location – résiliation immédiate du bail

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