Restitution anticipée de la chose louée

Base légale

Nom du tribunal

Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers

Date

06.03.2017

Résumé

La dernière version du contrat-cadre romand, entré en vigueur en juin 2014, prévoit à l'art. 9 deux premiers alinéas distincts, le premier se rapportant à la résiliation anticipée, et le second prévoyant le préavis y relatif. Ainsi, la formulation du second alinéa « Dans un tel cas, le locataire doit respecter au minimum un préavis d'un mois » se rapporte à l'alinéa précédent dans son entier, soit à la résiliation anticipée de manière générale et non pas seulement dans le cas où le bailleur s'oppose à la candidature du locataire de remplacement qui lui est présenté.

Exposé des faits

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer du 14 octobre 2014, portant sur la location d'un appartement de 3,5 pièces au 1er étage d'un immeuble sis av. de Ch. à Genève. Le contrat a été conclu pour une durée d'un an et quinze jours, soit du 16 octobre 2014 au 31 octobre 2015.
Par courrier du 15 mai 2015 la locataire a résilié le contrat de bail de manière anticipée pour le 31 mai 2015, en présentant un dossier de locataires de remplacement solvables et prêts à reprendre l'appartement en l'état dès le 1er juin 2015.
Le 18 mai, la régie a accusé réception de la résiliation du bail. Elle a indiqué au locataire qu'elle pourrait la libérer de ses obligations contractuelles moyennant un préavis d'un mois à partir de la présentation du dossier d'un candidat acceptable.
La locataire a fait valoir que la bailleresse était tenue d'accepter son congé pour le 31 mai 2015 et non pas au 30 juin 2015, dans la mesure où les locataires de remplacement présentés remplissaient toutes les conditions requises pour la reprise de l'appartement au 1er juin 2015.
Le 11 juin 2015, la régie a informé la locataire que l'appartement avait été reloué à partir du 16 juin 2015 et qu'elle était libérée de ses obligations contractuelles au 15 juin 2015. L'état des lieux de sortie a été fixé au 16 juin 2015. La locataire a contesté devoir le loyer au-delà du 31 mai 2015, date à laquelle elle avait restitué les clefs de l'appartement.
Par requête déposée le 17 juillet 2015 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée le 28 septembre 2015 et portée devant le Tribunal des baux et loyers le lendemain, la locataire a conclu notamment à ce que la bailleresse soit condamnée à lui payer fr. 1'132.50 au titre de loyer non dû du 1er au 15 juin. Par jugement du 20 juillet 2016, le Tribunal des baux et loyers a débouté la locataire de ses conclusions. Par acte du 23 août 2016, la locataire a formé recours contre ce jugement.

Considérations

2.1

En Suisse romande, le Contrat-cadre romand de baux à loyer (CCR), applicable à tous les baux à loyers d'habitation, prévoit des dispositions paritaires déclarées de force obligatoire générale par arrêté du Conseil fédéral du 20 juin 2014 pouvant ainsi déroger aux dispositions impératives du code des obligations (art. 1 à 3 de l'arrêté du Conseil fédéral 20 juin 2014 relatif à la déclaration de force obligatoire générale du contrat-cadre romand de baux à loyer et à la dérogation aux dispositions impératives du droit du bail).
Selon l'art. 9 al. 1 CCR, lorsque le locataire restitue la chose louée sans observer le délai ou terme de congé, il doit aviser le bailleur par écrit en indiquant la date de restitution de la chose et il doit présenter au moins un locataire solvable et disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions à la date de restitution indiquée par le locataire. Si le bailleur a des objections fondées contre le candidat, il doit sans délai indiquer au locataire les motifs de son refus.
Dans un tel cas, le locataire doit respecter au minimum un préavis d'un mois pour le 15 ou la fin du mois (art. 9 al. 2 CCR).
En aucun cas, le bailleur ne peut être tenu d'accepter de conclure avec la personne proposée par le locataire, étant précisé que ce dernier est alors libéré (art. 9 al. 3 CCR).
Certains auteurs de doctrine ont confirmé qu'en cas de restitution anticipée concernant un logement situé en Suisse romande, un préavis d'au minimum un mois pour le 15 ou la fin d'un mois devait être respecté en application du CCR, étant précisé que ce délai commence à courir le jour où le locataire informe le bailleur de son intention de restituer de manière anticipée la chose louée et présente un candidat de remplacement (SULLIGER/ANSERMET, in Cahier du bail n° 4/décembre 2002, p. 108; BISE/PLANAS, Droit du bail à loyer, Commentaire pratique, 2010, BOHNET/MONTINI [éd.], n. 29 ad. art. 264 CO; LACHAT, le bail à loyer, 2008, p. 612).
2.2 En l'espèce, le contrat de bail ne prévoit rien en cas de résiliation anticipée et les Conditions générales et Règles et usage locatifs auxquelles il renvoie ne sont pas produites à la procédure. Cela étant, l'application du Contrat-cadre romand n'est à juste titre pas remise en cause. A cet égard, la recourante se livre à sa propre interprétation en considérant que le préavis d'un mois prévu à l'art. 9 CCR ne s'appliquerait que dans l'hypothèse où le bailleur soulève des objections fondées contre le candidat présenté par le locataire à l'appui d'une résiliation anticipée. Ce raisonnement ne trouve aucun appui, ni dans la jurisprudence, ni dans la doctrine. De plus, il ne saurait être suivi au vu de la systématique de la loi. En effet, la dernière version du contrat-cadre romand, entré en vigueur en juin 2014, prévoit expressément à l'art. 9 CCR deux premiers alinéas distincts, le premier se rapportant à la résiliation anticipée, avec et sans acceptation du bailleur, et le second prévoyant le préavis y relatif. Ainsi, la formulation du second alinéa "Dans un tel cas, le locataire doit respecter au minimum un préavis d'un mois [...]" se rapporte à l'alinéa précédent dans son entier, soit à la résiliation anticipée de manière générale et non pas seulement dans le cas où le bailleur s'oppose à la candidature du locataire de remplacement qui lui est présentée. Cette application est d'ailleurs confirmée par les auteurs de doctrine romands.
Contrairement à l'avis de la recourante, l'application du préavis d'un mois ne vide pas pour autant de sa substance l'obligation du bailleur d'indiquer sans délai au locataire les motifs en cas de refus du candidat de remplacement, puisque le délai de résiliation commence à courir dès le moment où le locataire informe le bailleur de son intention de résilier et lui présente un candidat de remplacement objectivement acceptable. Ainsi, les motifs de refus du bailleur permettent au locataire de trouver, cas échéant, rapidement un autre candidat si le précédent ne remplit pas les exigences requises.
La recourante ayant annoncé sa résiliation et présenté les locataires de remplacement le 18 mai 2015, ce point n'étant pas contesté, les délai et terme de résiliation sont arrivés à échéance fin juin 2015.
Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que la recourante était libérée de ses obligations contractuelles au 30 juin 2015, respectivement au 15 juin 2015 compte tenu de la relocation intervenue à compter de cette date.

Décision

58/5 - Restitution anticipée de la chose louée

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