Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
11.09.2006
La responsabilité précontractuelle est définie par l’obligation d’une partie de réparer le préjudice qu’elle a causé à l’autre par la violation de ses devoirs précontractuels. Il n’appartient pas au bailleur d’avertir les locataires de toutes les difficultés qu’ils pourraient rencontrer dans le cadre de l’activité de restauration qu’ils souhaitaient déployer dans les locaux, dès lors qu’il a affaire à des professionnels du domaine.
2. Les appelants soutiennent en premier lieu que le contrat est nul en application de l’art. 20 CO.
Le contrat est nul s’il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire aux mœurs (art. 20 al. 1 CO).
L’impossibilité
de l’objet du contrat doit être admise lorsqu’elle existe au moment de
la conclusion du contrat (impossibilité initiale) et présente un
caractère objectif et durable. Le caractère objectif implique que la
prestation n’est pas possible quel que soit le débiteur, sur la base des
faits ou du droit (CR CO I-Olivier GUILLOD/Gabrielle STEFFEN, art.
19-20 CO N 76).
Le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur
s’oblige à céder l’usage d’une chose au locataire, moyennant un loyer
(art. 253 CO).
D’emblée, il sied de constater, comme l’a relevé le
Tribunal des baux et loyers, que l’objet du contrat, soit la mise de
locaux à disposition des locataires n’est pas, en soi, impossible. C’est
plutôt l’usage auquel étaient destinés les locaux qui n’est pas
envisageable en raison de dispositions légales administratives.
La
Cour rappellera en outre que dans un cas similaire, elle avait retenu
que le type de contrat conclu n’était pas absolument impossible au sens
de l’art. 20 CO, mais inexécutable intuitu personae, compte tenu à la
fois de la réglementation en vigueur relativement à la situation de
l’immeuble (dans une zone industrielle, supposant dérogation à accorder
par une première autorité) et aux qualifications requises (impliquant
une autorisation d’exploiter à accorder par une seconde autorité) (ACJ
n° 812 du 18.06.2004 A. c/ S.).
En particulier, le fait que le
contrat de bail mentionne le terme « Cercle brésilien » ne constitue
aucunement l’objet du contrat et n’en fait pas partie. Comme rappelé
ci-dessus, l’objet du contrat ou la prestation de la partie bailleresse
se limite à la mise à disposition de l’usage d’une chose. Le « Cercle
brésilien » n’est que la destination des locaux. Le fait que la
destination de l’objet ne se révèle pas possible en raison de
dispositions légales administratives cantonales n’en rend pas l’objet
impossible.
C’est donc à juste titre que le Tribunal des baux et
loyers a considéré que le contrat de bail entre les parties n’était pas
nul au sens de l’art. 20 CO.
3. En matière de responsabilité précontractuelle ou culpa in
contrahendo, plusieurs théories s’opposent quant à sa définition exacte.
Il peut toutefois être retenu qu’il s’agit d’une responsabilité
générale résultant de la violation de devoirs existants avant et hors de
tout contrat (CR CO I-Luc THEVENOZ, art. 97-109 CO N 19).
La
responsabilité précontractuelle est également définie par l’obligation
d’une partie de réparer le préjudice qu’elle a causé à l’autre par la
violation de ses devoirs précontractuels. Elle est subordonnée à
l’existence d’une faute (GAUCH/- SCHLUEP/TERCIER, partie générale du
droit des obligations, I, p. 129).
Nul ne peut invoquer sa bonne foi,
si elle est incompatible avec l’attention que les circonstances
permettaient d’exiger de lui (art. 3 al. 2 CC).
In casu, les
locataires ont engagé des frais à concurrence de 59'500 fr. suite aux
travaux entrepris dans les locaux. Ils ont également acquitté une
facture d’énergie de 674 fr. 35, mais le Tribunal des baux a rejeté
cette prétention en raison de l’absence de faute du bailleur.
L’admission
de la validité du contrat ne saurait exclure une éventuelle
responsabilité précontractuelle. La Cour constate cependant que les
appelants savaient avant la conclusion du contrat que les locaux visés
se trouvaient dans une zone industrielle. Professionnels dans le domaine
de la restauration, ils savaient par conséquent qu’une dérogation
serait indispensable pour obtenir l’autorisation d’exploiter
l’établissement qu’ils souhaitaient ouvrir. A tout le moins, eu égard à
la zone dans laquelle se trouvent les locaux, il leur appartenait de
s’informer et de s’entourer de toutes les garanties concernant
l’autorisation d’exploiter avant de signer le bail.
En effet, le
bailleur pour sa part ne leur a nullement promis qu’ils obtiendraient
les autorisations ou dérogations nécessaires à l’exploitation du «
Cercle brésilien ». Il s’est contenté d’indiquer que d’autres
établissements déployant le même genre d’activité étaient situés dans le
même quartier.
Comme l’a relevé la Cour dans un cas similaire : «
compte tenu de l’activité à déployer (exploitation d’un débit de boisson
à Genève), il est et était notoire que des précautions devaient être
prises par la future exploitante » (ACJ n° 812 du 18.06.2004 A. c/ S.).
Il
n’appartient en effet pas au bailleur d’avertir les locataires de
toutes les difficultés qu’ils pourraient rencontrer dans le cadre de
l’activité de restauration qu’ils souhaitaient déployer dans les locaux,
dès lors qu’il a affaire à des professionnels du domaine. De surcroît,
il savait également que les locataires avaient connaissance de la zone
dans laquelle étaient situés les locaux.
Aucune faute ne saurait donc
être imputée au bailleur. Comme l’a retenu à juste titre le Tribunal
des baux et loyers, c’ est bel et bien aux locataires à qui il peut être
reproché une faute.
A l’instar du Tribunal des baux et loyers, la
Cour relève que compte tenu des devoirs qui leur incombaient, ils ne
sauraient se prévaloir de leur bonne foi, laquelle est incompatible avec
ce que l’on était en droit d’attendre d’eux au regard de l’ensemble des
circonstances, y compris de leur situation personnelle.
Aucune prétention en dommages-intérêts ne saurait donc être allouée aux appelants.