Responsabilité contractuelle et délictuelle
Base légale
Nom du tribunal
Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
26.05.2003
Résumé
Un seul et même acte peut constituer simultanément la violation d'un contrat (au sens de l'art. 97 ss CO) et un acte illicite (au sens des art. 41 ss CO). Dès lors, on ne saurait exclure "prima facie" la responsabilité délictuelle des locataires tout en admettant leur responsabilité contractuelle. Cet examen a une incidence sur la prescription qui est respectivement de dix ans ou de un an.
Exposé des faits
Les parties étaient liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de sept pièces et demie à G.
Par
avis officiel du 21 octobre 1994, la bailleresse a résilié le contrat
de bail des locataires sur la base de l'art. 257f al. 3 CO pour le 30
novembre 1994; les locataires ont contesté cette résiliation et ont été
débouté de leur action en nullité de congé par arrêt du Tribunal fédéral
du 4 juin 1998. Les locataires ont quitté les lieux le 31 mars 1999.
En
date du 8 août 2000, la bailleresse a formé devant la Commission de
conciliation en matière de baux et loyers une demande en paiement de fr.
124'754.20, plus intérêts à 5 % dès cette date. A l'appui de sa
demande, la bailleresse invoquait le fait qu'en raison de la présence du
défendeur dans l'appartement postérieurement à la résiliation du bail,
elle n'avait pu vendre ce logement que le 16 août 1999 et a subi un
dommage correspondant aux intérêts hypothécaires, aux intérêts sur prêt
actionnaire, aux charges de copropriété et à l'impôt immobilier.
L'affaire a été déclarée non conciliée lors de l'audience du 20 octobre
2000 et introduite le même jour au Tribunal des baux et loyers.
Lors
de l'audience du 7 décembre 2000, les locataires ont soulevé l'exception
de prescription. Par jugement du 31 mai 2001, le Tribunal des baux et
loyers a débouté les locataires de leurs conclusions sur l'exception de
prescription. Les locataires on interjeté appel de cette décision.
Considérations
5. Les griefs des appelants se résument au fait que le Tribunal a retenu
que seule la responsabilité contractuelle du locataire est engagée et
qu'en application de l'art. 127 CO, l'action en dommages-intérêts du
bailleur se prescrit par dix ans et non par un an en application de
l'art. 60 CO comme le soutiennent les locataires. La Cour doit constater
que la motivation des premiers juges quant à l'exclusion de la
responsabilité délictuelle est plus que sommaire. Pour le surplus, on
doit admettre qu'un seul et même acte peut constituer simultanément la
violation d'un contrat (au sens de 97 ss CO) et un acte illicite (au
sens de 41 ss CO). Dès lors, on ne saurait exclure "prima facie" la
responsabilité délictuelle des locataires tout en admettant leur
responsabilité contractuelle d'une manière tout aussi schématique. Ce
problème est d'autant plus important que les modalités de la réparation
diffèrent suivant que l'on se trouve en présence de l'une ou l'autre de
ses responsabilités (en particulier la présomption de faute art. 41/97
CO).
La Cour constate toutefois que les appelants qui sont les
auteurs éventuels d'un acte illicite ne sauraient se prévaloir de la
prescription annale de l'article 60 CO en vertu de l'adage "nemo auditur
propriam turpitudinem allegans" de l'art. 2 al. 2 CC. Par conséquent,
conformément à la décision des premiers juges, seule la responsabilité
contractuelle des locataires est engagée; en effet, le locataire qui
reste dans les locaux à l'échéance du contrat viole son obligation
contractuelle de restitution et doit réparer le dommage qui en résulte
pour le bailleur (ATF 117 II 65 consid. 2b). Il peut s'agir non
seulement de la perte de l'usage de la chose, mais également de
l'impossibilité d'exécuter le bail plus rémunérateur conclu avec un
tiers ou de l'impossibilité d'affecter la chose à l'usage prévu par le
bailleur (USPI, Commentaire du droit suisse du bail à loyer, n. 11 ad.
art. 267-267a CO; Lachat/Stoll, Das neue Mietrecht für die Praxis, p.
392; Reymond, Le bail à loyer, in DPS VII, tome I, 1, p. 245; Schmid, n.
32 à 34 ad art. 265a CO). En vertu de l'art. 44 al. 1 CO applicable par
renvoi de l'art. 99 al. 3 CO, le bailleur est tenu toutefois de ne pas
aggraver le dommage (Lachat/Stoll, op. cit., p. 393).
Décision
38/2 - Responsabilité contractuelle et délictuelle