Tribunal des baux du canton de Vaud
27.09.2013
Une procédure de contestation introduite par les locataires peut suspendre les effets de la résiliation jusqu’à décision définitive et exécutoire. Néanmoins, il ne s’agit que d’une prolongation « de fait » du bail qui ne saurait être assimilée à une prolongation au sens des art. 272 ss CO. Durant cette période, l’indemnisation versée ne ressort plus des art. 257 ss CO et ne peut faire l’objet d’une demande de baisse de loyer.
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer dès le 1er janvier 2010
portant sur la location d’un appartement indépendant dans une villa sise à M. Le
loyer a été fixé à fr. 3200.– par mois.
Le 30 août 2011, le bailleur a
résilié le bail avec effet au 31 décembre 2011. Par jugement du 30 mars 2012, le
tribunal des baux du canton de Vaud a, notamment, constaté la validité de dite
résiliation et accordé aux locataires une seule et unique prolongation de bail
jusqu’au 30 septembre 2012. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour
d’appel civile du Tribunal cantonal du 23 novembre 2012, puis un arrêt du
Tribunal fédéral du 26 mars 2013, ce qui implique que la relation contractuelle
de bail à loyer existant entre les parties a effectivement pris fin au terme de
la prolongation judiciaire accordée, soit le 30 septembre 2012.
Le 16
novembre 2012, les locataires ont adressé au Tribunal des baux du canton de Vaud
une demande selon laquelle le loyer doit être fixé à fr. 2795.– par mois dès le
1er janvier 2013 et que le bailleur doit restitution des montants trop perçus.
Par jugement du 27 septembre 2013, le Tribunal des Baux du canton de Vaud a
rejeté la demande des locataires.
Attendu que les demandeurs, locataires et le défendeur, bailleur, ont conclu
le 5 décembre 2009 un bail à loyer portant sur un appartement indépendant de 170
m2 dans la villa sise route du M à M.,
que ce bail a commencé le 1er janvier
2010 pour se terminer le 31 décembre 2010, se renouvelant ensuite aux mêmes
conditions d’année en année, sauf avis de résiliation de l’une ou l’autre des
parties donné et reçu au moins quatre mois à l’avance pour la prochaine
échéance,
que le loyer mensuel net a été fixé à 3200 francs,
que par
formules officielles du 30 août 2011, le défendeur a résilié le bail qui le
liait aux demandeurs avec effet au 31 décembre 2011,
que par jugement rendu
le 20 mars 2012, le tribunal de céans a, notamment, constaté la validité de
dites résiliations et accordé aux demandeurs une seule et unique prolongation de
bail jusqu’au 30 septembre 2012,
que ce jugement a été confirmé par un arrêt
de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du 23 novembre 2012, puis par un
arrêt du Tribunal fédéral du 26 mars 2013,
que les demandeurs sont ainsi
définitivement déboutés de leur action en contestation du congé signifié par le
défendeur,
que partant, la relation contractuelle de bail à loyer existant
entre les parties a effectivement pris fin au terme de la prolongation
judiciaire accordée, soit au 30 septembre 2012;
attendu que les demandeurs
réclament une baisse de loyer de 405 francs par mois dès le 1er janvier 2013, en
se fondant sur la baisse du taux hypothécaire et la variation de l’indice suisse
des prix à la consommation depuis la dernière fixation du loyer,
qu’ils
requièrent ainsi implicitement, et selon toute vraisemblance, l’application de
l’article 270a alinéa 1er CO, lequel prévoit que le locataire peut contester le
montant du loyer et en demander la diminution pour le prochain terme de
résiliation, s’il a une raison d’admettre que la chose louée procure au bailleur
un rendement excessif au sens des articles 269 et 269a CO, à cause d’une notable
modification des bases de calcul, résultant en particulier d’une baisse des
frais,
que le défendeur estime pour sa part que les règles relatives au
contrat de bail ne sont pas applicables en l’espèce, dès lors qu’il n’existe
plus de relation contractuelle entre les parties,
que le tribunal ne peut
qu’abonder dans ce sens,
qu’en effet, la disposition légale précitée se
trouve dans le chapitre II (« Protection contre les loyers abusifs ou d’autres
prétentions abusives du bailleur en matière de baux d’habitations et de locaux
commerciaux ») du titre huitième (« Du bail à loyer ») du Code des obligations,
que l’existence d’un contrat de bail à loyer valable entre les parties en
est ainsi une condition d’application nécessaire,
qu’a fortiori, cette
condition doit être réalisée au moment où la diminution de loyer doit déployer
ses effets,
que lorsqu’un contrat de bail est résilié, il prend fin à
l’échéance contractuelle prévue par les parties, respectivement à l’expiration
de la durée de prolongation fixée par le juge (art. 266a al. 1er et 266 al. 1er
CO; cf. également art. 272c al. 2 1ère phrase CO et LACHAT, Le bail à loyer,
Lausanne 2008 [cité ci-après: LACHAT, Bail], pp. 765 et 789),
qu’en l’espèce,
les demandeurs réclament une baisse de loyer pour la période du 1er janvier au
30 avril 2013,
qu’or, comme on l’a vu supra, le contrat de bail entre
parties a effectivement pris fin au 30 septembre 2012, terme de la prolongation
accordée,
que depuis cette date, les demandeurs ont donc perdu le statut de
locataires puisqu’ils ne sont plus titulaires d’un bail,
qu’ils ne sauraient
en conséquence se prévaloir encore d’une prétention découlant des articles 253
et suivants CO, à plus forte raison lorsque celle-ci est destinée à déployer ses
effets postérieurement à la fin du contrat,
que la procédure de contestation
introduite par les demandeurs a certes suspendu les effets de la résiliation
jusqu’à décision définitive et exécutoire, en l’occurrence jusqu’au moment de
l’entrée en force, le 26 mars 2013, de l’arrêt du Tribunal fédéral (art. 61
LTF),
qu’il s’agit toutefois d’une prolongation « de fait » du bail pendant
la durée de la procédure (ATF 104 II 311, JT 1979 I 495; LACHAT, Bail, p. 759),
qui ne saurait être assimilée à une prolongation de bail au sens des articles
272 et suivants CO, et en particulier bénéficier de la réserve de l’article 272c
alinéa 2, 2ème phrase CO,
que les effets du congé ne sont ainsi que
provisoirement suspendus, jusqu’à ce que le sort de la contestation du congé
soit définitivement scellé,
qu’ainsi, lorsque la procédure dépasse l’échéance
du bail, le locataire peut continuer à occuper les locaux, moyennant une
contrepartie financière correspondant généralement au loyer,
que cela ne
signifie cependant pas qu’il s’agisse d’un loyer en tant que tel (voir mutatis
mutandis le raisonnement suivi par la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal, notamment arrêt n° 464 du 29 novembre 2010 et arrêt n° 319 du
2 septembre 2010),
que l’indemnisation versée en l’absence d’un bail valable
ne ressort en effet plus des articles 257 et suivants CO,
que son fondement
juridique doit être recherché dans les règles sur l’enrichissement illégitime,
voire dans celles de la responsabilité contractuelle, question qui peut en
l’espèce rester ouverte,
qu’au vu de ce qui précède, la demande de baisse de
loyer sollicitée par les demandeurs pour le 1er janvier 2013 est ainsi
manifestement infondée, qu’elle doit dès lors être rejetée;
attendu que, la
demande de baisse de loyer étant rejetée, le tribunal n’a pas à statuer sur la
conclusion des demandeurs en restitution des parts de loyer perçues en trop
depuis le 1er janvier 2013.
55/2 - Prolongation «de fait» du bail – demande de baisse de loyer