Arrêt de la chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève
11.07.2012
Le texte de l’article 257 CPC ne fait pas référence à une reconnaissance de dette. Si tel était le cas, la portée de l’article 257 CPC, en matière pécuniaire, serait quasiment réduite à néant, au vu de l’article 251 lettre a CPC. Ainsi, il y a lieu de considérer que le cas est également clair au sens de l’article 257 CPC dans tous les cas où la norme s’applique au cas concret et y déploie ses effets de manière évidente, sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvée.
3.1 En vertu de l’art. 257 al 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire lorsque (let. a) l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et (let. b) la situation juridique est claire.
3.2 L’état de fait n’est pas litigieux lorsqu’il est incontesté, à
savoir lorsque les faits tels que présentés par le requérant ne sont pas
remis en cause par le défendeur. On ne peut pas le déduire du simple
défaut du défendeur (CPC – François BOHNET, art. 257 N. 7).
En
l’espèce, il ne saurait donc être retenu que l’état de fait n’est pas
litigieux, puisque l’absence de contestation par l’intimée – tant en
première instance que dans la procédure d’appel – s’explique par son
seul défaut.
Il convient donc de se demander si cet état de fait peut être immédiatement prouvé.
En
procédure sommaire, la preuve est rapportée par titres (art. 254 al. 1
CPC), au sens de l’art. 177 CPC, à savoir des document, tels les écrits,
les dessins, les plans, les photographies, les films, les
enregistrements sonores, les fichiers électroniques et les données
analogues propres à prouver des faits pertinents (CPC – BOHNET, art. 254
N. 2). D’autres moyens de preuve sont cependant admissibles (art. 254
al. 2 CPC) lorsque leur administration ne retarde pas sensiblement la
procédure (let. a), le but de la procédure l’exige (let. b) ou le
tribunal établit les faits d’office (let. c). François BOHNET relève à
cet égard que si les preuves étaient limitées aux titres, la protection
dans les cas clairs ferait clairement double emploi avec la mainlevée
provisoire de l’opposition en matière pécuniaire (BOHNET, op. cit., art.
257 N. 11), laquelle est également soumise à la procédure sommaire
(art. 251 let. a CPC).
Pour Fabienne HOHL (Procédure civile, Tome II,
«Compétence, délais, procédures et voies de recours», Berne 2010, no
1676), en cas de requête en protection pour cas clair, le juge ne
devrait statuer que sur la base de titres, les autres moyens de preuve
ne devant entrer en ligne de compte que s’ils peuvent être administrés
immédiatement. Exceptionnellement, tous les moyens de preuve doivent
être admis s’ils ne retardent pas le déroulement de la procédure (art.
254 al. 2 let. a CPC) ; toutefois, le juge ne doit pas en arriver à
établir l’état de fait de la même manière qu’en procédure ordinaire ou
simplifiée (HOHL, op. cit., no 1677).
Il convient donc d’admettre que
l’état de fait est susceptible d’être immédiatement prouvé lorsque le
demandeur le prouve soit par titre, soit par le biais d’un autre moyen
de preuve, admissible au regard de l’art. 254 al. 2 CPC.
En l’espèce,
l’appelante a produit, en première instance, différentes pièces,
desquelles il ressort qu’à tout le mois le 14 février 2011, l’intimée
n’avait pas restitué l’arcade litigieuse, et qu’elle s’était engagée à
en rendre les clés le 15 mars 2011.
L’appelante n’a en revanche pas apporté la preuve de la restitution de l’arcade postérieurement au 15 mars 2011.
3.3 La situation juridique est claire si la norme s’applique au cas
concret et y déploie ses effets de manière évidente, sur la base d’une
doctrine et d’une jurisprudence éprouvée (Message du 28 juin 2006
relatif au Code de procédure civile suisse (CPC), FF 2006 6841, 6959).
Pour
François BOHNET («La procédure sommaire» in Procédure civile suisse,
Neuchâtel 2010, n. 66, p. 214 ; CPC – François BOHNET, art. 257. N. 16)
en matière pécuniaire, les cas susceptibles de faire l’objet d’une
protection en raison de leur clarté sont ceux qui pourraient aboutir au
prononcé d’une mainlevée provisoire de l’opposition, à savoir lorsque le
créancier est en possession d’une reconnaissance de dette (art. 82 al. 1
LP). En d’autres termes, le bailleur peut, sur la base du contrat de
bail, agir en paiement contre son locataire pour ce qui concerne les
loyers échus, mais pas pour les indemnités dues postérieurement à la
date pour laquelle le bail a été résilié (SJ 1984 p. 390).
En effet,
si en règle générale les indemnités pour occupation illicite
correspondent au montant du loyer brut, il n’en demeure pas moins que
des exceptions sont possibles (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 87 et
références citées) et que le fondement juridique de la prétention du
bailleur demeure controversé, l’auteur précité retenant une violation
contractuelle (97 CO ; LACHAT, op. cit., p. 821) alors que le Tribunal
fédéral oscille entre un contrat de bail de fait (ATF 131 III 257 et ATF
119 II 437), un acte illicite (ATF non publié du 26.2.1991) et un
enrichissement illégitime (ATF 119 II 437).
Cette interprétation de
François BOHNET, trop restrictive, ne convainc pas. Le texte de l’art.
257 CPC ne fait nullement référence à une reconnaissance de dette,
contrairement à l’art. 82 al. 1 LP. Par ailleurs, à l’admettre, la
portée de l’art 257 CPC, en matière pécuniaire, serait quasiment réduite
à néant, puisque l’art. 251 let. a CPC prévoit d’ores et déjà
l’application de la procédure sommaire s’agissant de décisions rendues
en matière de mainlevée d’opposition.
Il y a ainsi lieu de considérer
qu’en matière pécuniaire la situation juridique n’est pas seulement
claire au sens de l’art. 257 CPC lorsque le créancier est en possession
d’une reconnaissance de dette, mais dans tous les cas où la norme
s’applique au cas concret et y déploie ses effets de manière évidente,
sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvée.
En
l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de remettre en doute le
fait que les indemnités pour occupation illicite devraient correspondre,
in casu, au montant du loyer brut.
La situation juridique est dès
lors claire pour ce qui concerne les indemnités pour occupation illicite
dues jusqu’au 15 mars 2011.