Procédure sommaire – cas clair

Base légale

Nom du tribunal

Arrêt de la chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève

Date

11.07.2012

Résumé

Le texte de l’article 257 CPC ne fait pas référence à une reconnaissance de dette. Si tel était le cas, la portée de l’article 257 CPC, en matière pécuniaire, serait quasiment réduite à néant, au vu de l’article 251 lettre a CPC. Ainsi, il y a lieu de considérer que le cas est également clair au sens de l’article 257 CPC dans tous les cas où la norme s’applique au cas concret et y déploie ses effets de manière évidente, sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvée.

Exposé des faits

Parties sont liées par un contrat de bail portant sur une arcade au rez-de-chaussée d’un immeuble sis à Genève. Dès le 1er avril 2010, le loyer a été fixé à fr. 5887.– par mois.
Le bail a été résilié au 30 septembre 2010 pour défaut de paiement. La bailleresse soutient que les locaux n’ont été restitués par la locataire que le 15 avril 2011.
La bailleresse a conclu, en dernier lieu au paiement de la somme de fr. 57 700.60 et au prononcé des mainlevées définitives de deux commandements de payer.
Par jugement du 17 novembre 2011, le Tribunal des baux a condamné l’ancienne locataire au paiement de la somme de fr. 16 414.60, et a déclaré la requête irrecevable pour le surplus, considérant que faute de disposer d’un titre de mainlevée pour les indemnités pour occupation illicite la bailleresse ne pouvait agir par la voie du cas clair.
La bailleresse a formé appel contre ce jugement.

Considérations

3.1 En vertu de l’art. 257 al 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire lorsque (let. a) l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et (let. b) la situation juridique est claire.

3.2 L’état de fait n’est pas litigieux lorsqu’il est incontesté, à savoir lorsque les faits tels que présentés par le requérant ne sont pas remis en cause par le défendeur. On ne peut pas le déduire du simple défaut du défendeur (CPC – François BOHNET, art. 257 N. 7).
En l’espèce, il ne saurait donc être retenu que l’état de fait n’est pas litigieux, puisque l’absence de contestation par l’intimée – tant en première instance que dans la procédure d’appel – s’explique par son seul défaut.
Il convient donc de se demander si cet état de fait peut être immédiatement prouvé.
En procédure sommaire, la preuve est rapportée par titres (art. 254 al. 1 CPC), au sens de l’art. 177 CPC, à savoir des document, tels les écrits, les dessins, les plans, les photographies, les films, les enregistrements sonores, les fichiers électroniques et les données analogues propres à prouver des faits pertinents (CPC – BOHNET, art. 254 N. 2). D’autres moyens de preuve sont cependant admissibles (art. 254 al. 2 CPC) lorsque leur administration ne retarde pas sensiblement la procédure (let. a), le but de la procédure l’exige (let. b) ou le tribunal établit les faits d’office (let. c). François BOHNET relève à cet égard que si les preuves étaient limitées aux titres, la protection dans les cas clairs ferait clairement double emploi avec la mainlevée provisoire de l’opposition en matière pécuniaire (BOHNET, op. cit., art. 257 N. 11), laquelle est également soumise à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
Pour Fabienne HOHL (Procédure civile, Tome II, «Compétence, délais, procédures et voies de recours», Berne 2010, no 1676), en cas de requête en protection pour cas clair, le juge ne devrait statuer que sur la base de titres, les autres moyens de preuve ne devant entrer en ligne de compte que s’ils peuvent être administrés immédiatement. Exceptionnellement, tous les moyens de preuve doivent être admis s’ils ne retardent pas le déroulement de la procédure (art. 254 al. 2 let. a CPC) ; toutefois, le juge ne doit pas en arriver à établir l’état de fait de la même manière qu’en procédure ordinaire ou simplifiée (HOHL, op. cit., no 1677).
Il convient donc d’admettre que l’état de fait est susceptible d’être immédiatement prouvé lorsque le demandeur le prouve soit par titre, soit par le biais d’un autre moyen de preuve, admissible au regard de l’art. 254 al. 2 CPC.
En l’espèce, l’appelante a produit, en première instance, différentes pièces, desquelles il ressort qu’à tout le mois le 14 février 2011, l’intimée n’avait pas restitué l’arcade litigieuse, et qu’elle s’était engagée à en rendre les clés le 15 mars 2011.
L’appelante n’a en revanche pas apporté la preuve de la restitution de l’arcade postérieurement au 15 mars 2011.

3.3 La situation juridique est claire si la norme s’applique au cas concret et y déploie ses effets de manière évidente, sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvée (Message du 28 juin 2006 relatif au Code de procédure civile suisse (CPC), FF 2006 6841, 6959).
Pour François BOHNET («La procédure sommaire» in Procédure civile suisse, Neuchâtel 2010, n. 66, p. 214 ; CPC – François BOHNET, art. 257. N. 16) en matière pécuniaire, les cas susceptibles de faire l’objet d’une protection en raison de leur clarté sont ceux qui pourraient aboutir au prononcé d’une mainlevée provisoire de l’opposition, à savoir lorsque le créancier est en possession d’une reconnaissance de dette (art. 82 al. 1 LP). En d’autres termes, le bailleur peut, sur la base du contrat de bail, agir en paiement contre son locataire pour ce qui concerne les loyers échus, mais pas pour les indemnités dues postérieurement à la date pour laquelle le bail a été résilié (SJ 1984 p. 390).
En effet, si en règle générale les indemnités pour occupation illicite correspondent au montant du loyer brut, il n’en demeure pas moins que des exceptions sont possibles (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 87 et références citées) et que le fondement juridique de la prétention du bailleur demeure controversé, l’auteur précité retenant une violation contractuelle (97 CO ; LACHAT, op. cit., p. 821) alors que le Tribunal fédéral oscille entre un contrat de bail de fait (ATF 131 III 257 et ATF 119 II 437), un acte illicite (ATF non publié du 26.2.1991) et un enrichissement illégitime (ATF 119 II 437).
Cette interprétation de François BOHNET, trop restrictive, ne convainc pas. Le texte de l’art. 257 CPC ne fait nullement référence à une reconnaissance de dette, contrairement à l’art. 82 al. 1 LP. Par ailleurs, à l’admettre, la portée de l’art 257 CPC, en matière pécuniaire, serait quasiment réduite à néant, puisque l’art. 251 let. a CPC prévoit d’ores et déjà l’application de la procédure sommaire s’agissant de décisions rendues en matière de mainlevée d’opposition.
Il y a ainsi lieu de considérer qu’en matière pécuniaire la situation juridique n’est pas seulement claire au sens de l’art. 257 CPC lorsque le créancier est en possession d’une reconnaissance de dette, mais dans tous les cas où la norme s’applique au cas concret et y déploie ses effets de manière évidente, sur la base d’une doctrine et d’une jurisprudence éprouvée.
En l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de remettre en doute le fait que les indemnités pour occupation illicite devraient correspondre, in casu, au montant du loyer brut.
La situation juridique est dès lors claire pour ce qui concerne les indemnités pour occupation illicite dues jusqu’au 15 mars 2011.

Décision

53/8 - Procédure sommaire – cas clair

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