Nullité de congé – Abus de droit
Base légale
Nom du tribunal
Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
17.12.2004
Résumé
Si le congé donné par le bailleur n’est pas communiqué séparément au locataire et à son conjoint, il est nul. La nullité d’un congé peut être invoquée en tout temps, sauf abus de droit. Le fait de s’être volontairement abstenu d’invoquer le motif de nullité alors qu’ils le connaissaient constitue de la part des locataires un comportement abusif.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail signé le 18 novembre 1997
et portant sur un appartement de quatre pièces à G. Le 20 novembre 1997,
l’époux de la locataire a signé une déclaration selon laquelle il
n’entendait pas faire valoir de droit sur l’appartement loué par son
épouse.
Le 21 février 2001, le bailleur a notifié à la locataire un
avis de résiliation du bail pour le 30 novembre. L'appartement n'ayant
pas été libéré, le bailleur a saisi la Commission de conciliation en
matière de baux et loyers d'une requête en évacua¬tion; non conciliée,
la cause fut portée devant le Tribunal des baux et loyers.
Le 6 juin
2002, l'époux de la locataire a saisi la Commission de conciliation
d'une requête en constatation de la nullité du congé notifié à son
épouse, au motif qu'il n'avait pas reçu d'avis de résiliation. Non
conciliée, cette cause fut introduite devant le Tribunal, qui ordonna la
jonction des causes. Lors de l'audience du 12 mai 2003, les époux ont
précisé qu'ils avaient repris la vie commune peu après que l'épouse ait
loué seule l'appartement et que celle-ci avait omis d'en informer le
bailleur.
Par jugement du 19 février 2004, le Tribunal considéra que
le congé donné unique¬ment à la locataire était nul, l'appartement étant
un logement de famille. Toutefois, dans la mesure où l'époux de la
locataire avait attendu, pour agir en justice, le mois de juin 2002,
alors que la procédure en évacuation contre son épouse était au stade
d'être jugée et que les époux avaient déjà consulté l'ASLOCA en automne
2001, le Tribunal considéra qu'un tel comportement était abusif et qu'il
entraînait la dé-chéance des locataires du droit de se prévaloir de la
nullité du congé.
Par jugement du 19 février 2004, le Tribunal des
baux et loyers a déclaré valable la résiliation du bail donnée le 21
février 2001 pour le 30 novembre 2001 et a ordonné l'évacuation
immédiate des locataires. Ceux-ci ont interjeté appel de ce jugement.
Considérations
3. La nullité d’un congé peut être invoquée en tout temps, sauf abus de droit (LACHAT, Le droit du bail, 1997, page 465).
En
l'espèce, l'appelant avait expressément déclaré, lors de la conclusion
du bail, qu'il n'avait aucun droit à faire valoir sur l'appartement, de
sorte que le bailleur a considéré, de manière légitime, qu'il ne
s'agissait pas d'un logement conjugal. L'appelante a en outre reconnu,
lors de l'audience de comparution personnelle des parties, qu'elle
n'avait pas signalé à la Régie que son mari l'avait rejointe.
C'est
en 2001 déjà, à une date qui n'a pas été déterminée de manière précise,
mais en tout cas avant l'introduction de la requête en évacuation, que
les appelants avaient été informés par l'ASLOCA que le congé était nul
pour n'avoir pas été notifié aux deux époux. Or, dans le cadre de la
procédure en évacuation dirigée à son encontre, l'appelante n'a invoqué
aucun motif de contestation; elle n'a formé aucune écriture et s'est
contentée de s'en rapporter à justice par courrier de son conseil du 6
mai 2002.
C'est une fois que la cause a été retenue à juger que
l'appelant a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et
loyers d'une requête en constatation de la nullité du congé, au motif
qu'il n'avait lui-même reçu aucun avis officiel de résiliation.
Les
appelants ont donc manifestement attendu volontairement de nombreux mois
pour soulever cet argument que le bailleur lui-même était dans
l'impossibilité de connaître, puisqu'il s'était fondé sur la déclaration
de l'appelant qu'il ne s'agissait pas d'un appartement conjugal.
Le
fait de s'être volontairement abstenu d'invoquer le motif de nullité
alors qu'ils le connaissaient et d'avoir même déclaré que le locataire
s'en rapportait à justice dans le cadre de la procédure en évacuation
avant la première audience de plaidoirie, constitue de la part des
appelants un comportement abusif, comme l'a relevé à juste titre le
Tribunal des baux et loyers.
Décision
40/6 - Nullité de congé – Abus de droit