Chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève
12.06.2006
La notification d’une modification du bail à loyer doit répondre à des critères de clarté et de précision. L’obligation pour le locataire de se référer aux pièces du dossier ne lui permet pas de se rendre compte de la portée précise de la modification et de décider en toute connaissance de cause de l’opportunité de la contester ou non. Une telle formulation n’est donc pas compatible avec les exigences impératives de clarté que doit revêtir la formule de notification selon les réquisitions de l’art. 269 d CO et de la jurisprudence qui s’en est dégagée.
3. L’appelante fait grief aux premiers juges d’avoir commis une violation de l’art. 269d al. 2 et al. 3 CO dans la mesure où, s’agissant d’une modification du bail, ses motifs doivent être indiqués à peine de nullité. Elle se plaint en outre que la rédaction de la modification elle-même n’était ni claire, ni compréhensible et partant non valable.
3.1. L’art. 269d CO dispose que le bailleur peut en tout temps
majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L’avis de
majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au
locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et
être effectué au moyen d’une formule agréée par le canton (al. 1).
Les majorations de loyer sont nulles lorsque :
a) elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle;
b) les motifs ne sont pas indiqués ;
c) elles sont assorties d’une résiliation ou d’une menace de résiliation (al. 2).
Les
premier et deuxième alinéas sont aussi applicables lorsque le bailleur
envisage d’apporter unilatéralement au contrat d’autres modifications au
détriment du locataire, par exemple en diminuant ses prestations ou en
introduisant de nouveaux frais accessoires (al. 3).
3.2. En la présente occurrence, la bailleresse a fait parvenir à la
locataire, en date du 22 avril 2002, l’avis litigieux sur la formule
officielle en vigueur dans le canton de Genève pour la majoration de
loyer ou d’autres modifications du bail. La formulation adoptée était en
bref la suivante :
- le loyer annuel de 7'152 fr. était inchangé ;
- sous
la rubrique B visant l’application de l’art. 269d al. 3 CO, aucune
inscription n’était portée si ce n’est le maintien des charges au
montant annuel de 1'140 fr. ;
- en dessous de l’indication : motifs
précis de la majoration ou des modifications ci-dessus, il était porté
en caractères gras :
« A l’échéance du bail, celui-ci se renouvellera
de 5 ans en 5 ans, avec indexation à l’intégralité de l’ISPC (art. 17,
al. 1 OBLF) » ;
suivaient en dessous la date et la signature du mandataire de la bailleresse.
Cette
rédaction n’est certes pas exemplaire au regard des normes applicables,
en particulier de l’articulation de la formule officielle approuvée par
arrêté du Conseil d’Etat, dans la mesure où la modification du bail
doit être indiquée par le bailleur au chapitre B ; n’ayant pas suivi ce
modus, l’écrit est à tout le moins contradictoire ; il ne revêt pas les
exigences de clarté, requises à peine de nullité par la jurisprudence
fédérale, à savoir :
« Selon la jurisprudence rendue en matière de
motivation des hausses de loyer, qui doit donc s’appliquer à toutes les
autres modifications unilatérales du contrat par le bailleur, les
renseignements donnés par un autre moyen que la formule officielle
peuvent préciser ou servir à l’interprétation des motifs mentionnés sur
l’avis formel, mais non étendre ceux-ci ou remplacer une indication
omise. Le droit du bail est un domaine juridique empreint de formalisme,
dans lequel il convient de se montrer strict en matière de respect des
prescriptions de forme ; il ne faut en principe pas admettre d’exception
aux règles édictées dans l’intérêt du locataire (ATF 121 III 6, consid.
3a et les arrêts cités). Ainsi , lorsque les motifs ne sont pas
mentionnés sur la formule officielle, mais sont indiqués uniquement dans
une annexe ou dans une lettre d’accompagnement, la modification
unilatérale du contrat est nulle (ATF 120 II 206, consid. 3b). Il en va
de même lorsque le contenu de la communication figurant sur la formule
officielle n’est pas suffisamment précis (ATF 121 III 6, consid. 3b). Si
le sens et la portée de cette communication ne sont pas clairs, il y a
lieu de l’interpréter comme toute manifestation de volonté du bailleur,
selon le principe de la confiance. On examinera d’après les facultés de
compréhension du locataire et au vu de toutes les circonstances du cas
particulier, si les motifs donnés sont suffisamment clairs et précis,
pour que l’intéressé puisse décider en toute connaissance de cause s’il
veut s’opposer ou non aux nouvelles clauses contractuelles (ATF 121 III
6, consid. 3c ; ATF 121 III 466 ; ATF 121 III 460 = SJ 1966, p. 249,
consid. 4a) cc) ».
3.3. Dans le cas particulier, la modification du contrat ne saute pas
aux yeux puisque le chapitre prévu pour cette dernière ne contient
aucune mention ; en particulier, l’art. 1 dudit chapitre B, réservé à la
nouvelle échéance du bail proposée, avec reconduction éventuelle selon
clause du bail, n’a pas été remplie, permettant de penser que l’échéance
du bail n’était pas modifiée, selon le sens que le destinataire pouvait
donner de bonne foi à la communication.
Certes, à l’emplacement des
motifs précis, il était indiqué qu’à l’échéance du bail, celui-ci se
renouvellera de 5 ans en 5 ans ; encore faut-il rechercher l’échéance du
bail qui n’est pas précisée, par rapport à cette notification du 22
avril 2002 ; pour ce faire, le locataire avait à considérer que selon le
procès-verbal de conciliation du 27 juin 1997, le bail se renouvelait, à
partir de l’échéance du 30 septembre 2001, d’année en année, sauf congé
donné trois mois d’avance ; au moment de la notification du 22 avril
2002, le locataire devait déduire que le contrat se renouvellera à
l’échéance du 30 septembre 2002 pour une durée de cinq ans, soit
jusqu’au 30 septembre 2007. Cette référence nécessaire aux pièces du
dossier, ne permettait pas au destinataire de la communication du 22
avril 2002 de se rendre immédiatement compte de sa portée précise et de
décider en toute connaissance de cause de l’opportunité de la contester
ou non.
Cette formulation n’est donc pas compatible avec les
exigences impératives de clarté que doit revêtir la formule de
notification selon les réquisits de l’art. 269d CO et de la
jurisprudence qui s’en est dégagée.
3.4. Cette conclusion s’impose encore au regard de la mention
introduite au chapitre A de la formule qui a trait au loyer annuel
indiqué comme inchangé, alors que le bailleur vise précisément
l’introduction d’une clause d’indexation du loyer. Ce libellé
contradictoire est de nature à conduire le destinataire à ne pas lui
donner l’importance qu’il mérite quant à la modification qu’il vise à
introduire sur les réadaptations (futures) dudit loyer, qui est annoncé
comme inchangé.
En outre, l’absence de toute motivation contrevient
également aux exigences dégagées par la jurisprudence quant aux
conditions de validité de l’avis de hausse de loyer ou d’autres
prétentions du bailleur qui, à peine de nullité, doit être motivé ; dans
le cas d’espèce, la motivation était d’autant plus indispensable
qu’elle aurait, cas échéant, permis au destinataire de se rendre compte
de la portée précise de la communication dont les insuffisances ont été
relevées ci avant.
C’est le lieu de souligner que l’art. 269d CO
offre au bailleur d’obtenir la modification du contrat contre la volonté
du locataire (ATF n° 4C.289/1995, consid. 3.a). Il en découle que les
exigences de clarté et de motivation doivent être scrupuleusement
suivies, de façon que l’avis soit opposable à son destinataire, selon le
sens que le locataire peut lui attribuer de bonne foi ; à ce défaut, la
communication est nulle et ne peut déployer un quelconque effet
juridique.