Chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève
16.05.2011
La loi ne prévoit pas, et il serait déraisonnable de l’imposer par voie jurisprudentielle, qu’au stade de la notification, le bailleur doive documenter les frais, en annexant les contrats conclus. Il est suffisant que certains frais soient regroupés dans une même sous-rubrique, sans connaître leur détail. Le locataire connaît ainsi le montant global de chacune des sous-rubriques et peut donc apprécier leur impact financier, c’est en définitive le coût global qui importe pour celui qui doit payer.
2.1. Les frais accessoires ne sont à la charge du locataire que si
cela a été convenu spécialement (art. 257a al. 2 CO ; CdB 1/09, p. 22).
La loi exige donc que les parties en soient convenues d’une manière
suffisamment précise, en détaillant les postes effectifs (ATF 121 III
460 consid. 2a/aa et les auteurs cités ; CdB 2/08, p. 61). En concluant
le contrat, le locataire doit comprendre facilement quels sont les
postes qui lui seront facturés en plus du loyer (arrêt 4 P.323/2006 du
21 mars 2007 consid. 2.1 ; LACHAT, Droit du bail, Lausanne, 2008, p.
334). Le renvoi à une annexe standardisée du contrat, comme les «
dispositions générales pour baux d’habitation », ne suffit pas pour
admettre que les parties ont passé une convention spéciale sur le
paiement des frais accessoires. En effet, on ne peut exiger du locataire
qu’il se fasse une idée des frais accessoires qu’il aura à payer par
une consultation attentive des conditions annexées au contrat. Il a bien
plutôt droit à ne se voir facturer que les frais accessoires clairement
et précisément décrits dans le contrat (arrêt 4C.24/2002 du 29 avril
2002 consid. 2.4.2, in Mietrechtspraxis [mp] 2002 p. 163 ss). Les frais
énumérés dans des conditions générales peuvent toutefois, selon les
circonstances, être facturés au locataire, dans la mesure où ils peuvent
être considérés comme une concrétisation des frais accessoires déjà
attribués au locataire dans le contrat (arrêt 4C.250/2006 du 3 octobre
2006 consid. 1.1 ; ATF 135 III 591 consid. 4.3.1).
Les frais
accessoires sont à la charge du preneur en vertu du bail, seuls les
frais effectifs peuvent être demandés. Le bailleur ne peut réaliser
aucun profit sur les frais accessoires (ATF 107 II 264 consid. 2a).
Par
ailleurs, si le bailleur perçoit les frais accessoires de manière
forfaitaire, il doit se fonder sur une moyenne calculée sur une période
de trois ans (art. 4 al. 2 OBLF). Le décompte de frais accessoires doit
ansi comporter :
- la liste chiffrée des frais accessoires mis en compte (chauffage, eau chaude, taxe d’épuration, frais de concierge, etc.) ;
- le total de ces frais accessoires ;
- la clé de répartition des frais accessoires entre les locataires ;
- le montant dû par le locataire pour la période concernée ;
- le montant des acomptes payés en cours de l’exercice ;
- le solde dû par le locataire ou le trop perçu que le bailleur doit rembourser (LACHAT, op. cit. p. 340).
Si
le décompte des frais de chauffage et d’eau chaude ne comporte pas
suffisamment de détails, le bailleur doit indiquer que le locataire peut
les exiger (art. 8 al. 1 OBLF). Le locataire a ainsi le droit de
prendre connaissance des pièces justificatives qui fondent une
prétention du bailleur relative aux frais accessoires (art. 257b al.
2CO).
Il résulte de ce qui précède que le bailleur doit prouver le
montant des frais qu’il réclame et les locataires doivent bénéficier des
éventuels escomptes, prix de gros et ristournes consentis par les
fournisseurs (LACHAT, op. cit. p. 338).
2.2 Le bailleur peut en tout
temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L’avis de
majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au
locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et
être effectué au moyen d’une formule agréée par le canton (art. 269d al.
1 CO). La disposition précitée est aussi applicable lorsque le bailleur
envisage d’apporter unilatéralement au contrat d’autres modifications
au détriment du locataire, par exemple en diminuant ses prestations ou
en introduisant de nouveaux frais accessoires (art. 269d al.3 CO). Pour
les baux d’habitation et de locaux commerciaux, les frais accessoires ne
peuvent être modifiés en cours de bail qu’aux conditions des art. 269d
al. 3 et 270b al. 2 CO, relatifs aux modifications unilatérales du
contrat. L’introduction de nouveaux frais accessoires obéit aux mêmes
règles (LACHAT, op. cit., p. 336-337).
Les clauses contractuelles
relatives aux frais accessoires, ayant pour objet de spécifier les
dépenses imputables au locataire et les montants que celui-ci doit
verser périodiquement à titre de forfait ou d’acomptes, sont modifiables
à l’initiative du bailleur ou du locataire selon les art. 269d, 270a et
270b CO qui visent au premier chef l’augmentation ou la diminution du
loyer (ATF 4D_45/2010 du 31 mai 2010, consid. 3).
A peine de nullité,
le bailleur doit désigner précisément sur la formule officielle les
frais accessoires qu’il entend mettre désormais à la charge du
locataire, la date de leur entrée en vigueur et les motifs précis les
justifiant (art. 19 al. 1 let. b OBLF).
Le motif de la modification
peut figurer dans un courrier d’accompagnement, auquel cas l’avis
officiel doit expressément s’y référer (art. 19 al. 1bis OBLF).
La
formule officielle ou la lettre d’accompagnement à laquelle elle renvoie
doit énumérer les nouveaux frais accessoires, et préciser pour chacun
d’entre eux les motifs de la prétention et les provisions
correspondantes (art. 19 al. 1 let. a chiffre 4 OBLF).
L’utilisation
d’une formule créée par le bailleur et dont le contenu satisfait aux
exigences de l’art. 19 OBLF n’est admissible que si elle a été
homologuée par l’autorité cantonale compétente (ATF 121 III 214 JT 1996 I
38).
Les motifs de l’avis de majoration doivent être précis et
permettre au locataire de saisir la portée et la justification de la
majoration de manière à pouvoir apprécier en pleine connaissance de
cause l’opportunité ou non de la contester (ATF 121 III 6). Le sens des
motifs figurant dans l’avis s’interprète à la lumière du principe de la
confiance, en d’autres termes la volonté du bailleur telle que peut la
comprendre le locataire destinataire de bonne foi (ATF 118 II 130
consid. 2b). Les conditions de forme particulièrement rigoureuses qui
sont imposées au bailleur mettent le locataire en mesure de contester le
loyer qui lui est annoncé et d’invoquer les règles édictées contre les
loyers abusifs (TERCIER/FAVRE, Les contrats spéciaux, 4e éd., 2009, n.
2637). Ces conditions de forme sont donc indissociables du système de
protection contre les loyers abusifs (ATF 4A_177/2010 du 14 juin 2010,
consid. 3).
La motivation indiquée dans l’avis de majoration
constitue une manifestation de volonté du bailleur, soit un acte
juridique unilatéral qui se manifeste sous la forme d’un droit formateur
(GAUCH/SCHLUEP, Schweizerisches Obligationenrecht, vol. I, 5e éd., p.
24 ss n. 151 ss). La détermination de son sens et de sa portée
s’effectue conformément aux principes généraux en matière
d’interprétation des manifestations de volonté (KRAMER, Commentaire
bernois, n. 50 ad art. 18 CO), ce qui vaut également pour l’exigence de
clarté. Si les parties ne sont pas d’accord sur le sens à donner aux
motifs figurant dans l’avis formel de majoration, il y a lieu
d’interpréter ceux-ci selon le principe de la confiance. On examinera
d’après les facultés de compréhension du locataire et au vu de toutes
les circonstances du cas particulier si les motifs donnés sont
suffisamment clairs et précis pour que l’intéressé puisse décider en
toute connaissance de cause s’il veut s’opposer ou non aux nouvelles
clauses contractuelles (ATF 121 III, 6 consid. 3 c). Lorsque le contenu
des motifs n’est pas suffisamment clair et précis, renvoyant par exemple
à des facteurs de hausse incompatibles entre eux, il est nul (ATF 121
III 6).
Le droit du bail est un domaine juridique empreint de
formalisme, dans lequel il convient de se montrer strict en matière de
respect des prescriptions de forme. Il ne faut en principe pas admettre
d’exceptions aux règles édictées dans l’intérêt du locataire (ATF 121
III 6 consid. 3a).
2.3 En l’occurrence, l’appelante reproche aux premiers juges d’avoir
fait preuve de formalisme excessif et d’avoir procédé à une
interprétation arbitraire de la communication adressée aux locataires le
5 octobre 2009, violant ainsi les art. 269d CO et 19 OBLF, ainsi que
les articles 29 et 9 de la Constitution fédérale.
La lettre
d’accompagnement et son annexe, auxquelles renvoie l’avis officiel,
détaillent les modifications souhaitées et exposent leurs effets sur le
plan financier. La lettre d’accompagnement énumère et détaille
l’ensemble des frais concernés et le tableau annexé permet de comprendre
leur importance économique.
Certes, les justificatifs des frais ne
sont pas produits, mais la loi ne prévoit pas, et il serait
déraisonnable de l’imposer par voie jurisprudentielle, qu’au stade de la
notification, le bailleur doive documenter les frais, en annexant les
contrats conclus. Par ailleurs, certains frais, les abonnements en
particulier, sont regroupés dans une même sous-rubrique, de sorte que le
locataire ignore le montant exact de chacun des frais composant
globalement une sous-rubrique. Il connait toutefois le montant global de
chacune des sous-rubriques et peut donc apprécier leur impact
financier, car c’est en définitive le coût global qui importe pour celui
qui doit payer.
Pris ensemble, l’avis et la lettre d’accompagnement,
ainsi que son annexe, dressent donc un tableau compréhensible et
complet du motif, de la nature et de l’importance financière des
changements voulus, même s’ils ne fournissent pas le détail du coût de
chacun des contrats d’abonnement conclus.
Le fait que le coût soit
communiqué par exercice, sur 4 exercices, puis en moyenne constitue
également un élément important, puisqu’il permet d’apprécier la
stabilité, respectivement la volatilité des coûts.
La Cour considère
par conséquent que les locataires étaient en mesure de comprendre tant
le principe et la justification de la modification souhaitée, que ses
incidences sur le plan financier, et qu’ils pouvaient donc apprécier en
pleine connaissance de cause l’opportunité ou non de la contester.
Par conséquent, la validité de l’avis officiel de modification notifié le 5 octobre 2009 doit être reconnue sur le plan formel.