Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève
20.04.2009
En cas de reconduction de bail pour une période de cinq ans, avec indexation de loyer à l’indice suisse des prix à la consommation, le locataire peut comprendre de cet avis la volonté du bailleur d’augmenter proportionnellement le loyer au coût de la vie et qu’il n’entend ainsi pas accepter une éventuelle demande de baisse de loyer. Dans ces circonstances, le locataire se trouve dans l’hypothèse de l’art. 270 al. 3 CO et est en conséquence dispensé de suivre la procédure prévue à l’art. 270a al. 2 CO.
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de 4,5 pièces.
Le
début du contrat a été fixé au 1er juin 1980 pour se terminer le 30
juin 1983. Par la suite, le bail s’est prolongé d’année en année. Le
loyer initial, fixé à fr. 6'180.- par année, s’est prolongé d’année en
année.
Le 23 novembre 2001, le bail a été modifié et reconduit pour
une nouvelle période de cinq ans avec une clause d’indexation à l’indice
suisse des prix à la consommation. Le loyer annuel, charges non
comprises, a ainsi été indexé à fr. 16'680.- dès le 1er juillet 2002,
puis fr. 16'884.- dès le 1er juillet 2004 et enfin à fr. 17'304.- dès le
1er juillet 2006.
Le 25 janvier 2007, la bailleresse a proposé à la
locataire de proroger le bail pour une nouvelle période de cinq ans,
soit du 1er juillet 2007 au 30 juin 2012. L’avis de modification du bail
contenait également une clause d’indexation du loyer à l’indice suisse
des prix à la consommation. La locataire s’est opposée à cette
modification et a déposé, le 21 février 2007, devant la Commission de
conciliation en matière de baux et loyers une requête en diminution de
loyer, fondant celle-ci sur la baisse du taux hypothécaire. Le même
jour, elle a adressé à la bailleresse une requête en diminution de
loyer. Par courrier du 12 mars 2007, la bailleresse a indiqué à la
locataire qu’elle ne pouvait accéder à sa demande.
Déclarée non
conciliée le 22 mai 2007, la requête en baisse de loyer a été déposée
devant le Tribunal des baux et loyers le 30 mai 2007. Par jugement du 8
septembre 2008, ledit Tribunal a déclaré irrecevable la requête en
diminution de loyer de la locataire. La locataire a interjeté appel de
ce jugement.
L’intimée considère que la locataire, en omettant de lui soumettre sa
demande de baisse de loyer avant de saisir la Commission de
conciliation, n’a pas respecté la procédure requise. Elle rappelle le
caractère impératif de l’art 270a al. 2 CO, qui impose au locataire
souhaitant solliciter auprès de la juridiction des baux et loyers une
réduction de loyer de prendre préalablement contact avec le bailleur. La
bailleresse explique, en outre que l’art. 270a al. 3 CO ne s’applique
pas au cas d’espèce. L’avis de reconduction de bail signifié le 25
janvier 2007 ne constitue pas un avis d’augmentation de loyer, mais
uniquement une prorogation de bail avec indexation à l’indice suisse des
prix à la consommation. La locataire n’ayant pas respecté la procédure
imposée, le Tribunal aurait ainsi à juste titre déclaré irrecevable sa
requête.
3.1 Conformément à l’art. 270a CO, le locataire peut
contester le montant du loyer et en demander la diminution pour le
prochain terme de résiliation, s’il a une raison d’admettre que la chose
louée procure au bailleur un rendement excessif au sens des art. 269 et
269a CO à cause d’une notable modification des bases de calcul,
résultant en particulier d’une baisse des frais
En vertu de l’art
270a al. 2 CO, il doit pour ce faire adresser sa demande de diminution
de loyer par écrit au bailleur, qui dispose d’un délai de trente jours
pour se déterminer. Si ce dernier ne donne pas suite à la demande, ne
l’accepte que partiellement ou ne répond pas dans le délai prescrit, le
locataire peut saisir l’autorité de conciliation dans les trente jours.
Norme
impérative relevant à la fois du droit formel des loyers et de la
procédure, l’art. 270a CO indique les formalités à respecter par le
locataire qui entend solliciter une diminution du loyer. La disposition
prévoit également des conditions matérielles de recevabilité de la
demande de baisse. Il s’agit par-là de s’assurer que la prétention du
locataire n’équivaut pas à une remise en cause tardive du loyer initial
(LACHAT, Commentaire romand du Code des Obligations, n. 1 ad art. 270a
CO, p. 1424). La procédure préalable prévue vise également à permettre
un échange de vues entre les parties au sujet du loyer futur et à
favoriser la conclusion d’un accord amiable (ATF 132 III 702 consid. 4 ;
122 III 20 consid. 4c ; ACJC/402/2007 du 2 avril 2007 ; SVIT-Kommentar,
2e éd., n. 28 ad art. 270a CO).
L’art 270a al. 2 CO n’est toutefois
pas applicable lorsque le locataire qui conteste une augmentation de
loyer en demande simultanément la diminution (art. 270a al. 3 CO). Le
contact préalable entre le locataire et le bailleur est ainsi superflu
quand la demande de baisse est opposée reconventionnellement à une
majoration de loyer (LACHAT, op. cit., n. 9 ad art. 270a CO, p. 1425).
En outre, le locataire peut renoncer à la procédure préalable de demande
de diminution adressée au bailleur, lorsque celui-ci refuse clairement
d’emblée une diminution de loyer. L’art. 270a al. 3 CO revêt un
caractère exceptionnel et ne doit pas être étendu inconsidérément (ATF
132 III 702 consid. 4, JdT 2007 I p. 47, SJ 2007 I p. 254, Cahiers du
bail 1/07 p. 19).
L’indexation est un mode exclusif de fixation de
loyer. Les parties présument que l’adaptation du loyer à l’augmentation
de l’indice suffira à couvrir l’évolution des charges et des autres
facteurs de fixation du loyer. Par conséquent, les parties renoncent à
se prévaloir de ces facteurs pendant toute la durée du bail. Ce n’est
qu’à l’échéance du bail indexé que les parties pourront à nouveau
invoquer, à la hausse ou à la baisse, les critères légaux de fixation du
loyer (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 507).
3.2 En l’espèce, l’appelante a déposé, le 21 février 2007, devant la
Commission de conciliation en matière de baux et loyers une requête en
diminution de loyer. Elle a ainsi saisi la juridiction dans les 30 jours
suivant la réception, le 25 janvier 2007, d’un avis de majoration de
loyer ou d’autres modifications du bail. Comme le relève la locataire,
cet avis ne prévoyait pas une augmentation de loyer, mais une
reconduction de bail pour une période de cinq ans ainsi qu’une
indexation de loyer à l’indice suisse des prix à la consommation.
Eu
égard aux hausses successives qui avaient résulté de l’indexation de son
loyer en 2002, 2004 et 2006 et à la situation économique qui prévalait
en 2007, l’appelante pouvait cependant raisonnablement considérer l’avis
de prorogation de bail comme une proposition entraînant une
augmentation future de son loyer. En outre, si la modification envisagée
par le bailleur était entrée en vigueur, la locataire n’aurait plus été
en mesure, durant les cinq prochaines années, de contester les hausses,
sous réserve d’une contestation portant sur l’évolution de l’ISPC ou de
son incidence sur le loyer (art. 270c CO).
Il apparaît également que
la locataire pouvait comprendre de cet avis la volonté du bailleur
d’augmenter proportionnellement le loyer au coût de la vie et qu’il
n’entendait ainsi pas accepter une éventuelle demande de baisse de
loyer.
Enfin, dès la signification de l’avis de majoration, les
parties se trouvaient dans un litige relatif au loyer que l’appelante
aurait à verser à l’intimée et pas dans un cas de divergence d’opinion
générale relatif à des éléments distincts du contrat de bail. En
déposant sa requête en diminution de loyer, la locataire n’a, par
conséquent, pas introduit une nouvelle question qui aurait mérité un
échange de vues afin de favoriser un accord amiable (cf. ATF 132 III
consid. 4).
Au vu de ces circonstances, l’appelante se trouvait dans
l’hypothèse de l’art. 270a al. 3 CO et était en conséquence dispensée de
suivre la procédure prévue à l’art. 270a al. 2 CO.
En déclarant
irrecevable la requête en diminution de loyer, le Tribunal a donc violé
l’art. 270 a al. 3 CO. Le jugement entrepris sera par conséquent annulé.