Indemnité pour plus-value
Base légale
Nom du tribunal
Chambre d’appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
11.06.2007
Résumé
Le Tribunal fédéral a laissé indécise la question de savoir si le fait qu’un bail était résilié par la faute du locataire constituait un motif d’exclusion ou seulement de réduction de l’indemnité, en ce sens que le montant dû devait être déterminé en se plaçant à l’échéance ordinaire du bail, notamment pour le calcul de l’amortissement.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur des
locaux de 800m2, au rez-de-chaussée et au sous-sol d’un immeuble à G. Le
contrat précise que les locaux sont destinés aux activités sportives,
récréatives et culturelles de la locataire. La durée du bail a été fixée
à 5 ans, soit jusqu’au 31 décembre 1998, renouvelable tacitement
d’année en année. Le loyer annuel, indexé, a été fixé à fr. 72'000.-.
Les
mêmes parties ont signé un second bail, portant sur les mêmes locaux,
le 15 décembre 1999. Le locataire s’est engagé alors à ce que les
personnes fréquentant les locaux n’incommodent pas les voisins d’une
manière quelconque. La conclusion de ce contrat a été précédée de
discussion entre les parties concernant l’installation par la locataire
d’une ventilation/climatisation dans les locaux. La bailleresse a
finalement accepté de participer à cet investissement à concurrence de
fr. 44'785.-.
Le 4 novembre 1999, plusieurs locataires de l’immeuble
se sont plaintes à la régie, exposant qu’après une accalmie entre 1996
et le printemps 1999, le « bruit intolérable » avait recommencé.
Le 2
avril 2001, l’Office cantonal de l’inspection et des relations du
travail a autorisé l’aménagement des locaux en bar-dancing. Il ne
résulte pas de ce document qu’il ait été transmis au propriétaire.
Des
plaintes sont à nouveau parvenues à la régie en 2001, 2002 et 2003.
Certains locataires ont menacé la régie de consigner leur loyer si le
règlement de l’immeuble, lequel prévoit que la tranquillité doit régner
de 22h. à 07h., continuait à être bafoué.
Le bail de la locataire a
été résilié le 26 janvier 2004 avec effet au 31 décembre 2004. La régie
l’avertissait qu’elle s’exposait à une résiliation immédiate du contrat
avant son échéance si la situation ne changeait pas radicalement et à
défaut de mesures prises pour supprimer les nuisances actuelles. Les
bailleurs se réservaient le droit de lui réclamer le remboursement de
tout investissement accordé.
Le 26 février 2004, la locataire a saisi
la Commission d’une requête en annulation de congé, subsidiairement en
prolongation de bail et en paiement d’une indemnité de fr. 100'000.- à
titre de travaux de plus-value ; déclarée non conciliée le 10 août 2004,
la cause a été introduite le 13 août 2004 devant le Tribunal.
Par
jugement du 28 mars 2006, le Tribunal a déclaré valable le congé notifié
le 26 janvier 2004 pour le 31 décembre 2004 et fixé l’indemnité pour
plus-value à fr. 10'000.-. La locataire a fait appel de ce jugement.
Considérations
6. 6.1 En vertu de l'art. 260a al. 1 CO, le locataire n'a le droit de
rénover ou de modifier la chose qu'avec le consentement écrit du
bailleur. Selon l'al. 3, si, à la fin du bail, la chose présente une
plus-value considérable résultant de la rénovation ou de la modification
acceptées par le bailleur, le locataire peut exiger une indemnité pour
cette plus-value; sont réservées les conventions écrites prévoyant des
indemnités plus élevées.
L'art. 260a al. 3 est de droit dispositif.
Ainsi les parties peuvent convenir à l'avance d'une indemnité plus
élevée que ne l'exige la disposition, ou au contraire supprimer toute
indemnité. La plus-value correspond à la valeur ajoutée à la chose
louée, non encore amortie à la fin du bail. Elle s'apprécie
objectivement, eu égard aux frais exposés par le locataire et à
l'utilité des travaux pour le bailleur. Le juge apprécie de cas en cas
si la plus-value est considérable eu égard à l'ensemble des
circonstances (coût des travaux, loyer payé par le locataire, avantages
dont le bailleur pourra tirer profit etc...). L'indemnité ne se mesure
pas nécessairement à l'aune de la plus-value qui subsiste et elle peut
être modulée en fonction des particularités du cas d'espèce. La quotité
de la somme pourra ainsi varier en fonction des critères suivants : le
loyer réduit dont a bénéficié le preneur en contrepartie des travaux ou
l'augmentation de loyer (économisée) qu'il aurait été amené à débourser
si l'ouvrage avait été réalisé par le bailleur, les avantages
particuliers qu'entraîne la rénovation ou la modification pour le
locataire, inversement, le profit réduit qu'en retire le bailleur, ainsi
que les circonstances qui ont motivé la fin des rapports contractuels.
Selon les circonstances, l'indemnité doit être appréciée en équité par
le juge (ATF 4C.97/2005 et ATF 4C. 18/2006).
L'existence de la
plus-value se détermine à la fin du bail, c'est-à-dire à la date à
laquelle le preneur doit restituer la chose selon l'art. 267 CO. Ce jour
correspond au terme du congé signifié. Si une prolongation a été
obtenue, la date de la fin de la prolongation sera déterminante. Lorsque
le locataire a exécuté personnellement les travaux, la valeur de ces
prestations se calcule en fonction du prix qu'aurait exigé un
professionnel de la branche pour le même ouvrage. (BARBEY, Les travaux
de rénovation et de modification de la chose louée entrepris par le
locataire, 10e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel, 1998, p. 13 et
ss; cf. également ACJC no 1261 du 14.11.2005, S c/ Z).
Dans un
arrêt du 18 août 2005, le Tribunal fédéral a laissé indécise la question
de savoir si le fait qu'un bail était résilié par la faute du locataire
constituait un motif d'exclusion ou seulement de réduction de
l'indemnité, en ce sens que le montant dû devait être déterminé en se
plaçant à l'échéance ordinaire du bail, notamment pour le calcul de
l'amortissement. Dans le cas concerné où aucune indemnité n'avait été
retenue alors que le bail avait été résilié pour défaut de paiement. Le
Tribunal fédéral a estimé que la solution à laquelle la cour cantonale
était parvenue, se justifiait également au regard des principes de la
bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit découlant des art. 2
al. 1 et 2 CC, qui tendent notamment à éviter qu'une institution ne soit
employée contrairement à son but. Il serait en effet inéquitable que le
locataire puisse tirer avantage d'une résiliation anticipée due à sa
seule faute (ATF 4C.97/2005).
6.2 En l'espèce, l'appelante réclame
une indemnité de 100'000 fr. pour la plus-value des travaux réalisés
dans les locaux. Le bailleur, tout en contestant l'existence de travaux à
plus-value, n'entend pas remettre en cause en appel l'indemnité de
10'000 fr. allouée par le Tribunal.
L'appelante se fonde sur la
pièce nouvelle produite avec son appel et expose que d'importants
travaux ont été réalisés après la conclusion du premier bail le 13
décembre 1993, en particulier en 1999-2000. La peinture a également été
régulièrement refaite au fil des ans, de telle sorte que la clause
particulière contenue dans le premier contrat, selon laquelle la
locataire a été libérée du paiement de deux mois de loyer en
compensation des travaux réalisés, n'était pas pertinente pour lui
refuser une indemnité.
Les parties admettent que la locataire a
réalisé les travaux d'aménagement des locaux nécessaires à ses
activités. L'objet de ces travaux a été précisé au cours des enquêtes,
soit pose de murs, faux-plafonds, carrelage, travaux de peinture et
installation de sanitaires et d'une cuisine, travaux qui peuvent être
assimilés à des travaux à plus-value et qui ont été autorisés par les
bailleurs. S'il est fort probable que ces travaux d'aménagement ont été
réalisés peu de temps après la signature du bail et non pas plusieurs
années plus tard, auquel cas la locataire aurait dû d'ailleurs obtenir
un nouvel accord écrit des bailleurs pour être indemnisée, ce qu'elle
n'a pas allégué ni a fortiori prouvé. Or, une compensation a été déjà
prévue pour ces travaux ainsi que cela résulte de l'art. 25 des clauses
particulières du premier bail signé entre les parties.
La seconde
partie des travaux portait sur l'installation de ventilation et
climatisation des locaux réalisée en 1999, suivie de travaux
d'amélioration de l'isolation consécutifs aux plaintes des locataires,
apparemment réalisés en 2000. L'appelante n'a produit aucune facture ni
devis, alors que les correspondances échangées font état de
l'intervention de l'entreprise X. puis de travaux que la locataire avait
précisément devisé à 123'290 fr. après les avoir évalués à 48'000 fr.
Les membres de l'ASSOCIATION entendus par le Tribunal n'ont pu chiffrer
ces travaux, alors même que l'appelante affirme qu'ils ont été réalisés
par ses membres, raison pour laquelle elle n'avait pas de factures.
L'appelante
n'a pas davantage fait estimer les travaux par un professionnel de la
branche, lequel aurait pu également estimer leur valeur résiduelle ainsi
que leur standard de qualité, éléments pertinents dans l'appréciation
de la plus-value. Comme on l'a vu, faute d'avoir été produite et
confirmée lors des enquêtes devant le Tribunal, la pièce versée en appel
par la locataire n'a aucune force probante. De surcroît, elle ne
contient pas d'information au sujet de la valeur résiduelle et du
standard de qualité des travaux. Enfin, aucune photographie n'a été
versée à la procédure.
Il a été établi, tout au plus, que les
bailleurs s'étaient acquittés d'un montant de 44'785 fr. pour
l'installation de ventilation-climatisation, puisqu'ils ont prêtés une
somme de 60'000 fr. à la locataire pour les travaux d'amélioration de
l'isolation, prêt qui a été remboursé en 2003.
En outre, la
locataire a bénéficié d'un loyer que l'on peut qualifier de modéré et
tenant probablement compte de l'état brut des locaux. Le loyer annuel de
72'000 fr., lequel n'a pas été modifié depuis 1994, correspond en effet
à un prix de 90 fr. le m2.
Enfin, la locataire est exclusivement responsable de la résiliation du bail, ainsi que cela a été développé précédemment.
Compte
tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'indemnité de 10'000 fr.
allouée apparaît ainsi adéquate, voire favorable à l'appelante.
Décision
44/2 - Indemnité pour plus-value