Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève
15.06.2009
Lorsque le bail a pris fin en raison du non-paiement du loyer par le locataire, le juge peut exclure toute indemnité. Les juges fédéraux fondaient leurs conclusions, à cette occasion, sur les principes de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit découlant des art. 2 al. 1 et 2 CC. Cette jurisprudence laisse toutefois indécise la question de l'effet d'une résiliation fondée sur l'art. 257 d CO sur le droit du locataire d'obtenir une indemnité au sens de l'art. 260a al. 3 CO, ne tranchant en particulier pas entre la perte de ce droit et la seule réduction de l'indemnité.
4.5 Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que
l'appelant était seul responsable de la fin prématurée du contrat de
bail (en raison de son défaut de paiement) et donc du fait qu'il n'avait
pas pu suffisamment amortir les travaux réalisés, de sorte que de toute
manière une indemnité pour plus-value ne serait pas justifiée.
Dans
son mémoire de réponse, l'intimé parvient à la même conclusion, se
fondant quant à lui sur une jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF
4C.97/2005 du 18.8.2005 in Cahier du bail 2006 p. 8), selon laquelle
lorsque le bail a pris fin en raison du non-paiement du loyer par le
locataire, le juge peut exclure toute indemnité. Les juges fédéraux
fondaient leurs conclusions, à cette occasion, sur les principes de la
bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit découlant des art. 2
al. 1 et 2 CC. Cette jurisprudence laisse toutefois indécise la question
de l'effet d'une résiliation fondée sur l'art. 257d CO sur le droit du
locataire d'obtenir une indemnité au sens de l'art. 260a al. 3 CO, ne
tranchant en particulier pas entre la perte de ce droit et la seule
réduction de l'indemnité.
Cette jurisprudence isolée n'emporte pas
la conviction d'une partie de la doctrine (LACHAT, Le bail à loyer,
Lausanne 2008, p. 833, note 55 et référence citée).
Quoi qu'il en
soit, dans la présente procédure, rien ne permet de penser que l'octroi
d'une indemnité fondée sur l'art. 260a al. 3 CO heurterait les principes
de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit. Or,
conformément à ce que prévoit la jurisprudence précitée, le juge dispose
d'une liberté d'appréciation, en fonction du cas d'espèce. La Cour
retiendra ainsi qu'il ne se justifie pas de refuser toute indemnité à
l'appelant, pour le seul motif qu'il aurait provoqué lui-même la fin du
bail.
Quant au fait de réduire l'indemnité par rapport au montant de
la plus-value, eu égard au motif sus-évoqué, il y sera revenu ci-après
(ch. 4.6.2. et 4.6.4. ci-dessous).
4.6.1 II découle de ce qui précède qu'il se justifie qu'une indemnité soit accordée à l'appelant, pour la plus-value apportée à la chose louée, laquelle devra toutefois tenir compte de l'amortissement intervenu jusqu'à la restitution de l'objet (le 8 juin2000).
4.6.2 Les nombreuses pièces versées au dossier, de même que les
témoignages recueillis par le Tribunal ne permettent pas de déterminer
la plus-value résiduelle au 8 juin 2000, laquelle se définit comme la
valeur ajoutée à la chose louée.
Il apparaît en effet que l'appelant
a effectué lui-même, en sa qualité d'entrepreneur, une grande partie
des travaux sur la chose louée, ou en a obtenu la réalisation par des
amis à lui, également qualifiés, sans rémunération correspondante.
Les factures produites sont ainsi sans commune mesure avec le montant total allégué par l'appelant.
Quand
bien même le montant total des travaux pourrait être établi, cela ne
permettrait pas encore d'estimer la plus-value que représentent ces
travaux, tant il est vrai qu'il ne se justifie pas de faire profiter au
bailleur des travaux obtenus gratuitement (ou à prix réduit, ou encore
en contrepartie de services) par le locataire, pas plus qu'il ne se
justifierait de mettre à la charge du bailleur des travaux payés à un
prix exagéré.
Ainsi, le montant investi par le locataire ne doit pas
être directement pris en compte pour déterminer la plus-value. Il peut
en revanche (à supposer qu'il puisse être établi), servir de point de
repère.
Le Tribunal fédéral a par ailleurs eu l'occasion de préciser,
relativement au montant de l'indemnité due au locataire sur la base de
l'art. 260a CO, qu'elle ne se mesure pas nécessairement à l'aune de la
plus-value qui subsiste, mais peut être modulée en fonction des
particularités du cas d'espèce (ATF 4C.97/2005 du 18.8.2005, consid. 2.4
et les références citées). Le Tribunal fédéral retient ainsi que la
quotité de la somme peut varier en fonction des critères suivants : « le
loyer réduit dont a bénéficié le preneur en contrepartie des travaux ou
l'augmentation de loyer (économisée) qu'il aurait été amené à débourser
si l'ouvrage avait été réalisé par le bailleur; les avantages
particuliers qu'entraîne la rénovation ou la modification pour le
locataire; inversement, le profit réduit qu'en tire le bailleur; les
circonstances qui ont motivé la fin des rapports contractuels » (ATF
4C.18/2006 du 29.3.2006, consid. 3.1).
Il découle de ce qui précède
qu'il convient en premier lieu de déterminer la plus-value qui
subsistait au 8 juin 2000, date de la restitution de la chose louée,
puis de déterminer s'il se justifie d'arrêter le montant de l'indemnité à
celui de cette plus-value résiduelle, ou s'il y a lieu de tenir compte
de l'un des critères évoqués par le Tribunal fédéral dans la
jurisprudence citée au paragraphe précédent.
4.6.3 Compte tenu de la particularité du cas d'espèce, seule une
expertise est en mesure d'établir de manière suffisamment fiable la
plus-value apportée à la chose louée par l'appelant, ainsi que la durée
d'amortissement de cette plus-value.
La Cour relèvera à cet égard
qu'une expertise avait été envisagée par le Tribunal des baux et loyers
en 2003, avant d'être finalement oubliée. En effet, entretemps, l'intimé
a soulevé un incident relativement à la qualité pour agir de
l'appelant, lequel a dû être tranché par le Tribunal fédéral, deux ans
plus tard.
Dans le cadre de son appel, le locataire sollicite à
nouveau une expertise, estimant que son droit d'être entendu avait été
violé par le Tribunal des baux et loyers, ce dernier ayant notamment
écarté l'expertise « privée » qu'il avait produite, sans fournir
d'explication à ce propos et sans ordonner d'expertise indépendante.
La
Cour admettra avec l'intimé que l'expertise « privée », n'est pas
suffisamment étoffée et indépendante pour pouvoir être sans autre
retenue.
Il apparaît en outre qu'aujourd'hui, une expertise pourrait
encore être réalisée, l'intimé ayant conservé les installations de
l'appelant.
Il se justifie en conséquence de renvoyer la cause au
Tribunal des baux et loyers, afin qu'une expertise soit ordonnée et
qu'un nouveau jugement soit rendu. Cette expertise devra préciser, d'une
part, la plus-value que représentaient les travaux au jour de leur
réalisation par l'appelant et, d'autre part, la durée d'amortissement de
cette plus-value.