Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève
07.09.2009
Seules les dépenses effectives peuvent être mises à la charge du locataire au titre de frais accessoires. Même si la bailleresse ne réalise pas de profit, des provisions ne peuvent être admises, n’étant pas conformes aux dispositions claires du droit fédéral. Il n’est au demeurant pas certain que le système de provisions mis en place par la bailleresse soit parfaitement neutre d’un point de vue financier, même si l’intéressée affirme déduire chaque année du décompte la provision incluse l’année précédente. Il devient en effet difficile pour la partie locataire de procéder aux vérifications permettant de s’assurer que les frais payés correspondent aux coûts effectivement encourus.
3.1 L’appelant se plaint d’une mauvaise application de l’art. 257b CO, selon lequel les frais accessoires correspondent aux dépenses effectives du bailleur pour des prestations en rapport avec l’usage de la chose. Il considère que les premiers juges ne pouvaient inclure, dans lesdits frais accessoires, deux provisions, de 4'000 fr. et 6'000 fr., concernant d’éventuels frais futurs. Aucune disposition contractuelle ne permettrait à la bailleresse de faire figurer ces montants parmi les frais accessoires.
3.2 Pour les habitations et les locaux commerciaux, on entend par
frais accessoires les dépenses effectives du bailleur pour des
prestations en rapport avec l’usage de la chose, telles que frais de
chauffage, d’eau chaude et autres frais d’exploitation, ainsi que les
contributions publiques qui résultent de l’utilisation de la chose (art.
257b al. 1 CO). Selon l’art. 5 al. 1 OBLF, entrent en ligne de compte
comme frais de chauffage et de préparation d’eau chaude les dépenses
effectives directement en rapport avec l’utilisation de l’installation
de chauffage ou de l’installation générale de préparation d’eau chaude.
Les frais accessoires ne sont toutefois à la charge du locataire que si
cela a été convenu spécialement (art. 257a al. 2 CO). Le bailleur
supporte en principe les contributions publiques et les charges qui
grèvent la chose louée (art. 256b CO).
Pour que les frais accessoires
puissent être mis à la charge du locataire, il faut donc que les
parties en soient convenues d’une manière suffisamment précise et
détaillée (ATF 121 III 460 consid. 2a/aa). Il n’est pas nécessaire que
la convention soit conclue par écrit ; elle peut aussi résulter d’actes
concluants. L’art. 257a al. 2 CO se présente comme une règle
particulière d’interprétation en ce sens que les frais accessoires sont à
la charge du bailleur dans tous les cas où il n’est pas établi qu’ils
ont été mis conventionnellement à la charge du locataire. En
conséquence, le bailleur ne peut facturer au locataire d’autres frais
accessoires que ceux qui ont été convenus ; à défaut de convention,
ceux-ci sont compris dans le loyer (ATF 121 III 460 consid. 2a/aa). Il
en résulte qu’en cas de doute, les frais accessoires sont à la charge du
bailleur (ârret du Tribunal fédéral du 16 novembre 2001 dans la cause
4C.190/2001, consid. 2c et 2 e).
3.3 Il découle du texte même des art. 257b al. 1 CO et 5 al. 1 OBLF
que seules les dépenses effectives peuvent être mises à la charge du
locataire au titre des frais accessoires. Il n’est dès lors pas possible
d’y inclure des provisions, qui correspondent à des coûts prévisibles
futurs.
L’opinion des premiers juges, selon lesquels des provisions
peuvent en l’espèce être admises dans la mesure où la bailleresse ne
réaliserait pas de profit, n’est pas conforme aux dispositions claires
du droit fédéral. Il n’est au demeurant pas certain que le système de
provisions mis en place par l’intimée soit parfaitement neutre d’un
point de vue financier, même si l’intéressée affirme déduire chaque
année du décompte la provision incluse l’année précédente. La
démonstration figurant dans le jugement au sujet de la saison de
chauffage 2005/2006 (p. 6, en haut) paraît au contraire conduire à
l’augmentation artificielle des frais accessoires mis à la charge des
locataires, puisque le montant correspondant à la part dévolue à
l’immeuble habité par l’appelant (30'254 fr. 30) est en fin de compte
majoré de 4'500 fr., sans que l’intimée ne l’explique autrement que par
le fait que « l’hiver 2005/2006 (aurait) été clément » (mémoire-réponse
du 20.4.2008, p. 5, 2ème paragraphe). Il devient en toutes hypothèses
excessivement difficile, pour la partie locataire, de procéder aux
vérifications permettant de s’assurer que les frais payés correspondent
aux coûts effectivement encourus, alors que l’art. 14 des Conditions
générales vise précisément à faciliter ce contrôle.
La méthode
consistant à inclure des provisions dans les décomptes de frais
accessoires est également inadmissible du fait qu’elle a pour but, selon
les propres explications de l’intimée, de rectifier les incohérences
engendrées par l’établissement d’un décompte portant sur l’année civile,
selon une périodicité qui s’avère contraire aux conventions passées
entre le parties (cf. consid. suivant).
Dans ces conditions, il n’y a
pas lieu de déroger à la règle selon laquelle seuls les coûts effectifs
sont à prendre en considération, au titre de frais accessoires. Il
revient dès lors à la bailleresse d’établir un décompte qui n’inclut
aucune provision.