Frais accessoires

Base légale

Nom du tribunal

Tribunal des baux du canton de Vaud

Date

30.11.2010

Résumé

Lorsque les parties ont adopté le système de l’acompte provisionnel pour les charges, le bailleur est tenu d’établir un décompte et de le présenter au locataire, en lui permettant de consulter les pièces justificatives. En l’absence de preuve de l’envoi de tels décomptes avant l’ouverture d’action devant la Commission de conciliation en matière de baux à loyer, la créance n’est pas exigible.

Exposé des faits

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer pour locaux commerciaux signé le 16 octobre 2004 et portant sur une surface de 566 m2.
Le loyer initial était de fr. 3'300.–, plus acompte de chauffage de fr. 350.–La bailleresse réclame au locataire le paiement du solde des décomptes de chauffage pour les exercices 2004 à 2009.
Par requête du 24 juillet 2009 adressée au Tribunal des baux, la bailleresse a notamment requis que le locataire soit reconnu son débiteur de fr. 55'033.22, sous déduction des acomptes versés, pour les décomptes de chauffage des périodes de 2003 à 2008, le montant du décompte de 2008 – 2009 devant être communiqué au locataire le jour de l’audience.
Dans son jugement du 30 novembre 2010, le Tribunal des baux a rejeté la requête de la bailleresse, celle-ci n’établissant pas que les décomptes 2004 à 2009 aient été communiqués au locataire avant qu’elle n’ouvre action devant la Commission de conciliation en matière de baux à loyer.

Considérations

Attendu que la demanderesse réclame au défendeur le montant de 41'160.–francs 95 à titre de solde des décomptes de chauffage pour les exercices 2004–2005 à 2008–2009,
 que selon l’article 257a alinéa 2 CO les frais accessoires, dus pour les prestations fournies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l’usage de la chose, ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement,
 que selon l’arrêt du Tribunal fédéral du 29 avril 2002 (Hoirie A. c. Caisse de pension S., 4C.24/2002 publié in Cahiers du bail – CdB – 4/2002, p. 144), les frais accessoires sont en principe à la charge du bailleur, le locataire ne pouvant se voir réclamer que les frais mentionnés expressément et clairement dans le contrat,
 qu’en l’absence d’une convention expresse, ces frais sont compris dans le loyer (CdB 4/05 110 consid. 3.2.2 ; CdB 4/02 144 consid. 2.4.2),
 que selon l’article 257b CO, seules les dépenses effectives du bailleur pour des prestations en rapport avec l’usage de la chose louée peuvent être mises à la charge du locataire,
 que lorsque les parties ont adopté le système de l’acompte provisionnel pour les charges, l’article 4 alinéa 1er OBLF précise que le bailleur est tenu d’établir un décompte – en principe détaillé selon l’art. 8 alinéa 1er OBLF – au moins une fois par an et de le présenter au locataire, en lui permettant de consulter les pièces justificatives (art. 257b al. 2 CO),
 qu’il incombe en effet au bailleur de justifier annuellement le montant des acomptes perçus en prouvant la réalité du montant des frais réclamés (ATF 132 III 24, c 3.1 p. 26 ; Richard, Les frais accessoires, in CdB 1/1998, p. 4 ; TF, arrêt du 29 avril 2002 précité),
 que si le bailleur ne remet pas de décompte de frais accessoires au locataire et/ou s’il ne l’autorise pas à consulter les justificatifs, le locataire peut demander le remboursement des acomptes payés pendant l’exercice concerné (Ch. rec., M. c. R., 9 avril 2003, no 170 ; Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 348 ; Wessner, L’obligation du locataire de payer le loyer et les frais accessoires, 9e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1996, pp. 12 s. et les références citées),
 qu’en effet, l’exigibilité de la créance du bailleur en paiement de la totalité des frais accessoires ou d’un solde débiteur est subordonnée à la condition qu’il ait permis au locataire de consulter les pièces justificatives et fourni un décompte (Ch. rec., R c. M., 25 octobre 2004 ; Wessner, op. cit., p. 14, n. 50 ; Higi, Zürcher Kommentar, nn. 33 et 38 ad art. 257a et 257b CO, p. 235),
 que le locataire doit disposer d’un délai convenable à cet effet (Commentaire USPI, n. 14 ad art. 257d CO ; ZR 1969, no 89) ;
 attendu qu’en l’espèce, le bail liant les parties prévoit le paiement, par le défendeur, d’acomptes de chauffage par 350 francs par mois,
 qu’il découle d’un courrier du 8 janvier 2005 adressé à l’entreprise X. que cette dernière a été mandatée en janvier 2005 par la demanderesse afin d’établir une clé de répartition des frais de chauffage de l’immeuble entre les divers consommateurs d’énergie de la PPE,
 qu’un témoin, employé de l’entreprise de chauffage et personnellement en charge de l’établissement des décomptes de chauffage litigieux, a déclaré avoir fourni à la demanderesse des compteurs individuels de chaleur qui ont été mis en service le 1er octobre 2005,
 que par courrier du 21 novembre 2005, la demanderesse a mandaté X. pour établir le décompte de chauffage 2005–2006,
 que les décomptes 2005–2006 et suivants ont été établis sur la base des compteurs individuels susmentionnés,
 qu’en revanche, il ressort du témoignage que le décompte 2004–2005 n’a pas été établi sur la base des compteurs mais en reprenant la clé de répartition des exercices ultérieurs,
 que les décomptes relatifs aux exercices 2004–2005 à 2007–2008 ont été établis ensemble le 29 octobre 2008, ce qui a été confirmé par un témoin et apparaît au pied desdits décomptes,
 que le défendeur conteste que les décomptes établis par l’entreprise de chauffage sur lesquels la demanderesse fonde ses prétentions lui aient été communiqués avant l’ouverture d’action, et partant que ces prétentions soient exigibles,
 que, par courrier du 4 février 2010 adressé par le président de l’autorité de céans à la demanderesse, celle-ci a été invitée à produire notamment la pièce requise 51, soit toute pièce établissant qu’elle a envoyé au défendeur les décomptes annuels litigieux,
 que cette pièce n’a pas été produite dans le délai imparti,
 qu’interpellés une nouvelle fois aux débats, les représentants de la demanderesse ont déclaré qu’ils n’étaient pas en possession de pièces établissant que les décomptes du 29 octobre 2008 de X. concernant les exercices 2004–2005 à 2008–2009 auraient été communiqués au défendeur,
 que le dossier contient certes une lettre du 25 juillet 2006 par laquelle la gérance mandatée par la demanderesse indique qu’elle transmet au défendeur le décompte 2005–2006,
 que cependant cette lettre indique un solde de 5'854 fr. 05, alors que selon le décompte établi le 29 octobre 2009 pour la même période par X. ce solde est de 5'585 fr. 31,
 qu’or, c’est le solde du décompte établi par l’entreprise de chauffage qui est litigieux en l’espèce,
 que la demanderesse n’établissant pas que les décomptes 2004–2005 à 2007–2008 auraient été communiqués au défendeur avant qu’elle n’ouvre action devant la Commission de conciliation en matière de baux à loyer par requête du mai 2009, sa créance n’est pas exigible et sa demande doit être rejetée sur ce point,
 qu’il n’est pas non plus établi que le décompte 2008–2009 aurait été communiqué au défendeur avant que la demanderesse n’ouvre action par requête à la Commission de conciliation, laquelle a siégé le 19 mars 2010,
 que la requête doit également être rejetée sur ce point.

Décision

52/2 - Frais accessoires

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