Etat approprié à l’usage de la chose louée
Base légale
Nom du tribunal
Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
31.05.2002
Résumé
Lorsque le locataire a visité les lieux avant la conclusion du bail, l’état constaté à ce moment-là correspond à l’état convenu et se trouve approprié à l’usage prévu. Si le locataire a alors accepté expressément un appartement défraîchi ou une chose en mauvais état, il s’agit-là d’un accord sur lequel il ne peut revenir et non seulement d’une présomption d’acceptation.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un bail à loyer concernant un appartement de 3 pièces et hall au 4ème étage d’un immeuble sis à G.
Avant
de signer le bail, le locataire avait visité l’appartement et les
parties procédèrent contradictoirement le 10 juin 1999 à un état des
lieux d’entrée ; l’appartement était alors vide. Le locataire emménagea
le 16 juin 1999.
Par courrier du 21 juin 1999, le locataire a
demandé, sous menace de consignation de loyer, l’exécution d’un certain
nombre de travaux de remise en état de l’appartement, travaux que le
bailleur a refusés par courrier du 28 juin 1999.
Le locataire a
alors, le 23 juillet 1999, consigné le loyer, cette consignation s’étant
poursuivie depuis lors. Saisie par le locataire le 17 août 1999, la
commission de conciliation en matière de baux et loyers a condamné le
bailleur à exécuter les travaux demandés et réduit le loyer de 10%
jusqu’à exécution desdits travaux.
Le bailleur a saisi le Tribunal
des baux et loyers par acte du 13 décembre 1999. Dans son jugement du 19
septembre 2001, le Tribunal a débouté le locataire de toutes ses
conclusions. Il a notamment relevé que l’état des lieux dressé
contradictoirement le 10 juin 1999 mentionnait que l’appartement était
en bon état général sous réserve de certains points, que le locataire
avait accepté le logement en l’état et que le loyer n’avait pas été
modifié depuis 1993. Les premiers juges ont retenu que l’état de
l’appartement convenu entre les parties au moment de la conclusion du
bail ne s’était pas modifié depuis lors, de sorte qu’aucun défaut
juridique n’affectait la chose louée. Le locataire a interjeté appel de
ce jugement.
Considérations
3. L’art. 256 CO oblige le bailleur à délivrer la chose dans un état approprié à l’usage pour lequel elle a été louée.
a) Pour
déterminer l’usage convenu, il convient de se fonder sur l’accord des
parties tout en recherchant, dans les circonstances de la conclusion du
contrat, le niveau concret d’exigences que les parties avaient en vue.
Leur attitude lors de la visite des lieux constitue à cet égard un
élément capital d’appréciation. Si le locataire a constaté des
inconvénients apparents sans émettre de protestation, il faut en
conclure que ces inconvénients étaient compatibles avec l’usage qu’il
entendait faire de la chose (Corboz : Les défauts de la chose louée, in
SJ 1979 p. 132 ; Lachat : Le bail à loyer, p. 141 n. 1.1 et p. 142 n.
1.3 ; ACJ N° 306 du 10.12.1993 BB c/ M ; ACJ N° 62 du 17.1.2000 K c/ F).
Lorsqu’en
effet le locataire a visité les lieux avant la conclusion du bail,
l’état constaté à ce moment-là correspond à l’état convenu et se trouve
approprié à l’usage prévu. Si le locataire a alors accepté expressément
un appartement défraîchi ou une chose en mauvais état, il s’agit-là d’un
accord sur lequel il ne peut revenir et non seulement d’une présomption
d’acceptation (Commentaire USPI : n. 22 ad art. 256 ; Conod : Les
défauts de la chose louée, in CdB 1/92 p. 2 ; CdB 3/95 p. 88).
L’usure
normale des locaux (par exemple : jaunissement des murs et des
plafonds, défraîchissement des papiers peints) ne constitue un défaut
qu’à partir du moment où elle atteint un certain degré et où elle peut
être assimilée à un manque d’entretien de la chose louée (Lachat : p.
145 n. 2.2).
b) En l’espèce, l’appelant a visité l’appartement
avant de signer le bail du 1er juin 1999 et il l’a vu à nouveau lors de
l’état des lieux d’entrée du 10 juin 1999. Il résulte du constat dressé
contradictoirement à cette occasion et que F.S. a contresigné sans
formuler de contestation ni émettre de réserves (Cf. témoin C.), que
l’appartement était en bon état général, sauf le séjour. S’agissant de
l’état des murs, tapisseries et plafonds des différentes pièces, le
constat mentionne qu’il était « en ordre » et que celui des murs et
boiseries du hall, de la cuisine, de la salle de bains et du salon ainsi
que des boiseries de la chambre à coucher devait être considéré comme «
défraîchi ».
Il n’en demeure pas moins que le locataire a accepté,
en pleine connaissance de cause, de prendre la chose louée dans cet
état, que celle-ci ne peut dès lors être considérée comme étant
défectueuse et que son acceptation ne saurait permettre au locataire,
comme il le fit onze jours plus tard, d’exiger la réfection totale de
son appartement.
c) L’argumentation de l’appelant ne saurait être
suivie, selon laquelle il y aurait défaut en raison du fait que
l’appartement se trouvait déjà dans un état de défraîchissement lors de
l’entrée du précédent locataire sans qu’aucun travail d’entretien n’ait
été entrepris, soit depuis 9 ans.
Dans le cadre d’un nouveau bail,
l’état convenu et déterminant est en effet celui existant au moment de
la conclusion, l’éventuelle défectuosité de la chose ne pouvant être
qu’originelle et non subséquente (Lachat : loc. cit.). Le locataire qui,
comme en l’espèce, a accepté de prendre la chose en l’état ne peut donc
se prévaloir de l’ancienneté dudit état.
Dans le cas particulier, il
résulte du constat d’état des lieux effectué le 16 février 1993, lors
de l’entrée du précédent locataire C.F., ainsi que du témoignage de ce
dernier que l’appartement n’avait alors pas été refait et que les
peintures et tapisseries étaient défraîchies mais en ordre. C. F. avait
accepté de reprendre l’appartement en l’état. Un an plus tard, la
peinture d’une paroi du salon avait été refaite à la suite de la
réparation d’une fuite d’eau. Le précédent locataire n’avait pas
sollicité l’exécution de travaux en cours de bail (CF. témoin C.).
L’état actuel de cet appartement est identique à celui qui était le sien
du temps de l’ancien locataire (Cf. témoin Co.).
Le jugement attaqué ne consacre à cet égard aucune violation des art. 256 et 258 CO.
Décision
37/1 - Etat approprié à l’usage de la chose louée