Etablissement d'office des faits
Base légale
Nom du tribunal
Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
18.02.2002
Résumé
S'il est vrai que l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation est un fait notoire, il n'en demeure pas moins que la partie qui entend se prévaloir de son évolution doit l'invoquer expressément. En effet, il n'appartient pas au juge, qui doit certes instruire la cause d'office, de retenir d'autres moyens que ceux allégués par les parties à l'appui des conclusions qu'elles ont prises.
Exposé des faits
Par acte déposé le 18 janvier 2001 au greffe de la Cour de justice, les
appelants interjettent recours contre le jugement rendu le 1er décembre
2000 par le Tribunal des baux et loyers, qui a fixé le loyer annuel
qu'ils doivent payer, pour les trois arcades et arrières de 85 m2 qu'ils
occupent au rez-de-chaussée à Fr. 39'852.-, charges non comprises, dès
le 1er juillet 2000.
Les appelants reprochent aux premiers juges
d'avoir violé la loi en refusant de leur accorder une baisse de loyer en
fonction des loyers usuels du quartier, plus particulièrement en tenant
compte du prix au m2 applicable aux locaux commerciaux analogues et
voisins des leurs. Ils affirment également que les premiers juges ont
statué ultra petita en ne leur accordant pas la totalité de leurs
conclusions en baisse de loyer fondée sur la méthode relative, soit en
retenant un facteur compensatoire en faveur de l'intimé, que celui-ci
n'avait pas invoqué.
De son côté, l'intimé conclut à la confirmation
du jugement entrepris, en arguant que le locataire n'est pas autorisé à
solliciter une demande de baisse de loyer en s'appuyant sur un critère
absolu de fixation du loyer. Il prétend également que les premiers juges
ont correctement appliqué la méthode dite relative de détermination des
loyers pour calculer celui qui lui est dû par les appelants.
Considérations
5a) Les appelants ont reproché aux premiers juges d'avoir tenu compte de
l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation, en
compensation de la baisse de leur loyer intervenant en vertu de la
diminution du taux d'intérêt hypothécaire. M. et D. M. ont plus
précisément fait valoir que l'intimé n'avait pris aucune conclusion
visant à ce que ce critère compensatoire soit retenu par le Tribunal des
baux et loyers, de sorte que ce dernier aurait statué ultra petita.
En
l'occurrence, F. B. s'est opposé à la demande de baisse de loyer formée
par les appelants, mais effectivement sans faire valoir, à l'appui de
ses prétentions, l'augmentation de l'indice suisse des prix à la
consommation.
S'il est vrai que l'évolution de l'indice suisse des
prix à la consommation est un fait notoire (Lachat, Le bail à loyer,
Lausanne, 1997, p. 271, no 3.3.4), il n'en demeure pas moins que la
partie qui entend se prévaloir de son évolution doit l'invoquer
expressément. En effet, il n'appartient pas au juge, qui doit certes
instruire la cause d'office en vertu de l'art. 274 d al. 3 CO, de
retenir d'autres moyens que ceux allégués par les parties à l'appui des
conclusions qu'elles ont prises.
La maxime inquisitoire, applicable
en l'espèce, a été adoptée pour tenir compte du nombre important de cas
dans lesquels des plaideurs sans connaissances juridiques comparaissent
en personne. Le principe ne saurait cependant être compris par les
justiciables comme un commode oreiller de paresse, les autorisant à
rejeter sur les épaules du juge l'ensemble des devoirs procéduraux qui
leur incombent. Le juge est au contraire simplement tenu de s'assurer,
en interpellant au besoin les parties, que leurs allégations et leurs
offres de preuve sont complètes, mais il n'est obligé de le faire que
s'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. Les
plaideurs doivent quant à eux participer de manière active à la conduite
de l'instruction; il leur incombe au 1er chef de renseigner le
magistrat sur les faits pertinents de la cause en lui indiquant les
moyens de preuves disponibles (ATF 107 II 236; ACJ no 177 du 19.6.1992
Barber c/ SI Malagnou Cité "B").
Il n'appartient, par conséquent, au juge ni de compléter les moyens, ni de modifier les conclusions des parties.
C'est
ainsi, à tort que les premiers juges ont tenu d'eux-mêmes compte, en
l'espèce, de l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation
pour justifier d'une compensation à la demande de baisse de loyer formée
par les appelants.
b) Dans ses écritures d'appel, F. B., tout en
admettant qu'il n'a pas opposé le critère de l'évolution de l'indice
suisse des prix à la consommation aux prétentions de ses locataires,
affirme qu'en vertu de l'art. 312 LPC et de la jurisprudence tirée de
cette disposition (ACJ no 205 du 20.09.93 F.C / C.-K.), il est en droit
d'exciper de ce moyen en deuxième instance, dès lors que celui-ci appuie
d'anciennes conclusions soumises au premier juge.
En matière de
contestation de loyer, la question de savoir si un nouveau critère
d'augmentation ou de baisse du loyer peut être invoqué en appel
seulement n'a cependant jamais été tranchée.
David Lachat (op. cit.,
p. 276, no 4.3.5 et p. 356 no 5.1) apporte un début de réponse en
indiquant qu'au début de la procédure concernant une baisse de loyer, le
bailleur doit faire connaître les critères qu'il fait valoir pour
s'opposer à la demande, ceci pour fixer le cadre du débat. Il indique en
outre qu'en cours de procédure, le demandeur ne saurait, en règle
générale, invoquer des critères de fixation du loyer auxquels il ne
s'est pas référé initialement.
En l'espèce, F. B. était défendeur en
première instance. Il est parti du principe que le loyer des intimés
serait fixé en application du critère des loyers comparatifs. Il ne
s'est donc pas prononcé sur l'application éventuelle de la méthode
relative pour déterminer en l'espèce le loyer, alors même que, de leur
côté, les intimés avaient pris des conclusions subsidiaires requérant
l'application de cette méthode.
En invoquant aujourd'hui l'évolution
de l'indice suisse des prix à la consommation afin de s'opposer à la
demande de baisse de loyer des époux M. et D. M., F. B. sort du cadre
qu'il s'est lui-même imposé (Lachat, op. cit. p. 356, no 5.1.3) d'une
manière incompatible avec l'exigence de s'en tenir à la motivation
alléguée.
c) Il s'ensuit que c'est par erreur que les premiers
juges ont tenu compte d'un facteur compensatoire de hausse de loyer de
9,22% en l'espèce.
Décision
36/9 - Etablissement d'office des faits