Diminution de loyer
Base légale
Nom du tribunal
Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
21.12.2000
Résumé
Le bailleur est en droit de ne répercuter qu‘une partie de la hausse qu‘entraîne une augmentation du taux de l‘intérêt hypothécaire. Dans une telle hypothèse, il ne se justifie pas de calculer la baisse de loyer sur la base d‘une augmentation antérieure qui n‘est pas intervenue. Le principe de symétrie et, en conséquence, d‘égalité des parties au contrat, ne serait en effet plus respecté.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la
location d‘un appartement de 4,5 pièces à G. Le loyer initial était de
fr. 6‘900.- par an.
Par avis de majoration du 11 janvier 1990, la
bailleresse a porté le loyer annuel de fr. 8‘280.- à fr. 9‘000.- avec
effet au 1er mai 1990. Par avis de majoration du 10 janvier 1992, le
loyer a été porté à fr. 9‘600.- par an.
Par avis de majoration du 7
janvier 1999, la bailleresse a déclaré porter le loyer annuel à fr.
10‘800.- dès le 1er mai 1999. L‘avis est motivé par l‘adaptation à la
valeur locative objective, selon l‘art. 269a CO.
La locataire a
contesté la hausse de loyer par requête du 14 janvier 1999 auprès de la
Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Elle
sollicitait reconventionnellement une baisse de loyer de 20 % fondée sur
la baisse du taux hypothécaire de 7 % à 4.25 %.
Suite à l‘échec de
la tentative de conciliation, la cause a été portée devant le Tribunal
des baux et loyers. Par jugement du 21 décembre 1999, le Tribunal n‘a
pas validé la hausse de loyer sollicitée par le bailleur et a admis une
baisse de loyer de 2.46 % et a fixé en conséquence le loyer annuel à fr.
9'360.-.
La bailleresse a fait appel de ce jugement. Elle conteste
le pourcentage de baisse retenu par le Tribunal en rapport avec
l‘évolution du taux de l‘intérêt hypothécaire et conclut au maintien du
loyer existant. La divergence résulte de ce que le taux de l‘intérêt
hypothécaire de la Banque Cantonale de Genève lors de la notification de
hausse du 10 janvier 1992 était de 7 % alors que le taux mentionné dans
l‘avis officiel de la bailleresse était de 6.25 %. La bailleresse fait
grief au Tribunal de n‘avoir pas pris le taux mentionné dans l‘avis de
hausse pour calculer la baisse admissible.
Considérations
2. Seule reste litigieuse en appel la question du taux de l‘intérêt
hypothécaire à prendre en compte pour le calcul de la baisse de loyer
sollicitée par la locataire. Aux termes de l'article 270a alinéa 1 CO,
le locataire peut contester le montant du loyer et en demander la
diminution pour le prochain terme de résiliation lorsqu‘il a des raisons
d‘admettre que la chose louée procure au bailleur un rendement
excessif, en particulier en raison d'une baisse des frais. L'article 13
alinéa 1 OBLF précise les pourcentages de hausse, respectivement de
baisse de loyer, autorisés par l'évolution du taux de l'intérêt
hypothécaire. L'alinéa 4 prévoit que, à l'occasion d'une modification du
loyer faisant suite à une variation du taux hypothécaire, il y a lieu
de voir en outre si et dans quelle mesure les variations antérieures ont
entraîné une modification du loyer.
3.a L‘article 270a CO, qui
ouvre au locataire la faculté de demander une baisse de loyer, est dans
un rapport de symétrie avec l‘article 269a CO. Il a pour objet de
rétablir une forme d‘égalité entre le bailleur et le locataire, celui-ci
devant pouvoir obtenir une baisse de loyer, lors d‘une baisse de coûts,
proportionnelle à la hausse que peut obtenir le bailleur lorsque les
coûts ont augmenté. Le principe qui préside au calcul est celui de
l‘évolution réelle des coûts du bailleur.
Certes, l‘incidence de
l‘évolution du taux hypothécaire sur le loyer ne suit-elle pas le
principe strict de l‘effectivité des coûts, puisque la jurisprudence a
arrêté le principe selon lequel il convenait de prendre en considération
un taux de référence, généralement celui de la banque cantonale du lieu
de situation de l‘immeuble (Droit du bail no 3/1991, no 18, p. 18-19),
et que le modèle de calcul fixé par l‘article 13 OBLF introduit en
réalité une fiction juridique au terme de laquelle les coûts découlant
de l‘évolution du taux de l‘intérêt hypothécaire sont réputés conformes
au calcul qui en résulte.
3.b Cela ne revient pas à dire que le
bailleur est dans l‘obligation d‘épuiser la totalité de la hausse
qu‘entraîne une augmentation du taux de l‘intérêt hypothécaire. Il est
en droit de ne répercuter qu‘une partie de la hausse, comme l‘appelante
déclare l‘avoir fait dans la présente affaire. Dans une telle hypothèse,
il ne se justifie certainement pas de calculer la baisse de loyer sur
la base d‘une augmentation antérieure qui n‘est pas intervenue. Le
principe de symétrie et, en conséquence, d‘égalité des parties au
contrat, ne serait en effet plus respecté. Ce point de vue est conforté
par l‘article 13 alinéa 4 OBLF. Cette disposition s‘applique à toute
modification de loyer faisant suite à une variation du taux de l‘intérêt
hypothécaire, c‘est-à-dire également en cas de demande de baisse de la
part du locataire. Elle prescrit qu‘il y a alors lieu de vérifier non
seulement si les variations antérieures du taux ont entraîné une
modification du loyer, mais encore dans quelle mesure elles l‘ont fait.
Contrairement
à ce qu‘ont retenu les premiers juges, la question ici posée n‘est pas
celle d‘une réserve. Le fait que le bailleur n‘ait pas formulé de
réserve en bonne et due forme le prive naturellement de la faculté de
majorer ensuite le loyer pour les 3/4 de points qu'il soutient n'avoir
pas à l'époque répercutés sur le loyer. Cela ne veut évidemment pas dire
qu'on doive faire comme s'il avait effectivement épuisé la totalité de
la hausse possible au moment de calculer la baisse admissible. Une telle
solution serait à vrai dire choquante.
4.a Il y a lieu en
conséquence de vérifier si la hausse de 1992 correspond bien à ce que
l‘avis indique, savoir une adaptation à un taux de 6.25 %. L‘examen de
cette question est aisé, dès lors que la hausse de 1992 ne comporte que
des facteurs vérifiables à l‘appui de données notoires, soit l‘évolution
du taux de l‘intérêt hypothécaire et l‘évolution de l‘ISPC.
4.b Une augmentation de 0.25 % du taux hypothécaire conduit à une majoration de loyer de fr. 180.- (2 % de fr. 9‘000.-).
Quant
à l‘ISPC, il a été pris en considération lors de l‘augmentation du 11
janvier 1990. C‘est donc l‘évolution de décembre 1989 à décembre 1991
qui doit être prise en compte. Les indices respectifs sont de 118.4 et
131.2, base décembre 1982, ce qui justifie une majoration de loyer de
4.32 % ou fr. 386.80. La majoration possible selon les critères indiqués
par le bailleur dans son avis de majoration de loyer de 1992 est ainsi
de fr. 568.80, laquelle a été arrondie à fr. 600.-. L‘arrondi mensuel
est de fr. 2.40, ce qui est plausible.
Il résulte de ce calcul que la
motivation de la hausse de 1992 correspond à la réalité et que le loyer
n‘a jamais été adapté à un taux hypothécaire de 7 %. En conséquence, le
calcul de la baisse doit être effectué en se référant au taux
effectivement appliqué de 6.25 %. Le facteur de baisse résultant de
l‘évolution du taux hypothécaire est en conséquence bien de 17.36 %,
comme l‘affirme le bailleur. Le total des facteurs de hausse à opposer
en compensation est de 18.80 %. Il en résulte que la requête en
diminution de loyer doit être rejetée.
Formellement, la Cour n‘a pas à
fixer à nouveau le loyer comme le voudrait l‘appelante, mais à rejeter
la requête en diminution de loyer, ce qui formellement revient à
maintenir le loyer à fr. 9‘600.- par an, tel qu‘il a été fixé en 1992.
Décision
35/11 - Diminution de loyer