Demande de baisse de loyer – sous-location

Base légale

Nom du tribunal

Tribunal des baux du canton de Vaud [XA15.027718]

Date

06.11.2015

Résumé

On ne voit pas en quoi les produits que le locataire retire de l’usage de la chose, le cas échéant en la sous-louant à un tiers, devraient faire obstacle à une diminution de loyer. Le bailleur ne peut, même dans le cas où la source de ces produits serait illégitime, opposer au locataire qui demande une baisse de son loyer l’objection de position mal acquise, puisque le droit revendiqué par le locataire est absolument indépendant des produits qu’il retire de la chose louée ; la solution inverse reviendrait à reconnaître une portée générale à cette objection et à refuser par principe la protection de la loi à celui qui ne la respecte pas lui-même.

Exposé des faits

Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un local commercial de 6 pièces au rez-de-chaussée d’un immeuble sis à R.. Le loyer initial a été fixé à fr. 2'320.- par mois, hors charges.
Le 27 août 2007, les bailleurs ont notifié au locataire une hausse de loyer de fr. 200.- par mois motivée par l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation, dès le 1er octobre 2007.
Le locataire a sous-loué une pièce du local, dès le 1er février 2014, pour un loyer mensuel de fr. 735, charges comprises. En 2015, il a également sous-loué une pièce le mercredi matin et le jeudi pour fr. 20.- de l’heure ainsi que la salle de gym du local les lundis et mercredis soirs pour un montant de fr. 50.- la séance.
Par courrier du 12 janvier 2015, le locataire a requis une diminution de loyer dès le 1er février 2015 fondée sur la baisse du taux hypothécaire. Les demandeurs ont refusé le 7 février 2015.
Le 10 mars 2015, le locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de Nyon d’une action en baisse de loyer. Le 2 juillet 2015, les bailleurs ont ouvert action devant le Tribunal des baux, concluant à ce que la demande de diminution de loyer soit rejetée.
Par jugement du 6 novembre 2015, le Tribunal des baux a notamment fixé le loyer du locataire à fr. 1'811.40 dès le 1er février 2016, et a condamné les bailleurs à la restitution au locataire des montants versés en trop à titre de loyer.

Considérations

I. …
b) Les demandeurs invoquent l’abus de droit, au motif que le défendeur requiert une baisse de loyer, alors même qu’il sous-loue une partie des locaux sans autorisation et qu’il a laissé passer trois reconductions de bail sans demander de baisse de loyer.

aa) A teneur de l’art 2 al. 2 CC, l’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi. Ce principe permet de corriger les effets de la loi dans certains cas où l’exercice d’un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes, qui sont déterminantes. L’emploi, dans le texte légal, du qualificatif "manifeste" démontre que l’abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l’absence d’intérêt à l’exercice d’un droit, l’utilisation d’une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l’exercice d’un droit sans ménagement ou l’attitude contradictoire (TF, 26 janvier 2012, 4A_647/2011, consid. 4.1; ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 et les arrêts cités).

bb) Le bailleur confronté à une sous-location illicite n’est pas dépourvu de moyens d’action: il peut exiger de son locataire qu’il mette fin à la sous-location contraire au droit et, à certaines conditions, si le locataire persiste à enfreindre ses obligations, résilier le bail de manière anticipée, en application, en application de l’art. 257f CO (cf. BISE/PLANAS, CPra-Bail, nn. 48 ss ad art. 257f CO); il peut aussi, dès lors que le locataire qui procède à une sous-location non autorisée empiète sur le patrimoine du bailleur et gère l’affaire d’autrui (art. 423 al. 1 CO), s’approprier les profits qui résultent de cette immixtion (TF, 28 février 2013, 4A_594/2012 consid. 2.1.1). En revanche, on ne voit pas en quoi les produits que le locataire retire de l’usage de la chose, le cas échéant en la sous-louant à un tiers, devraient faire obstacle à une demande de diminution de loyer. Le bailleur ne peut, même dans le cas où la source de ces produits serait illégitime, opposer au locataire qui demande une baisse de son loyer l’objection de position mal acquise, puisque le droit revendiqué par le locataire est absolument indépendant des produits qu’il retire de la chose louée; la solution inverse reviendrait à reconnaître une portée générale à cette objection et à refuser par principe la protection de la loi à celui qui ne la respecte pas lui-même, ce que le droit suisse ne permet pas (cf. STEINAUER, Le Titre préliminaire du Code civil, Traité de droit privé suisse, vol. II, t. 1, Bâle 2009, nn. 600 ss). Dans ces conditions, les réquisitions des demandeurs tendant à la production par le défendeur des pièces documentant la sous-location qu’il pratique étaient sans pertinence, raison pour laquelle elles ont été rejetées. Pour le reste, on ne voit pas en quoi le fait le défendeur n’ait pas requis de diminution de son loyer lors des trois précédentes échéances du bail serait constitutif d’un comportement contradictoire. A raisonner ainsi, on viderait de sa substance le droit du locataire de demander une baisse de loyer en vertu de l’art 270a CO. Mal fondé, le moyen tiré de l’abus de droit doit être écarté.

Décision

57/8 - Demande de baisse de loyer – sous-location

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