Demande de baisse de loyer pour un bail prévoyant un loyer indexé
Base légale
Nom du tribunal
Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
08.12.2003
Résumé
Un locataire peut demander une baisse de loyer pour l'échéance d'une période d'indexation en se prévalant d'un motif absolu ou de la méthode relative. À l'occasion d'une échéance du bail, l'une ou l'autre des parties peut remettre en cause le montant du loyer, même si le bail prévoit la reconduction d'un loyer indexé.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail conclu le 17 mars 1997
portant sur la location d'un appartement de 4 pièces à G. Le bail a été
conclu pour une durée initiale de cinq ans et six mois commençant le 1er
avril 1997 pour se terminer le 30 septembre 2002 avec clause de
reconduction tacite de cinq ans en cinq ans.
Le loyer initial, réputé
adapté à l'indice suisse des prix à la consommation, a été fixé à fr.
17'160.- par an, charges non comprises. Les clauses particulières du
contrat prévoyaient en outre que "en cours de bail, et sans dénonciation
préalable de celui-ci, le loyer peut être modifié proportionnellement à
la variation de l'indice des prix à la consommation, moyennant un
préavis de un mois au moins. Toutefois l'adaptation du loyer ne peut
être appliquée qu'une fois par période de 12 mois".
Par avis de
majoration du 7 février 2000, le loyer a été adapté à l'indice suisse
des prix à la consommation et a été porté à fr. 17'400.- par an. Il a en
outre été prévu que la nouvelle échéance du bail, avec reconduction
éventuelle selon clauses du bail, serait le 1er avril 2000.
Le 26
mars 2002, les locataires ont requis une baisse de loyer de 8 % à
compter du 1er octobre 2002, invoquant la baisse du taux hypothécaire de
4.75 % à 4 %. Le 3 avril 2002, la bailleresse a refusé, au motif que la
clause d'indexation demeurait en vigueur dès lors que le bail se
reconduisait de cinq ans en cinq ans.
Les locataires saisirent la
Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête en
réduction de loyer le 29 avril 2002. Par jugement du 8 avril 2003, le
Tribunal des baux à loyer a jugé que même si le bail se renouvelle pour
cinq ans, le loyer peut être revu à la hausse ou à la baisse à
l'échéance du contrat. La bailleresse a interjeté appel de ce jugement.
Considérations
4.1 Pour fonder leur argumentation, les appelants font valoir qu'une
clause d'indexation peut être opposée au locataire en cas de tacite
reconduction.
Ils citent à cet égard Lachat qui, se ralliant à la
position du SVIT-Kommentar Mietrecht et de l'auteur Jeanprêtre, indique
que "si le bail se renouvelle de cinq ans en cinq ans, la clause
d'indexation peut être invoquée même pendant la période de tacite
reconduction" (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997, p. 337). Ainsi,
selon ces auteurs, le locataire ne peut, au cours de la période de
reconduction, demander une baisse de loyer sur la base de critères
autres que ceux de la clause d'indexation.
En l'espèce, le cas qui
est soumis à l'autorité de céans diffère toutefois de la solution
examinée par Lachat. En effet, la demande de diminution de loyer a été
formée pour l'échéance du bail et non pas au cours de la reconduction
tacite.
La solution retenue par l'auteur précité ne peut donc être appliquée au cas d'espèce.
4.2 Certes,
dans un arrêt du 22 septembre 1992, le Tribunal du canton de Vaud a
estimé qu'un contrat de bail avec clause d'indexation d'une durée
initiale de dix ans, se renouvelant de plein droit aux mêmes conditions
pour cinq ans et ainsi de suite, sauf résiliation donnée par l'une ou
l'autre des parties, avait pour conséquence que le bailleur ne pouvait
pas, même à l'échéance de la durée initiale, invoquer des facteurs de
hausse non prévus par le contrat. Cette instance a en effet estimé que
le système de l'indexation fondé sur l'article 269b CO était une lex
specialis par rapport au système général institué par l'article 269d CO,
qui autorise le bailleur à majorer le loyer pour le prochain terme de
résiliation (Droit du bail 1994, no 6, p. 22).
Cette interprétation
ne saurait toutefois être suivie. En effet, selon la jurisprudence du
Tribunal fédéral, un locataire peut demander une baisse de loyer pour
l'échéance d'une période d'indexation en se prévalant d'un motif absolu
ou de la méthode relative (ATF 123 III /6 = JT 1997 I 612). Par cette
jurisprudence, le Tribunal fédéral a ainsi admis que, à l'occasion d'une
échéance du bail, l'une ou l'autre des parties peut remettre en cause
le montant du loyer (ACJ No 122 du 18.02.2002).
Dans un autre arrêt
dont les faits étaient quasiment identiques à ceux de la présente cause,
la Cour a déjà eu l'occasion d'indiquer que si l'arrêt du Tribunal
fédéral cité ci-dessus traitait d'un contrat de bail indexé d'une durée
de dix ans, se renouvelant ensuite d'année en année à l'échéance de la
clause d'indexation, il était néanmoins applicable. La Cour a en effet
estimé que la différence ne portait que sur la durée de renouvellement
et qu'elle était donc sans incidence sur la méthode de calcul qu'il
convenait d'appliquer à l'échéance du bail indexé (ACJ No 1357 du
21.12.2000).
Dans ce même arrêt, la Cour a en outre indiqué que
l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois était antérieur et incompatible
avec l'arrêt du Tribunal fédéral du 4 février 1997 qui fixe clairement
le mode de détermination des loyers en fin de période d'indexation (ACJ
No 1347 du 21.12.2000).
Cette jurisprudence doit être confirmée; si
l'on suivait l'argumentation des appelants et celle du Tribunal cantonal
vaudois, on arriverait à la conséquence, comme l'ont relevé les
premiers juges, que, dans le cadre d'un contrat de bail indexé qui se
renouvellerait tacitement de cinq ans en cinq ans, le loyer ne pourrait
jamais être revu. Dès lors que les parties ont prévu une échéance après
cinq ans, elles doivent pouvoir chacune obtenir une révision du loyer
lors de cette échéance, le loyer ainsi fixé étant celui applicable
pendant la durée de la reconduction et donc soumis à la clause
d'indexation prévue par le bail, puisque le renouvellement est convenu
pour une nouvelle période de cinq ans.
En conséquence, c'est à
bon droit que le Tribunal des baux et loyers a admis la demande de
baisse formée par les locataires pour l'échéance du bail. On relèvera en
effet que, contrairement à l'état de fait soumis à la Cour dans le
cadre de l'arrêt du 18 février 2002, les locataires ont en l'espèce
respecté, pour requérir leur demande de baisse, le délai de préavis de
trois mois prévu par le bail.
Décision
39/10 - Demande de baisse de loyer pour un bail prévoyant un loyer indexé