Demande de baisse de loyer

Base légale

Nom du tribunal

Chambre d‘appel en matière de baux et loyers de Genève

Date

12.02.2001

Résumé

Si la jurisprudence dénie au bailleur le droit d‘invoquer cumulativement le critère de l‘insuffisance du rendement et celui des loyers comparatifs pour s‘opposer à une demande de baisse de loyer fondée selon la méthode relative, elle ne lui interdit pas de se prévaloir des critères de la compensation du renchérissement et de l‘augmentation des charges dans le cadre de l‘application préalable de la méthode relative.

Exposé des faits

Les parties sont liées par un contrat de bail conclu le 19 décembre 1994 pour la location d‘un appartement de quatre pièces à G. Le loyer était initialement fixé à fr. 14‘400.- l‘an, plus les charges.
Par lettre du 28 septembre 1998, le locataire, invoquant la baisse du taux hypothécaire de 5.5 % à 4.25 % a sollicité une baisse de loyer de 12.28 % dès le 31 janvier 1999.
Les bailleurs ont répondu négativement le 26 octobre 1998 et le locataire a saisi la Commission de conciliation par requête du 11 novembre 1998. Non conciliée lors de l‘audience du 8 janvier 1999, la cause fut portée le 11 janvier 1999 devant le Tribunal des baux et loyers.
Lors de l‘instruction de la cause devant les premiers juges, les bailleurs se sont opposés à la demande de baisse en invoquant le critère des loyers comparatifs.
Statuant par jugement du 20 mars 2000, le Tribunal a admis la demande, fixant le loyer litigieux à fr. 12‘636.- l‘an dès le 1er février 1999, charges non comprises. Le jugement retient notamment que les bailleurs n‘avaient pas apporté la preuve que le loyer litigieux n‘était pas abusif et qu‘il n‘était pas possible d‘accepter la réserve faite par les bailleurs de se prévaloir, ne serait-ce qu‘à titre subsidiaire, de la hausse des charges d‘exploitation et de l‘indice suisses des prix à la consommation.

Considérations

2. La demande de baisse de loyer formée en cours de bail par le locataire selon l‘art. 270a CO, ne peut se fonder que sur la méthode relative (ATF 126 III 124; Lachat: Le bail à loyer, p. 281 n. 1.2. et p. 360-361 n. 5.4.1.; Lachat: Le loyer: un état des lieux, in SJ 1996 p. 137 ss, p. 151 n. 6.1.; Lachat: La pratique récente en matière de loyers, 9ème Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1996, p. 17; Zihlmann: das Mietrecht, 2ème éd. 1995 p. 190; Brunner-Stoll: Die Mietzinsherabsetzung, in mp 3/93 p. 105; Richard: Le point sur la méthode absolue, in CdB 3/98 p. 81 n. 5.1), c‘est-à-dire au regard de l‘évolution des bases de calcul intervenue depuis la dernière fixation du loyer (ATF 126 III 124; ATF 124 III 67 = JT 1999 I 112 consid. 3 p. 113; ATF 121 III 163 = JT 1996 I 71 consid. 2d p. 74).

a) Devant statuer sur une demande de baisse de loyer, le juge doit en conséquence examiner en premier lieu l‘admissibilité de la baisse au regard des critères relatifs.
A la réduction de loyer fondée sur la baisse du taux hypothécaire, le bailleur peut d‘abord opposer les autres critères relatifs que sont la compensation du renchérissement et l‘augmentation des charges (Lachat: Le bail à loyer, p. 361 n. 5.4.2), mais cela présuppose qu‘il invoque formellement ces facteurs que le juge n‘a pas à examiner s‘ils ne sont pas allégués (ACJ no 352 du 22.4.1996 SI X c/ époux B; ACJ no 930 du 9.9.1996 SI SA X c/ C.).
A l'encontre de la baisse admissible selon la méthode relative, le bailleur peut se prévaloir alternativement soit d‘un rendement net insuffisant, soit des loyers usuels dans la localité ou le quartier (ATF 122 III 257 = JT 1997 I 595; Lachat: loc. cit. et p. 363 n. 7.3; ACJ No 113 du 14.2.2000 SI R. c/ S.). Il ne peut les invoquer cumulativement car le critère des loyers comparatifs n‘est pas compatible avec celui d‘un loyer fondé sur les coûts, ce qui implique que le bailleur en fasse le choix (ACJ No 330 du 17.3.1997 V. de L. c/ B.).

b) En l‘espèce, les premiers juges ont considéré qu‘il n‘était pas possible d‘accepter la réserve faite par les bailleurs de se prévaloir, ne serait-ce qu‘à titre subsidiaire, de la hausse des charges d‘exploitation et de l‘indice suisse des prix à la consommation car si, d‘après la jurisprudence, le bailleur peut choisir entre la méthode relative ou absolue, il ne peut invoquer cumulativement ces deux méthodes (cf. jugement attaqué, p. 11).
Le jugement attaqué consacre sur ce dernier point une double violation de la loi.

aa) La jurisprudence sur laquelle il se fonde n‘a pas la portée qu‘il lui confère: si cette jurisprudence dénie effectivement au bailleur le droit d‘invoquer cumulativement le critère de l‘insuffisance du rendement et celui des loyers comparatifs pour s‘opposer à une demande de baisse de loyer fondée selon la méthode relative, elle ne lui interdit aucunement de se prévaloir des critères de la compensation du renchérissement et de l‘augmentation des charges dans le cadre de l‘application préalable de la méthode relative.

bb) De plus, l‘examen de la procédure de première instance ne permet aucunement de retenir que les bailleurs se seraient alors prévalu de ces deux critères relatifs ou auraient fait la réserve de s‘en prévaloir.
Tant lors de l‘audience de comparution personnelle du 19 avril 1999 que dans leurs écritures des 7 juin 1999 et 2 septembre 1999, les bailleurs n‘ont, en effet, invoqué exclusivement que le critère des loyers comparatifs pour s‘opposer à la demande de baisse de loyer.

c) Les appelants invoquent sur ce point une violation de l‘art. 269a litt. b et e CO, que le Tribunal aurait commise en leur refusant la possibilité de se prévaloir à titre subsidiaire de la hausse des critères relatifs dans la mesure où il ne devait pas retenir le critère absolu des loyers du quartier.
Leur argumentation ne saurait être suivie dès lors qu‘ils n‘ont aucunement manifesté devant le Tribunal leur intention de se prévaloir de ces critères relatifs et qu‘ils ne sont pas recevables à le faire dans le cadre d‘un appel extraordinaire.
De surcroît et conformément à la jurisprudence, l‘invocation de ces critères relatifs ne revêt nullement un caractère subsidiaire.

d) Le loyer admissible selon la méthode relative doit donc être fixé exclusivement au regard de la baisse du taux hypothécaire de 5,5 % à 4,25 % durant la période déterminante, ce qui justifie en l‘occurrence une réduction du loyer de 12,28 % ainsi que l‘a admis le Tribunal (cf. jugement p. 6 avec références, et Lachat: Le bail à loyer p. 566).

Décision

35/10 - Demande de baisse de loyer

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