Contestation du loyer initial

Base légale

Nom du tribunal

Jugement du tribunal des baux du canton de Vaud

Date

29.03.2012

Résumé

Lors d’une contestation du loyer initial, la demande du locataire peut tendre à la fixation d’un montant inférieur à celui dû par le précédent locataire. En effet, le montant dû par celui-ci ne constitue nullement une limite inférieure à la fixation du loyer dans le cadre de la contestation prévue par l’article 270 alinéa 1 CO, laquelle a pour finalité de vérifier si le loyer initial est abusif ou non.

Exposé des faits

Parties sont liées par un contrat de bail à loyer de trois pièces sis à Lausanne, conclu le 11 mai 2011.
Les locataires ont contesté le loyer initial mensuel de fr. 1380.–, prétendant qu’il est abusif. Ils ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de Lausanne le 11 juillet 2011, soit en temps utile.
Les locataires ont adressé une demande au Tribunal des baux le 3 novembre 2011, concluant à ce que le loyer mensuel net de l’appartement est abusif et doit être diminué d'un montant que justice dira. Le bailleur a conclu a rejet de dite demande, et à ce que le loyer soit fixé à fr. 1380.– conformément à l’avis de notification de loyer lors de la conclusion d’un nouveau bail.
Par jugement du 29 mars 2012, le Tribunal des baux a notamment fixé le loyer initial de l’appartement litigieux à fr. 600.–.


Considérations

Attendu qu’en matière de litiges portant sur les baux d’habitations et les locaux commerciaux, l’ancien article 274d alinéa 3 CO – aujourd’hui abrogé par le Code de procédure civile suisse (CPC) – prévoyait que le juge établissait d’office les faits et appréciait librement les preuves, les parties étant tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l’appréciation du litige,

qu’en vertu de cette disposition, le bailleur était tenu, lorsque le locataire requérait l’examen du loyer initial à l’aune du rendement de la chose louée, de communiquer au juge tous les documents comptables nécessaires à l’appréciation de ce rendement, puisqu’il était le seul à en disposer (FETTER, La contestation du loyer initial, Etude de l’article 270 CO, thèse Berne 2005, n. 515, et les réf. citées),

que le bailleur devait ainsi en règle générale remettre au juge l’acte d’achat de l’immeuble, avec des précisions sur la quotité des fonds empruntés et des fonds propres, l’état des charges immobilières pour un nombre d’exercices suffisants, afin de permettre l’établissement de moyennes, ainsi que l’état locatif de l’immeuble (LACHAT, op. cit., p. 428),

que sous l’empire de la procédure fédérale codifiée, ces exigences restent d’actualité dans le cadre de l’application de l’article 247 alinéa 2 CPC, qui prévoit que le tribunal établit les faits d’office dans les litiges qui portent sur la protection contre les loyers abusifs en matière de baux d’habitations et de locaux commerciaux (art. 243 al. 2 let. c CPC),

qu’en effet, la maxime inquisitoire prévue par l’article 247 alinéa 2 CPC correspond à la maxime inquisitoire sociale de l’ancien article 274d alinéa 3 CO (TAPPY, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, nn. 21 ss ad art. 247 CPC),

que lorsque le bailleur se refuse obstinément à produire certaines ou l’ensemble des pièces comptables indispensables à l’appréciation du rendement de la chose louée, le loyer doit être considéré comme abusif en vertu des règles sur l’appréciation des preuves (art. 164 CPC ; TF, 28 février 2011, 4A_3/2011, consid. 4 ; TF, 19 février 2009, 4A_576/2008, consid. 2.4 ; FETTER, op. cit., n. 517, et les réf. citées),

que dans cette hypothèse, le juge peut se contenter de fixer le loyer en fonction des conclusions prises par le locataire en procédure, dans la mesure où celles-ci ne paraissent pas déraisonnables (FETTER, ibidem),

que le juge n’agit pas arbitrairement s’il détermine cette dernière notion par référence à son expérience générale (TB, 26 juin 2007, XG06.22768, confirmé par Ch. rec., P. SA c. G. & L., 21 février 2008, n°79/I, consid, 6),

qu’on ne saurait par ailleurs considérer que des conclusions sont déraisonnables pour le seul motif qu’elles tendent à la fixation du loyer initial à un montant inférieur à celui dû par le précédent locataire,

qu’en effet, le montant dû par celui-ci ne constitue nullement une limite inférieure à la fixation du loyer dans le cadre de la contestation prévue par l’article 270 alinéa 1 CO, laquelle a pour finalité de vérifier si le loyer initial est abusif ou non, selon la méthode objective, et non par rapport à un loyer payé antérieurement par un tiers (TF, 17 novembre 2006, 4C.281/2006, consid. 2.2),

qu’en l’espèce, les demandeurs ont fait savoir dans leur demande

qu’ils entendaient obtenir la production par la défenderesse de toutes pièces permettant de calculer le rendement net tiré de leur logement,

que la demande a été notifiée à la défenderesse le 16 novembre 2011,

que celle-ci savait ainsi dès cette date que les demandeurs voulaient, conformément à leur droit, faire contrôler le loyer litigieux à l’aune du critère du rendement de la chose louée,

que dans ses déterminations du 18 janvier 2011, elle a cependant nié ce droit, prétendant que le loyer contesté devait être apprécié à la lumière du critère des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier, et n’a fourni aucun renseignement propre à établir ledit rendement,

qu’elle s’est contentée de produire, en annexe à son écriture, un extrait du registre foncier de la commune de Lausanne concernant la parcelle sur laquelle est sis l’appartement,

que par courrier du 23 janvier 2012, la présidente du tribunal de céans a ordonné à la défenderesse de produire, dans un délai au 29 février 2012, toutes les pièces utiles au calcul de rendement net de l’appartement, conformément au régime juridique exposé ci-dessus,

que la défenderesse n’a pas obtempéré à cette ordonnance,

que n’étant pas valablement représentée à l’audience du 29 mars 2012, elle y a fait défaut,

qu’au demeurant, le mandataire non autorisé qui s’est présenté à cette audience au nom de la défenderesse n’était pas en possession des titres requis pour l’examen du rendement net de l’appartement,

que le tribunal infère de ce refus persistant de la défenderesse de collaborer à l’établissement du rendement net de l’appartement que ce rendement est excessif et que le loyer litigieux est par conséquent abusif,

que certes, selon les indications figurant sur la formule de notification de loyer lors la conclusion d’un nouveau bail remise aux demandeurs le 11 mai 2011, le loyer contesté est identique à celui du précédent locataire,

qu’au regard de la jurisprudence fédérale exposée plus haut, cela n’empêche cependant nullement les demandeurs de prétendre à la fixation de leur loyer à un montant inférieur,

que ceux-ci ont chiffré leur prétention à un montant mensuel net de 500 francs,

que selon l’expérience générale du tribunal de céans, un loyer mensuel net inférieur à 600 fr. pour un objet tel que l’appartement occupé par les demandeurs paraît déraisonnable,

que le loyer litigieux sera donc fixé à ce dernier montant.


Décision

53/6 - Contestation du loyer initial

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