Contestation de loyer initial – loyer abusif
Base légale
- Art. 269 CO
- Art. 269a CO
- Art. 270 CO
Nom du tribunal
Tribunal des Baux du canton du Vaud
Date
12.05.2005
Résumé
Lorsque le bailleur se refuse à produire certaines ou l’ensemble des pièces comptables indispensables à l’appréciation du rendement de la chose louée, ou qu’il produit un lot désordonné de pièces en vrac, le loyer doit être considéré comme abusif. Dans ces hypothèses, le juge peut se contenter de fixer le loyer en fonction des conclusions prises par le locataire en procédure, voire de reprendre le loyer payé par l’ancien locataire en cas de hausse sensible.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer du 14 avril 2004
portant sur la location d’un appartement de 3 pièces à L. Ledit bail a
commencé le 1er mai 2004 pour se terminer le 1er avril 2005,
renouvelable tacitement de six mois en six mois, sauf résiliation donnée
par une partie quatre mois à l’avance. Le loyer initial mensuel net a
été fixé à fr. 1'350.-.
Le 14 avril 2004, les parties ont également
signé une formule officielle de notification de loyer lors de la
conclusion du bail, qui indique un montant de fr. 0.- sous le poste «
loyer dû par le précédent locataire » et « vacant pour cause de travaux »
sous le poste « motifs de la hausse éventuelle ».
Les locataires
ont saisi la Commission de conciliation du district de Lausanne le 12
mai 2004 en contestation de loyer initial. La conciliation a échoué.
Le
22 octobre 2004, les locataires ont saisi le Tribunal des baux du
canton de Vaud, concluant à ce que le loyer mensuel net soit fixé à fr.
500.- dès le 1er mai 2004; ledit tribunal a fixé le loyer mensuel net au
montant requis par les locataires par jugement du 12 mai 2005.
Considérations
II.b) En cas de pénurie de logements, les cantons peuvent pour les baux
d’habitation rendre obligatoire, sur tout ou partie de leur territoire,
l’usage de la formule officielle mentionnée à l’art. 269d CO, lors de la
conclusion de tout nouveau bail (art. 270 al. 2 CO). Le canton de Vaud a
fait usage de cette faculté. La formule officielle doit alors
comporter, à l’occasion d’un nouveau bail, les mêmes mentions qu’en cas
de majoration de loyer (art. 19 al. 3 OBLF), en particulier le montant
de l’ancien loyer (art. 19 al. 1 lit. a ch. 1 OBLF) et les motifs précis
d’une éventuelle majoration du loyer (art. 19 al. 1 lit. a ch. 4 OBLF).
Les motifs de la hausse doivent en effet être mentionnés de manière
précise, pour que le locataire puisse se faire une idée suffisante des
prétentions du bailleur, afin de décider s’il entend ou non contester la
hausse (ATF 121 III 8). Selon les circonstances, la seule référence aux
articles de la loi ou l’utilisation d’une motivation type préimprimée
peut être insuffisante (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997, p. 266,
n. 3.1.5, et les références citées). Le bailleur doit, par exemple, se
référer non seulement à la hausse des coûts, mais encore indiquer de
quels coûts il s’agit, et il doit en outre fournir quelques précisions
chiffrées (Lachat, op. cit., p. 266, n. 3.1.5). Lorsque la hausse de
loyer repose sur plusieurs motifs, le bailleur doit indiquer les
montants de la hausse correspondant à chacun d’entre eux (art. 19 al. 1
lit. a ch. 4 OBLF). En cas de doute, il incombe au juge d’interpréter la
motivation de l’avis de majoration, conformément au principe de la
confiance, au vu de tous les éléments du cas particulier, de la manière
dont un locataire de bonne foi aurait pu les comprendre (ATF 116 II 596;
MP 1995 p. 33). Le bailleur ne peut pas invoquer de nouveaux motifs de
hausse lors de la procédure de contestation (ATF 121 III 366).
L’absence
de notification du nouveau loyer sur formule officielle, l’absence de
motivation ou une motivation insuffisante entraîne la nullité partielle
du bail, limitée à la seule fixation du loyer (art. 20 al. 2 CO; Lachat,
op. cit., p. 263, n. 2.4.3). Selon le Tribunal fédéral, il incombe
alors au juge de fixer le loyer admissible en se fondant sur toutes les
circonstances du cas d’espèce, notamment sur le rendement admissible
(art. 269 CO), les loyers non abusifs pratiqués dans le quartier (art.
269a lit. a CO), et le loyer payé par le précédent locataire (ATF 120 II
351). Même s’il n’a pas contesté à temps le loyer initial, le locataire
peut se plaindre d’une informalité dans la notification et réclamer à
son bailleur le trop perçu de loyer, dans l’année qui suit la
connaissance de son droit, mais au plus tard dix ans après la conclusion
du bail (art. 67 CO; Lachat, op. cit., p. 263 n. 2.4.3).
L’absence
d’indication du loyer précédent sur la formule conduit également à la
nullité de la notification du loyer initial. Il en va de même en
principe de l’indication erronée du précédent loyer, de même que de
toute autre indication volontairement inexacte, faite dans le but de
décourager le locataire à contester le loyer intial (Fetter, La
contestation du loyer initial, étude de l’art. 270 CO, thèse Berne 2005,
pp. 106 ss, 107). Le bailleur qui fournit de fausses indications quant
au précédent loyer s’expose en outre, selon les circonstances, à des
sanctions pénales (art. 251 CP: faux dans les titres; cf. Lachat, op.
cit., p. 138, n. 4.7, et p. 264, n. 2.4.4).
La preuve du caractère
abusif du loyer incombe au locataire (art. 8 CC; TF, 9 juillet 2002 in
CdB 2002, 135 ss, 138; ATF 124 III 310, 312; Fetter, op. cit., p. 234 et
les réf. cit. à la note de pied no 1112). Elle s’étend uniquement aux
motifs que celui-ci a invoqués à l’appui de sa contestation (Fetter, op.
et loc. cit., note de pied no 1113). Le bailleur a de son côté la
faculté d’apporter la contre-preuve du caractère admissible du loyer
convenu (Fetter, op. et loc. cit.). En vertu de l’art. 274d al. 3 CO, le
bailleur a toutefois l’obligation de collaborer à l’administration des
preuves et de produire les documents en sa possession (TF, 23 avril
1996, in CdB 1996, 111 ss, 113; TF, 18 avril 1996, in mp 1996, 165 s,
167; art. 20 al. 2 OBLF). Il est ainsi tenu, lorsque le locataire
requiert l’examen du loyer à l’aune du rendement de la chose louée, de
communiquer au juge tous les renseignements comptables nécessaires à
l’appréciation de ce rendement, puisqu’il est le seul à en disposer ; ce
sont les documents comptables eux-mêmes qu’il s’agit de fournir, et non
des tableaux chiffrés établis pour les besoins de la cause; en outre,
le bailleur devra produire ces documents de manière ordonnée et
facilement compréhensible, et non sous la forme d’un lot de pièces en
vrac (Fetter, op. cit., p. 236 et les nombreuses réf. cit.; cf. en outre
: TBx, Berti c. Dambach, 7 juillet 2000, confirmé par la Chambre des
recours par arrêt du 13 juin 2001, no 249; TBx, Mbiyavanga et cons. c.
Caisse de pension Energie, 19 janvier 2005 et les réf. cit.; Lachat, op.
cit., p. 238).
Lorsque le bailleur se refuse à produire
certaines ou l’ensemble des pièces comptables indispensables à
l’appréciation du rendement de la chose louée, ou qu’il produit un lot
désordonné de pièces en vrac, le loyer doit être considéré comme abusif
(Fetter, op. cit., p. 237 et les réf. cit. à la note de pied no 1126).
Dans ces hypothèses, le juge peut se contenter de fixer le loyer en
fonction des conclusions prises par le locataire en procédure, voire de
reprendre le loyer payé par l’ancien locataire en cas de hausse sensible
au sens de l’art. 270 al. 1er lit. b CO (Fetter, op. et loc. cit.).
Décision
41/5 - Contestation de loyer initial – loyer abusif