Contestation de loyer initial
Base légale
Nom du tribunal
Tribunal des Baux du canton de Vaud
Date
10.05.2005
Résumé
La seule inoccupation d’un appartement pendant une période, même d’une longue durée, ne conduit pas à l’absence d’un bail antérieur et ne permet pas de considérer qu’il s’agit, ultérieurement, d’une première mise en location ; un raisonnement contraire permettrait au bailleur de détourner le but de l’art. 270 al. 2 CO en retirant quelque temps un objet du marché locatif.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail portant sur la location
d’un appartement avec garage à P. pour un loyer de fr. 2'380.- par mois
du 1er avril 2004 au 1er avril 2005, renouvelable tacitement d’année en
année, sauf avis de résiliation donné trois mois à l’avance.
Auparavant,
l’appartement avait été loué jusqu’en octobre 2003, le dernier loyer
payé par le locataire d’alors étant de fr. 1'560.- par mois.
La
formule de notification de loyer lors de la conclusion du nouveau bail,
datée du 15 mars 2004, laissait blanche la rubrique « loyer du précédent
locataire » et portait la mention « première mise en location ».
Les
locataires ont contesté le loyer initial le 23 avril 2004 à la
Commission de conciliation du district de Morges. Suite à l’échec de la
conciliation, la cause a été portée devant le Tribunal des baux et
loyers de Lausanne. Par jugement du 10 mai 2005, ledit Tribunal a fixé
le loyer mensuel à fr. 1'600.-.
Considérations
Attendu que l’article 270 alinéa 2 CO prévoit qu’en cas de pénurie de
logements, les cantons peuvent rendre obligatoire, sur tout ou partie de
leur territoire, l’usage de la formule officielle mentionnée à
l’article 269 d pour la conclusion d’un nouveau bail,
que le canton
de Vaud a rendu la formule officielle obligatoire au changement de
locataire par l’adoption de la loi du 7 mars 1993 sur l’utilisation
d’une formule officielle au changement de locataire (RSV 3.5 G);
attendu que l’article 270 alinéa 2 CO renvoie à l’article 269 d CO,
que, partant, le contenu de la formule officielle est régi par l’article 19 alinéa 1 et 1 bis OBLF,
que
selon l’article 19 alinéa 1 lettre a chiffre 1 et 2 OBLF doivent
notamment figurer sur la formule officielle, le montant de l’ancien
loyer et l’ancien état des charges ainsi que le montant du nouveau loyer
et le nouvel état des charges,
que lorsqu’un appartement fait
l’objet d’une première location, il convient de faire figurer sur la
formule officielle qu’il n’y a pas de précédent locataire et qu’il
s’agit d’une première location, en lieu et place du précédent loyer
(Cour de justice de Genève, arrêt 689/01 du 22 juin 2001 cons. 2b),
que
la seule inoccupation d’un appartement pendant une période, même d’une
longue durée, ne conduit pas à l’absence d’un bail antérieur (Higi,
Zürcher Kommentar, Zürich 1996, n 56 ad art. 270 CO; Weber, Basler
Kommentar, Bâle, 2003, n 5 ad art. 270 CO; Fetter, La contestation du
loyer initial, thèse, Berne, 2005, p. 182);
attendu que selon le
Tribunal fédéral, la conséquence d’un vice de forme dans l’usage de la
formule officielle au début du bail est une nullité partielle du bail
limitée à la seule fixation du loyer (ATF 120 II 341, 348),
que
notre Haute Cour a considéré que dans un tel cas, il appartenait au juge
de fixer le loyer initial en se fondant sur toutes les circonstances du
cas, notamment le loyer admissible selon l’article 269 CO et le loyer
payé par le précédent locataire (ATF 120 II 341, 351) ;
attendu
qu’en l’espèce, la gérance a laissé blanche la rubrique ”loyer du
précédent locataire” de la formule officielle datée du 15 mars 2004,
que pourtant, l’appartement litigieux avait été loué pendant vingt-trois ans aux locataires D. et ce jusqu’au 31 octobre 2003,
qu’au
moment de la signature du bail avec les demandeurs le 15 mai 2004,
l’appartement litigieux était donc inoccupé depuis quatre mois et demi
seulement,
que cette période d’inoccupation ne permet pas de
considérer que l’appartement n’était pas loué précédemment et qu’il
s’agit d’une première mise en location,
qu’un raisonnement
contraire permettrait au bailleur de détourner le but de l’art. 270 al. 2
CO en retirant quelque temps un objet du marché locatif,
qu’ainsi le montant du loyer du précédent locataire devait figurer sur la formule officielle remise aux demandeurs,
que
partant, la formule officielle est affectée d’un vice de forme ayant
pour conséquence la nullité partielle du contrat sur la question de la
fixation du loyer,
qu’il appartient donc au Tribunal de céans de
fixer le montant du loyer initial en prenant en compte toutes les
circonstances du cas d’espèce.
Décision
41/8 - Contestation de loyer initial