Contestation de loyer initial
Base légale
Nom du tribunal
Tribunal des Baux du canton de Vaud
Date
26.03.2004
Résumé
Il y a lieu de limiter les prétentions du nouveau locataire dans le cadre d’une procédure en fixation du loyer initial au loyer payé par le précédent locataire.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur un
appartement de 4 pièces et demie à P. Le loyer mensuel à été fixé à fr.
2'600.-, plus fr. 160.- pour acompte de chauffage et d’eau chaude.
Le
6 mars 2002, la bailleresse a communiqué à la locataire, au moyen du
formulaire officiel ad hoc, le montant du loyer dû par le précédent
locataire qui était de fr. 2'100.- par mois, plus fr. 100.- d'acompte de
chauffage et d'eau chaude. Il était préci¬sé ce qui suit : « Motifs de
la hausse éventuelle : selon art. 269 a, lettre b CO et art. 14 OBLF,
travaux à plus-value réalisés : réfection peinture appartement complet
-remplacement des moquettes par du parquet dans les chambres - ponçage
et vitrifica¬tion du parquet du salon ».
Le 25 mars 2002, la
locataire a adressé un courrier à la bailleresse faisant état de
nombreux défauts qui n'avaient pas été corrigés dans l'appartement.
La
locataire a pris possession de l'appartement le 15 mars 2002 et, par
courrier du 5 avril 2002, elle a saisi la Commission de conciliation en
matière de baux à loyer du district de Lausanne d'une requête en
contestation du loyer de son appartement, en raison de son caractère
abusif.
Aucune conciliation n'ayant abouti, la cause a été portée
devant le Tribunal des baux. Lors de l'audience du 25 septembre 2003, la
locataire a requis que le loyer mensuel net de fr. 2'600.- soit reconnu
abusif et diminué à fr. 1'000.-.
Considérations
c) Il reste à déterminer le montant du loyer initial.
Conformément à
l’article 269 CO, le loyer d’un bail d’habitation n’est pas abusif
lorsqu’il ne permet pas au bailleur d’obtenir un rendement excessif. Le
rendement admissible pour l'année 2001 était de 401'352 fr. pour une
surface totale des objets loués de 1894 m2, ce qui correspond à un
rendement admissible par mètre carré de 211,90 francs. Comme
l'appartement de la demanderesse dispose d'une surface de 107 m2, le
loyer annuel admissible pour cet objet est de 22'673.30 fr., ce qui
correspond à un loyer mensuel net de 1'889 fr. 45. On ne saurait
toutefois fixer un loyer inférieur à celui fixé dans le contrat de bail
conclu par le locataire précédent, comme le sollicite la demanderesse.
En
effet, l'article 270 CO a repris et complété dans le Code des
obligations l'article 17 de la Loi fédérale instituant des mesures
contre les abus dans le secteur locatif (ci-après : AMSL, voir FF 1985 I
1369, 1473). Cette ancienne disposition avait été combattue notamment
lors de la prorogation en 1976 de L'AMSL. Il ressort du message du
Conseil fédéral publié à cette occasion, que la suppression de l'article
17 AMSL aurait enlevé à la partie locataire la possibilité d'attaquer
les augmentations qu'elles soient abusives ou non. « Biffer [cet
article] créerait (...) une lacune grâce à laquelle le bailleur
pourrait, à la faveur de la situation du marché, lors d'un changement de
locataire, imposer des augmentations abusives» (FF 1976 III 866, 877).
Il
ressort donc de l'examen de la ratio legis et de ces travaux
préparatoires que l'article 270 CO a pour objectif de permettre au
locataire de contester des augmentations de loyer abusives en prenant
comme point de départ le loyer payé par le précédent locataire et non de
permettre un contrôle in abstracto des loyers par le juge (cf., pour un
examen historique approfondi de l'art. 270 CO, Maryse Jornod, La limite
inférieure de la diminution du loyer initial lors du changement de
locataire, Cdb 1/2005, pp. 1 à 17, spéc. 1 à 12).
En outre, il faut
mentionner un argument qui tient au texte légal et à la bonne foi du
locataire à qui une formule de notification d'un nouveau loyer a été
adressée au moment de la conclusion du contrat de bail. Il ressort
clairement du texte légal (cf. art. 270 al. 1er lit. b CO) qui mentionne
une augmentation sensible du loyer "par rapport au précédent loyer" et
de la formule officielle, qui mentionne deux termes, savoir le "loyer dû
par le précédent locataire" et le "nouveau loyer dû dès l'entrée en
vigueur du bail". Dans ces conditions, le locataire qui reçoit une telle
formule, laquelle cite in extenso l'art. 270 CO à son verso, ne peut de
bonne foi imaginer que le loyer initial auquel il peut prétendre sera
inférieur au loyer dû par le précédent locataire.
Enfin, le Tribunal
fédéral a eu l'occasion de constater, dans un arrêt concernant un vice
de forme (absence de formule officielle ou notification nulle)
entraînant la nullité partielle de la fixation par les parties du loyer
initial qu'aucune solution quant à la méthode de calcul à utiliser en
cas de contestation initial de loyer ne se dégageait du texte et de
l'interprétation de l'article 270 alinéa 2 CO. La loi présente ainsi une
lacune proprement dite que le Tribunal fédéral a comblée en faisant
œuvre de législateur au sens de l'article 1er alinéa 2 CC. Ainsi,
d'après notre Haute Cour, le juge appelé à fixer le loyer initial doit
se fonder sur toutes les circonstances du cas. Parmi les facteurs à
prendre en compte, il y a notamment le montant admissible selon
l'article 269 CO, les loyers non abusifs pratiqués dans le quartier
ainsi que le loyer payé par le précédent locataire. Dans ce cas, le pire
que risque le bailleur qui n'a pas fait usage de la formule officielle
est que le juge fixe le loyer initial à hauteur de celui payé par le
locataire précédent; à cet égard, le juge n'est pas limité à l'examen du
caractère abusif ou non du loyer convenu entre les parties, car il
jouit d'un pouvoir plus étendu que dans la procédure en contestation
d'un loyer fixé selon les formes prescrites (ATF 120 II 341, consid.
6c).
Or, on ne saurait traiter plus favorablement la partie
bailleresse qui n'a pas respecté les formes prescrites par la loi pour
la notification du loyer (notamment celle qui a omis d'utiliser la
formule officielle ad hoc) que celle qui a respecté les formes
prescrites mais n'est pas parvenue à établir les motifs invoqués. Il
serait en effet choquant que, dans le premier cas, le loyer initial soit
fixé - au pire - à l'ancien loyer et, dans le second cas, il soit fixé à
un loyer inférieur à l'ancien loyer. En conclusion, comme
l'interprétation historique, téléologique et textuelle, cette
jurisprudence plaide également pour limiter les prétentions du nouveau
locataire dans le cadre d'une procédure en fixation du loyer initial au
loyer payé par le précédent locataire.
Dans ces circonstances, le
montant du loyer initial mensuel net dû par la demanderesse doit être
fixé au loyer dû par le précédent locataire, soit à 2'100 francs.
Décision
40/9 - Contestation de loyer initial