Contestation de hausse de loyer
Base légale
Nom du tribunal
Chambre des Recours du canton de Vaud
Date
14.07.2008
Résumé
Certains auteurs estiment qu’il n’existe actuellement pas de statistiques officielles suffisamment détaillées et qui prennent en compte les différents critères énumérés à l’art. 11 al. 1 OBLF. Le Tribunal Fédéral a néanmoins considéré qu’une statistique officielle sérieuse, qui ne prend en considération qu’une partie de ces critères, à savoir le quartier, le nombre de pièces, la période de construction et une éventuelle rénovation du logement, peut être retenue lorsque le loyer contesté se situe nettement au-dessous du loyer statistique.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail du 14 juin 1976 portant sur la location d’un appartement de quatre pièces à V.
Par
formule officielle du 22 janvier 2007, la bailleresse a notifié aux
locataires une hausse de loyer, celui-ci passant de fr. 608.- à fr.
908.- net par mois. Cette hausse était motivée par l’adaptation aux
loyers usuels du quartier selon l’art. 269a let. a CO.
Les locataires
ont contesté la hausse de loyer auprès de la Commission de conciliation
en matière de baux et loyers du district de Vevey et ont fait valoir
qu’ils requéraient une baisse de loyer de fr. 108.- par mois.
Le 16 octobre 2007, la bailleresse a déposé une requête en validation
de hausse de loyer auprès du Tribunal des baux du canton de Vaud,
concluant à ce que les avis de majoration de loyer notifiés aux
locataires soient valables. Elle a notamment produit un document établi
par le Crédit Suisse intitulé « Les loyers en Suisse » qui se basait sur
une enquête de structure sur loyers réalisée en 2003 par l’Office
fédéral de la statistique.
Par jugement du 14 décembre 2007, le
Tribunal des baux du canton de Vaud a rejeté les conclusions prises par
la bailleresse ; il a rejeté le moyen de la bailleresse tiré de
l’adaptation aux loyers usuels du quartier ou de la localité au sens de
l’art. 269a let. a CO ; il a considéré qu’ils n’étaient pas en mesure
d’apprécier si le loyer que la bailleresse entendait obtenir des
défendeurs se situait dans les limites usuelles du quartier ou de la
localité, les exigences légales et jurisprudentielles n’étant pas
remplies. La bailleresse a interjeté recours de ce jugement.
Considérations
3. La recourante ne remet pas en cause le jugement dans la mesure où
celui-ci retient que les loyers de comparaison qu’elle a offerts comme
preuve de la justification de la hausse de loyer notifiée ne répondent
pas aux exigences légales et jurisprudentielles.
Les considérations
des premiers juges contenues aux pages 3 et suivantes du jugement,
complètes et convaincantes notamment en ce qui concerne l’exigence de
cinq éléments de comparaison (jugement, p. 3, et référence à l’arrêt du
Tribunal fédéral (TF), no 4C. 124/2006, du 29 juin 2006, c. 2.1),
peuvent être confirmées par adoption de motifs (art. 471 al. 3 CPC).
La
recourante soutient que c’est à tort que les premiers juges n’ont pas
pris en considération le document intitulé « Les loyers en Suisse »,
établi par le Crédit Suisse, comme statistiques valables pour déterminer
les loyers usuels dans la localité ou le quartier, conformément à
l’article 11 alinéa 4 OBLF. Sur la base de la figure 5 contenue à la
page 7 dudit document, elle estime qu’en ville de V. le loyer moyen d’un
appartement de quatre pièces est de 1'900 fr. à 2'200 fr., soit plus du
triple du loyer actuel payé par les intimés.
Aux termes de l’article
11 alinéa 1er OBLF, les loyers déterminants pour le calcul des loyers
usuels dans la localité ou le quartier au sens de l’article 269a lettre a
CO sont les loyers des logements et des locaux commerciaux comparables à
la chose louée quant à l’emplacement, la dimension, l’équipement,
l’état et l’année de construction. L’alinéa 4 de cette disposition
précise que les statistiques officielles doivent être prises en
considération.
Selon une partie de la doctrine, seules les
statistiques officielles peuvent être prises en considération, à
l’exclusion des statistiques « privées » établies par les seuls milieux
immobiliers (Lachat, le bail à loyer, 2008, p. 461). D’autres auteurs
estiment au contraire que les statistiques des associations immobilières
ne devraient pas être exclues de manière générale (SVIT,
Schweizerisches Mietrecht, Kommentar, 2ème éd., 1998, n. 32 ad art. 269a
CO, p. 636). Il faut encore que les statistiques officielles soient
établies par localités, qu’elles fassent état des époques de
construction et qu’elles tiennent compte, même sommairement, des autres
facteurs d’appréciation de l’article 11 alinéa 1er OBLF. Les
statistiques du recensement fédéral de 2000 et les relevés établis
quatre fois l’an par l’Office fédéral de la statistique pour les besoins
du calcul de l’indice fédéral des loyers ne constituent pas un
instrument permettant l’application du critère des loyers usuels
(Lachat, ibidem.). Les autres estiment qu’il n’existe à l’heure actuelle
pas de statistiques officielles suffisamment détaillées et qui prennent
en compte les différents critères énumérés à l’article 11 alinéa 1er
OBLF (Lachat, ibidem ; Higi, Zürcher Kommentar, n. 26 et 60 ad art. 269a
CO, pp. 224 et 233).
Le Tribunal fédéral a néanmoins considéré
qu’une statistique officielle sérieuse, qui ne prend en considération
qu’une partie des critères de l’article 11 alinéa 1er OBLF, à savoir en
l’espèce le quartier, le nombre de pièces, la période de construction et
une éventuelle rénovation du logement, peut être retenue lorsque le
loyer contesté se situe nettement au-dessous du loyer statistique. Il a
estimé que la statistique en cause donnait des points de repère
objectifs et utilisables comme relevé grossier pour l’établissement des
loyers usuels dans la localité ou le quartier et qu’il fallait examiner
dans chaque cas particulier si et dans quelle mesure la valeur d’un
logement s’écarte de la moyenne déterminée statistiquement. Dans ce cas
relatif au canton de Bâle-Ville, le loyer mensuel admissible pour un
appartement de quatre pièces était selon la statistique de 1'120 francs.
En raison de la nette différence de prix, le loyer porté à 662 fr. par
mois a été déclaré non abusif (TF, arrêt no 4C.176/2003, du 13 janvier
2004, traduit in Cahiers du bail (CdB) no 3/2004, pp. 81 ss, et cité par
Lachat, op. cit., p. 461 s.). Le Tribunal fédéral a confirmé cette
jurisprudence dans un arrêt postérieur (arrêt no 4A_472/2007, du 11 mars
2008, c. 2.2).
En l’espèce, le document établi par le Crédit Suisse,
intitulé « Les loyers en Suisse », bien qu’il se base sur une enquête
de structure sur les loyers réalisée en 2003 par l’Office fédéral de la
statistique, ne peut pas être considéré comme une statistique
officielle. De plus, le schéma reproduit en page 7 de ce document émane
de l’office fédéral précité, dont les relevés ne constituent en principe
pas un instrument permettant l’application du critère des loyers
usuels, comme cela a été exposé précédemment. Le caractère officiel
exigé tant par l’article 11 alinéa 4 OBLF que par la jurisprudence et la
doctrine fait ainsi défaut au document établi par le Crédit Suisse.
Pour cette raison, son contenu ne peut pas être pris en considération à
titre d’élément de comparaison pour déterminer les loyers usuels dans la
localité ou le quartier.
En outre, la jurisprudence retient que
l’utilisation de statistiques suppose des données, chiffrées,
suffisamment différenciées et dûment établies sur la situation,
l’agencement, l’état de la chose louée et la période de construction
(TF, arrêt no 4A_472/2007 précité, c. 2.2 ; Arrêts du Tribunal fédéral
(ATF) 123 III 317, c. 4a). Même si l’on devait suivre l’avis de la
partie de la doctrine qui considère que les statistiques des
associations immobilières ne devraient pas être totalement exclues, les
données contenues dans ce document ne sont pas suffisamment détaillées
au sens de la jurisprudence précitée. En effet, comme l’ont relevé avec
pertinence les premiers juges (jugement, p. 6 s.), la figure 5
reproduite en page 7 est trop vague et imprécise pour déterminer dans
quelle zone se situe la commune de V. et, a fortiori, le quartier dans
lequel se trouve l’appartement en cause. Le document établi par le
Crédit Suisse ne saurait être assimilé à la statistique officielle
sérieuse établie dans le canton de Bâle-Ville, au sujet de laquelle le
Tribunal fédéral a considéré qu’elle donnait des points de repère
objectifs et utilisables comme relevé grossier pour l’établissement des
loyers usuels dans la localité ou le quartier (TF, arrêt 4C. 176/2003
précité). C’est donc à tort que la recourante se réfère à cette
jurisprudence. L’arrêt genevois cité par la recourante (résumé in CdB,
no 3/2006, p. 82 s.) ne permet pas d’arriver à un autre résultat. Le
document établi par le Crédit Suisse ne remplit manifestement pas les
exigences posées par la jurisprudence et le fait que l’autorité de
jugement genevoise ait considéré qu’il n’était pas critiquable de
prendre en compte une statistique des loyers portant sur les baux
nouvellement conclus pour déterminer un nouveau loyer initial est ainsi
sans pertinence en l’espèce.
C’est donc à bon droit que les premiers
juges ont considéré que ce document n’était pas une statistique
officielle au sens de l’article 11 alinéa 4 OBLF et qu’il ne constituait
pas une preuve suffisante pour établir les loyers usuels de la commune
de V. et du quartier où se trouve l’appartement en cause.
Décision
45/8 - Contestation de hausse de loyer