Contestation de hausse de loyer
Base légale
Nom du tribunal
Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève
Date
24.01.2011
Résumé
La méthode absolue, déduite de l’art. 269 CO, exige une analyse du rendement net obtenu par le bailleur. Le propriétaire ayant acquis l’immeuble dans le cadre d’une donation mixte se trouve dans la même situation que le bailleur qui aurait acheté le bien-fonds avec ses propres deniers pour une part importante. C’est parce que la libéralité ne doit bénéficier qu’au propriétaire que le montant des fonds propres s’obtient, en l’espèce, en retranchant de la valeur vénale le montant de la dette reprise.
Exposé des faits
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de trois pièces.
Le
13 mai 2003, la part de copropriété correspondant à l’appartement
précité a été grevé d’une cédule hypothécaire au porteur d’un montant de
fr. 100'000.-. A la demande de la banque ayant accordé le crédit
hypothécaire, une expertise a été faite établissant la valeur vénale de
l’appartement à fr. 376'000.-.
Le 22 décembre 2006, le propriétaire a
fait donation de cet appartement à son fils, moyennant reprise par ce
dernier de la dette hypothécaire de fr. 100'000.- grevant le bien, dont
le taux d’intérêt fixe est de 3.2 %.
Le 12 mai 2008, le propriétaire a
avisé la locataire que le loyer annuel serait porté à fr. 18'000.- à
compter du 1er juin 2008. Il a motivé cette hausse par le rendement
insuffisant de l’immeuble.
A la suite de la contestation du 7 mars
2008 de la locataire de la hausse de loyer, la Commission de
conciliation des baux et loyers a déclaré la cause non conciliée le 29
avril 2008.
Par jugement du 31 mai 2010, le Tribunal des baux et
loyers a notamment confirmé la hausse de loyer. Le 13 août 2010, la
locataire a interjeté appel de ce jugement.
Considérations
4. L’appelante fait grief aux premiers juges d’avoir violé l’art. 269 CO
par une mauvaise interprétation de la jurisprudence du Tribunal fédéral
relative à la détermination des fonds propres pour le calcul du
rendement admissible.
4.1 La méthode absolue, déduite de l’art.
269 CO, exige une analyse du rendement net obtenu par le bailleur ; ce
rendement résulte du rapport existant entre les fonds propres investis
dans la chose remise à bail et le loyer après déduction des charges
d’exploitation et des intérêts débiteurs sur les capitaux empruntés ;
pour déterminer le montant des fonds propres investis, il faut partir du
coût de revient effectif de l’immeuble, à moins que le prix d’achat de
celui-ci ne soit manifestement exagéré, et en soustraire le montant des
fonds étrangers. Il n’est pas possible, en principe, de substituer au
coût de revient partiellement réévalué d’autres valeurs, plus ou moins
abstraites, telles que la valeur vénale de l’immeuble, sa valeur fiscale
ou sa valeur d’assurance incendie (ATF 125 III 421 consid. 2b; ATF 123
III 171 consid. 6a; ATF 122 III 257 consid. 3a et b; arrêts du Tribunal
fédéral 4C.285/2005 consid. 2.4 = CdB 2006 p. 59).
Toutefois, selon
la jurisprudence du Tribunal fédéral, le bailleur qui a acquis un
bienfonds à un prix préférentiel, par exemple à la suite d’une
succession ou dans le cadre d’une donation mixte, est en droit de fonder
la valeur de l’immeuble au prix effectif du marché au moment de
l’acquisition. Le prix avantageux qui est consenti au bailleur dans les
circonstances précitées est en effet destiné exclusivement à le
favoriser, mais nullement à avantager les locataires de ce dernier
(arrêts du Tribunal fédéral 4C.285/2005 consid. 2.5 = CdB 2006 p. 59 et
4C.234/1994 consid. 3a = mp 1995 p. 79). Ces principes ont été repris
par la jurisprudence de la Chambre d’appel en matière de baux et loyers
de la Cour et sont cités par la doctrine sans critique (ACJC/812/2010
consid. 3.1 ; ACJC/1039/2008 consid. 3.1 ; ACJC/740/2007 consid. 2.1;
BOHNET, Droit du bail à loyer, 2010, n. 31 ad art 269 CO; LACHAT, Le
bail à loyer, 2008, p. 430, ch. 3.2 ; SVIT-Kommentar, 2008, n. 16 ad
art. 269 OR).
Il s’ensuit qu’il doit également être permis au
propriétaire qui acquiert un bien sans contreprestation d’obtenir un
rendement (Commentaire de ROHRER, in MRA 2006, p. 7). Une opinion
contraire conduirait à contraindre le propriétaire ayant acquis le
bien-fonds à un prix préférentiel de le vendre à un tiers afin de ne pas
être désavantagé, puisqu’il obtiendrait ainsi une valeur conforme à la
valeur du marché, qu’il pourrait ensuite investir dans un immeuble au
titre de fonds propres (Commentaire de ROHRER, in MRA 1995, p. 77 ss, p.
78).
4.2 En l’espèce, se fondant sur la jurisprudence précitée,
le Tribunal a retenu qu’il convenait de prendre en considération la
valeur vénale de l’appartement litigieux au moment de son acquisition
par l’intimé afin de déterminer les fonds propres investis par ce
dernier.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, le Tribunal
n’a pas entendu placer le bailleur qui a acquis un immeuble,
partiellement ou totalement à l’aide d’une libéralité, dans une
situation plus favorable que celui qui achèterait un bien-fonds au moyen
de ses propres deniers. En effet, il découle de la jurisprudence
précitée que le propriétaire ayant acquis l’immeuble dans le cadre d’une
donation mixte se trouve dans la même situation que le bailleur qui
aurait acheté le bien-fonds avec ses propres deniers pour une part
importante. C’est précisément parce que la libéralité ne doit bénéficier
qu’au propriétaire que le montant des fonds propres s’obtient, en
l’espèce, en retranchant de la valeur vénale le montant de la dette
reprise. Par conséquent, les premiers juges ont correctement appliqué
les principes posés par le Tribunal fédéral pour la détermination des
fonds propres du propriétaire ayant bénéficié d’un prix préférentiel, si
bien que le grief de l’appelante est mal fondé.
Décision
50/4 - Contestation de hausse de loyer