Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
14.11.2005
Lorsque le locataire est suivi médicalement après la résiliation et que la bailleresse souhaite attendre l’évolution de son état de santé et de son comportement avant de solliciter son évacuation, cette attitude ne comporte pas le renoncement à se prévaloir de la résiliation du bail, mais s’apparente davantage à un sursis à l’évacuation. Bien que la période entre la résiliation du bail et la demande d’évacuation soit relativement longue (8 ½ mois), les circonstances du cas d’espèce ne permettent pas de retenir qu’un bail tacite aurait été conclu.
4 L’appelant fait valoir que les premiers juges n’auraient, contrairement à ce que la Cour de céans leur avait demandé, pas fait porter l’instruction sur le comportement de la bailleresse après la résiliation du bail, de sorte qu’il ne serait pas possible d’examiner si un bail tacite a été conclu.
4.1 La conclusion par actes concluants, conformément à l’art. 1 al. 2
CO, d’un nouveau bail à la suite d’une résiliation suppose que, durant
une période assez longue – neuf mois selon la jurisprudence de la Cour
(ACJ/1262/1996; cf. aussi Mietrechtspraxis 1995/96 p. 164 commentant un
ATF faisant référence à une jurisprudence d’un autre canton retenant
également la durée de neuf mois) – , le bailleur se soit abstenu de
faire valoir le congé, d’exiger la restitution de la chose louée et
qu’il ait continué à encaisser régulièrement le loyer sans formuler
aucune réserve. La conclusion tacite d’un bail ne peut être admise
qu’avec prudence (ATF 119 II 147 consid. 5; ATF np 4C.198/2004 du 6
juillet 2004, consid. 4.1).
La fixation d’une limite temporelle
précise appartient au législateur. Faisant œuvre de jurisprudence, le
juge ne peut déterminer qu’un ordre de grandeur. Selon les
circonstances de chaque espèce, il pourra aller soit en deçà soit
au-delà. Autrement dit, en sus de la période pendant laquelle les
parties au contrat font fi de la résiliation du bail et continuent à
exécuter leurs obligations réciproques, l’existence d’un nouveau bail
tacite dépendra, le cas échéant, d’autres éléments factuels. Quant à
l’importance revêtue par ces derniers, elle sera fonction du laps de
temps. Plus celui-ci aura été bref, plus les autres circonstances de
fait joueront un rôle décisif pour admettre qu’un nouveau bail a été
conclu par actes concluants; inversement, ces circonstances seront
d’autant moins essentielles que le facteur temps sera considérable. En
d’autres termes, l’élément temporel n’est pas à lui seul déterminant
pour décider s’il y a bail tacite (ATF np 4C.441/2004 du 27 avril 2005,
consid. 2.1).
4.2 L’intimée a indiqué devant le Tribunal qu’elle n’avait pas requis
immédiatement l’évacuation de l’appelant dès lors que celui-ci suivant
un traitement médical, qui pouvait s’avérer efficace. Ce n’est qu’à la
suite de l’échec de cette thérapie qu’elle a décidé de requérir
l’évacuation, requête déposée 8 ½ mois après la résiliation du bail.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, l’instruction a porté sur ce
point puisque l’intimée a sollicité l’audition des infirmières s’étant
occupées de l’appelant. Ce dernier a toutefois refusé de les délier du
secret médical.
Il ressort cependant de la déposition de Mme L. que
l’Association « Vivre au Seujet » a rédigé un courrier, environ cinq ans
avant son audition, à une infirmière en demandant qu’elle intervienne.
Le témoin B. a également indiqué qu’une infirmière avait suivi
l’appelant un certain temps. Le refus de l’appelant d’autoriser les
infirmières à témoigner ainsi que les déclarations de Mmes L. et B.
conduisent la Cour à considérer que l’appelant a effectivement été suivi
par des infirmières après la résiliation et que l’intimée a souhaité
attendre l’évolution de l’état de santé de l’appelant et de son
comportement avant de solliciter son évacuation.
Cette attitude ne
comporte pas le renoncement à se prévaloir de la résiliation du bail,
mais s’apparente davantage à un sursis à l’évacuation. Bien que la
période entre la résiliation du bail et la demande d’évacuation soit
relativement longue, les circonstances du cas d’espèce ne permettent
ainsi pas de retenir qu’un bail tacite aurait été conclu. L’appel est
donc mal fondé et le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.
41/1 - Congé extraordinaire – délai pour requérir l’évacuation