Conclusion du contrat – Pouvoir de représentation du conjoint
Base légale
- Art. 253 CO
- Art. 166 al. 3 CC
Nom du tribunal
Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève
Date
11.09.2006
Résumé
La conclusion du contrat n’entre pas dans le pouvoir de représentation de la famille par l’époux, de sorte que l’épouse n’est pas solidairement engagée à l’égard des tiers. Certes la bonne foi du tiers qui conclut un contrat avec l’époux est présumée et l’art. 166 al. 3 CC produit ses effets dans ce cas, même si l’époux excède ses pouvoirs. Néanmoins, lorsque la volonté du bailleur est de conclure un bail exclusivement avec l’époux, sans demander à ce que ce bail soit contresigné par l’épouse, l’époux ne représente pas l’union conjugale.
Exposé des faits
Par acte du 12 décembre 2005, l’épouse du locataire appelle d’un
jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 8 novembre 2005 la
condamnant au paiement de fr. 30'008.– avec intérêts à 5 % dès le 1er
août 2002, pour arriérés de loyer. Elle fait valoir qu’elle n’a jamais
été titulaire du contrat de bail, de sorte que même après la résiliation
de ce dernier, il appartenait à son mari, titulaire du contrat et tenu
au paiement du loyer à titre de contribution d’entretien selon jugement
sur mesures protectrices de l’union conjugale, de verser le loyer, dont
il était le seul débiteur.
En juillet 1989, la coopérative
bailleresse a conclu un bail avec un locataire marié portant sur un
logement de 5 pièces à G. C’est en raison de son emploi que le locataire
entrait dans le cercle des coopérateurs et a pu obtenir le logement.
L’épouse du locataire n’est jamais devenue titulaire de ce bail.
L’appartement a été le logement familial jusqu’au départ du locataire en
1992.
Par jugement de mesures protectrices du 11 mai 1993, le
Tribunal de première instance a autorisé les locataires à vivre séparés,
donné acte à l’époux de son engagement de prendre notamment à sa
charge, à titre de contribution à l’entretien de la famille, le loyer de
l’appartement conjugal.
Le loyer a été régulièrement payé jusqu’au
31 janvier 2001. Suite à une résiliation de bail pour défaut de paiement
l’évacuation des locataires a été prononcée par jugement du Tribunal
des baux et loyers du 19 avril 2002. Les locaux ont été restitués le 31
juillet 2003.
Considérations
4. Chaque époux représente l’union conjugale pour les besoins courants
de la famille pendant la vie commune. Chaque époux s’oblige
personnellement par ses actes et il oblige solidairement son conjoint en
tant qu’il n’excède pas ses pouvoirs d’une manière reconnaissable pour
les tiers (art. 166 al. 1 et 3 CC).
Si le paiement du loyer du
logement de la famille fait partie des besoins de cette dernière et
constitue une dépense répétée et régulière, la conclusion du contrat est
un engagement unique.
En général, le conjoint qui signe seul le bail
n’engage pas l’autre. En effet, la conclusion d’un bail ne constitue
pas l’un des actes relatifs aux besoins courants de la famille, pour
lequel un époux peut représenter l’union conjugale. Ainsi, seul le
conjoint locataire est débiteur et le bailleur ne peut pas rechercher
l’autre époux (HASENBÖHLER, Die gemietete Familienwohnung, in MRA, 1995,
p. 225 et ss, LACHAT, le bail à loyer, 1997, p.119).
Certains actes
excèdent le pouvoir de représentation et dépassent la satisfaction des
besoins courants de l’art. 166 al. 1 CC, notamment la location d’un
appartement (DESCHENAUX, STEINAUER, BADDELEY, Les effets du mariage,
Staempfli 2000, p. 193-194).
Ainsi, la conclusion du contrat n’entre
pas dans le pouvoir de représentation de la famille par l’époux, de
sorte que l’épouse n’est pas solidairement engagée à l’égard des tiers,
selon l’art. 166 al. 3 CC. Certes, la bonne foi du tiers qui conclut un
contrat avec l’époux est présumée et l’art. 166 al. 3 produit ses effets
dans ce cas, même si l’époux excède ses pouvoirs (DESCHENAUX,
STEINAUER, BADDELEY, op. cit. p. 202).
Dans le cas d’espèce, la
volonté de la Coopérative était clairement de conclure ce bail
exclusivement avec J. U. La bailleresse qui savait que le locataire
était marié, aurait pu faire contresigner le bail par l’épouse, mais y a
volontairement renoncé, en raison de ses statuts, réservant la qualité
de locataire aux employés d’entreprises fédérales. Le locataire n’a donc
pas prétendu, abusant de la bonne foi de la Coopérative, représenter
l’union conjugale.
L’épouse n’est donc ni locataire, ni débitrice du loyer impayé du 1er février au 31 juillet 2001 à l’égard de la Coopérative.
Décision
42/3 - Conclusion du contrat – Pouvoir de représentation du conjoint